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U4 d’Uckange. Dépollution industrielle : et si les plantes étaient la solution ?

19/08/2024

U4 d’Uckange. Dépollution industrielle : et si les plantes étaient la solution ?

© La Semaine

Utiliser la nature pour dépolluer les sols, c’est le parti pris par l’Université de Lorraine qui expérimente le concept depuis 2013 sur la friche de l’U4 d’Uckange. Une initiative unique en France qui commence à attirer les curieux à l’heure où les friches deviennent un atout considérable pour les territoires.

Un jardin implanté au pied d’un Haut-Fourneau. C’est le drôle de pari porté par la collectivité du Val de Fensch en lien avec l’Université de Lorraine pour dépolluer les sols de l’U4 à Uckange. Un projet qui s’intitule : les Jardins de la transformation. Un joli nom porteur d’espoir pour les autres friches du territoire. Encore faut-il prendre son mal en patience… Puisque si cette méthode pour dépolluer semble la moins onéreuse – à titre de comparaison, selon les données du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), il faut compter un coût de moins de 50 euros par tonne de sol traité sur une phytoextraction, contre 190 euros minimum par tonne de sol traité sur l’incinération (hors site) ou de 40 à 1 300 euros par tonne de sol traité pour la technique de l’extraction chimique – elle nécessite beaucoup plus de temps.

L’expérimentation – inédite en France – qui s’opère actuellement à Uckange en est une belle preuve. Pensée depuis 2013, elle a connu ses premières implantations en 2021. Et le projet initial qui devait compter une douzaine de parcelles a finalement été réduit de moitié. Avec le recul, « c’est très bien comme ça car on ne s’imaginait pas à quel point ce serait chronophage », confie Leslie Sieja, médiatrice de ce projet. En effet, l’expérimentation implique la présence de quelqu’un en permanence sur le site pour gérer les jeunes pousses, l’arrosage et l’entretien. Aujourd’hui, six « modalités » [méthode de dépollution] sont donc en place sur des espaces de 250 m2. « Chacune d’entre elles est répétée trois fois dans des environnements différents pour les essais scientifiques et statistiques », précise Sonia Henry, responsable scientifique à l’Université de Lorraine qui assure le suivi des Jardins de la transformation.

Végétation adaptée et progressive

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Des implantations finement étudiées au préalable en fonction des caractéristiques des sols et des polluants qui les ont infiltrés. Sur le site d’Uckange, on trouve deux types de polluants : les carbones tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques issus des combustions du Haut-Fourneau et les métaux comme le nickel, le chrome, le plomb, le cuivre, le zinc liés au stockage des matières premières et au process industriel. Des oligoéléments qui à haute dose sont toxiques.

Pour les retirer des sols, il faut cibler les espèces appropriées. Par exemple, les Miscantus X giganteus vont dépolluer les sols grâce à leur système racinaire qui attire les micro-organismes. « C’est une plante magique car elle se développe sur les sols contaminés qui ne sont pas extraordinaires au niveau agronomique et ne nécessite quasiment pas d’entretien. Qui plus est, ces graines sont stériles et ne se propagent pas donc elle reste facilement maîtrisable », souligne Sonia Henry. Une fois fanée, sa tige peut même être valorisée en biomasse. Même principe du côté de la parcelle dédiée à la phytoextraction où l’on apprend toute la richesse des végétaux. « Il s’agit d’installer des plantes dites hyperaccumulatrices qui vont aller chercher les polluants dans le sol et les stocker dans leurs parties aériennes. La start-up Econick de l’Université de Lorraine les récupérera pour recycler le nickel. Les végétaux seront brûlés et transformés en biomasse. Cette énergie sera réintroduite ensuite dans le milieu industriel », explique la scientifique. Pour l’heure, elle est satisfaite de voir « que 90 % des espèces se sont maintenues », preuve donc que la sélection initiale était bonne.

Quelques pas plus loin, c’est un jardin-forêt qui se dessine avec des espèces bel et bien comestibles, du pêcher à l’Orpin en passant par le chêne ballote, le savonnier, etc. « Dans notre alimentation quotidienne, nous en consommons entre 40 à 60 alors qu’il y en aurait plus de 7 000 consommables », reprend la scientifique. Mais ici, rien ne se mange. Tout s’observe. L’idée est donc d’analyser si la pollution atteint les parties consommables de ces plantes. Les premiers essais sur l’Orpin n’ont montré aucune trace de polluants mais les analyses demandent encore à être affinées. Dans la même optique, des ruches ont pris place à proximité afin de voir les caractéristiques d’un miel produit sur un ancien site industriel.

Recolonisation spontanée

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Cette année, il y a une petite nouveauté. On laisse toute sa place à la « recolonisation spontanée ». Le lieu compte naturellement plus de 200 espèces, alors l’Université de Lorraine veut comprendre pourquoi elles s’implantent ici et comment elles évoluent. Des vipérines et des orchidées y ont fleuri. Reste à savoir si elles participent, à leur échelle, à dépolluer le site. C’est tout l’objet de cette nouvelle expérimentation. Et il y en aura d’autres… Une parcelle doit prochainement accueillir des plantes mellifères pour alimenter en nectar et en pollen les abeilles du site. Plus tard, une modalité sera mise en place pour s’attacher à la reconstruction des sols à partir de sédiments curés dans les rivières, pour l’enrichir et favoriser le développement de nouveaux végétaux.

Un projet qui tend de plus en plus à se faire connaître auprès du grand public. Des collectivités sont intéressées et viennent aussi constater l’évolution du site et s’informer sur la possibilité de transposer la méthode ailleurs. Un gros travail de médiation est effectué auprès des scolaires à travers des ateliers mais aussi du public. Les Jardins de transformation doivent accueillir des panneaux explicatifs en fin d’année, pour expliquer l’expérimentation et les spécificités des plantes installées.

Reste encore l’objectif d’attirer les spécialistes et chercheurs de France et d’ailleurs. Le site aimerait notamment pouvoir s’appuyer sur les connaissances d’un naturaliste pour comprendre quelle faune fréquente l’U4, tant dans les airs que dans les sols. Et des petites bêtes, il y en a quantité ici. Et pourquoi pas devenir l’un des « Living Lab », labo à ciel ouvert soutenu par les fonds européens ? Un dossier va être envoyé dans ce sens afin de mettre en avant le travail réalisé et les interactions favorisées entre le monde scientifique, les formations étudiantes et le grand public.

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