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Le règlement sur la restauration de la nature entre en vigueur dans toute l'UE

07/08/2024

Le règlement sur la restauration de la nature entre en vigueur dans toute l'UE

Le règlement fixe l'objectif de planter trois milliards d'arbres supplémentaires d'ici à 2030.        © A.Freund

Le texte européen, destiné à restaurer d'ici à 2050 l'ensemble des écosystèmes dégradés, est paru au Journal officiel de l'UE et entrera en vigueur le 18 août 2024 malgré les attaques portées par les tenants de l'agriculture intensive.

« Ce jour restera dans l'histoire comme un tournant pour la nature et la société », n'avait pas hésité à déclarer la coalition RestoreNature, composée de quatre ONG européennes (BirdfLife Europe, ClientEarth, BEE, WWF UE). Le 17 juin dernier, le Conseil de l'UE donnait son accord final, in extremis, sur le projet de règlement sur la restauration de la nature que la Commission avait présenté en juin 2022. Et ce, grâce à l'intervention de la ministre de l'Environnement autrichienne qui a changé de position et fait basculer le vote.

Car l'adoption de ce texte, qui avait fait l'objet de vives contestations durant son parcours parlementaire, était très loin d'être acquise. Des contestations en provenance des organisations agricoles majoritaires dont les positions ont été relayées par les eurodéputés conservateurs et d'extrême droite, sur fond de fronde agricole en Europe. « Dès son ébauche, ce dossier a été épineux, tient ainsi à rappeler la Copa-Cogeca, organisation professionnelle européenne qui regroupe un grand nombre d'organisations syndicales agricoles dont la FNSEA en France. Il a été totalement rejeté successivement par les commissions de la pêche, de l'agriculture et de l'environnement du Parlement européen, et le pays occupant la présidence du Conseil a voté pour son rejet dans l'orientation générale qu'il a lui-même rédigée. »

Après son adoption par le Conseil, le règlement est finalement paru au Journal officiel de ce lundi 29 juillet 2024 et entrera en vigueur le 18 août prochain dans toute l'UE.

Restaurer l'ensemble des écosystèmes dégradés d'ici à 2050

Ce texte a pour objectif principal de restaurer au moins 20 % des zones terrestres et marines de l'UE d'ici à 2030, et l'ensemble des écosystèmes européens dégradés d'ici à 2050. D'ici à 2030, les États membres accorderont la priorité à la restauration des sites Natura 2000. Ils devront restaurer au moins 30 % des habitats nationaux en mauvais état d'ici là, 60 % d'ici à 2040 et 90 % d'ici à 2050. Il s'agit également de veiller aux habitats naturels en bon état : les États doivent prévenir une « détérioration significative » des écosystèmes terrestres et marins en bon état, tout comme ceux qui auront été restaurés.

« Le règlement couvre une série d'écosystèmes terrestres, côtiers et d'eau douce, forestiers, agricoles et urbains, notamment les zones humides, les prairies, les forêts, les rivières et les lacs, ainsi que des écosystèmes marins, notamment les prairies sous-marines et les bancs d'éponges et de corail », expliquent les services du Conseil de l'UE.

Le texte prévoit un calendrier de restauration progressif pour ces écosystèmes, dont les habitats marins, d'ici à 2050. Pour les écosystèmes agricoles, les États membres sont chargés de mettre en place des mesures visant à améliorer au moins deux des trois indicateurs suivants : stock de carbone organique dans les sols minéraux, part des terres agricoles présentant des particularités topographiques à haute diversité, indice des papillons de prairie. Concernant ce dernier point, on note également que le règlement comprend des dispositions spécifiques sur la restauration des populations de pollinisateurs. Les États membres sont tenus d'améliorer la diversité de ces derniers et d'inverser le déclin des populations d'ici à 2030. Des dispositions portent également sur la restauration des tourbières drainées.

Absence de perte nette d'espaces verts en milieu urbain

Concernant les écosystème forestiers, les États doivent obtenir une tendance à la hausse de l'indice des oiseaux communs des milieux forestiers d'ici à 2030. Ils doivent également parvenir à une tendance à la hausse d'au moins six des sept indicateurs suivants à la même date : bois mort sur pied, bois mort au sol, hétérogénéité des forêts en âge, connectivité des forêts, stock de carbone organique, part d'essences indigènes d'arbres, diversité des essences. Le règlement fixe également l'objectif de planter trois milliards d'arbres supplémentaires d'ici à 2030.

Concernant les écosystèmes urbains, le texte affiche l'objectif d'absence de perte nette d'espaces verts et du couvert arboré. En matière de connectivité des cours d'eau, le règlement vise à restaurer 25 000 km de cours d'eau à courant libre d'ici à 2030, imposant aux États membres de supprimer les obstacles artificiels.

Le texte prévoit toutefois des exemptions aux obligations de restauration pour certains types de détériorations. C'est en particulier le cas pour les détériorations causées par un plan ou projet d'intérêt public majeur pour lesquels il n'existe pas de solution alternative moins préjudiciable. Cette qualification d' « intérêt public majeur » est attribuée par le règlement aux installations de production d'énergies renouvelables, sous réserve de la réalisation d'une évaluation environnementale, et peut l'être par les États membres pour les plans et projets répondant aux besoins de la défense nationale.

Élaborer un plan national de restauration d'ici au 1er septembre 2026

Pour mettre en œuvre ces objectifs, les États membres sont tenus d'élaborer des plans nationaux permettant de déterminer les mesures de restauration nécessaires, en quantifiant notamment la surface qui doit être restaurée. Le texte précise l'articulation de ce document avec d'autres plans imposés par la législation européenne et détaille son contenu. Ce plan doit être soumis avant le 1er septembre 2026 à la Commission européenne qui dispose d'un délai de six mois pour l'évaluer à compter de sa date de réception. Les États sont également chargés d'assurer le suivi des progrès accomplis et de communiquer les données à Bruxelles.

La France, par la voix de son ministre de la Transition écologique, a salué l'adoption du règlement qu'elle a soutenue avec 19 autres États membres. « Je me réjouis de l'adoption finale de ce texte. D'abord, parce qu'il constitue un aboutissement du projet politique qui nous a servi de boussole depuis 2019, le Pacte vert. Mais aussi parce que ce règlement traduit l'engagement international de l'Union européenne à la mise en œuvre, sur son territoire, du cadre mondial sur la biodiversité adopté en décembre 2022 », a déclaré Christophe Béchu lors de l'adoption du texte par le Conseil.

« Ce résultat positif est également opportun en amont de la prochaine Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP16) qui se tiendra en Colombie, fin 2024, montrant que l'Europe reste déterminée à mener la lutte contre les crises climatiques et de la biodiversité et respecte ses engagements mondiaux, souligne la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), représentante en France de BirdLife Europe. C'est aussi un message très clair aux eurodéputés nouvellement élus, qui garantit le maintien de la biodiversité au premier plan de leur agenda ainsi que l'intégrité du Pacte vert de l'UE. »

Avec un nouveau Parlement plus marqué à droite, la pérennité de certaines réformes adoptées dans le cadre du Green Deal soulève en effet des doutes, même si Ursula von der Leyen, reconduite à la présidence de la Commission, a annoncé vouloir poursuivre sa politique environnementale. « Émanant d'une proposition boiteuse, cette loi entraînera des batailles juridiques aux niveaux régional, national et européen, alors que le flou règne toujours quant à sa mise en œuvre », estime de son côté la Copa-Cogeca.

« Contrairement à la caricature qui en a parfois été faite, cette loi n'est pas une menace pour notre sécurité alimentaire. Des flexibilités supplémentaires ont été intégrées au texte pour protéger le monde agricole », veut rassurer l'eurodéputé Renew Pascal Canfin, ancien président de la commission environnement du Parlement. L'article 27 du règlement prévoit en effet la possibilité de suspendre temporairement son application en cas d'« événement imprévisible, exceptionnel et non provoqué » ayant de graves conséquences « sur la disponibilité des terres nécessaires pour assurer une production agricole suffisante pour la consommation alimentaire ».

Laurent Radisson / actu-environnement


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