Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du
Grand Est
Les Actualités
La Fresque du Climat ne parvient pas à changer les comportements en profondeur
22/04/2025

La Fresque du Climat, inefficace pour changer les comportements, veut se réinventer - Crédit _ La Fresque du Climat
Peu de participants à la Fresque du Climat changent vraiment leurs habitudes, selon une récente étude. Face à ce constat, l'association envisage de refondre en partie son célèbre atelier, pour pousser davantage les participants à l'action.
La Fresque du Climat, qui a fait le buzz ces dernières années dans les entreprises dites engagées pour le climat, est-elle vraiment efficace ? Les résultats d'une récente étude dirigée par la psychologue clinicienne Hélène Jalin, viennent nuancer l'engouement que suscite encore l'atelier en tant que vecteur supposé de changement des comportements.
Les équipes de recherche à l'origine de l'étude ont suivi 460 participants à la Fresque du climat pendant trois mois, et étudié la manière dont ils modifiaient ou pas leurs habitudes et leurs comportements pour atténuer leur impact climatique. Résultats : moins d'un participant sur trois déclare avoir changé ses habitudes un mois après avoir participé à un atelier. Et surtout, la majorité des nouvelles habitudes observées disparaissent quelques semaines après l'atelier.
Fresque du climat : une mobilisation qui s'estompe rapidement
"On constate qu'une minorité de gens, environ 30% seulement, disent changer leurs habitudes après l'atelier de sensibilisation", confirme à Novethic Hélène Jalin. "On pense même que ce chiffre est en fait encore plus bas, car une partie des participants ne répondent plus aux questionnaires après quelques semaines, et les participants peuvent aussi avoir tendance à surévaluer leurs changements de comportements", commente la psychologue. Pourquoi un tel constat d'échec ? Les facteurs sont multiples : sentiment d'impuissance, difficultés pratiques pour mettre en place certains comportements (par exemple, réduire l'usage de la voiture), méconnaissance des leviers d'action... Le caractère trop ponctuel de l'atelier est aussi un facteur limitant. "Pendant l'atelier et juste après, vous avez un pic d'écoanxiété qui vous pousse à l'action. Mais après quelques semaines, les participants retournent dans leur routine", analyse Hélène Jalin. "Dans l'idéal, il faudrait réactiver régulièrement les réflexions des participants, via des dynamiques de groupe régulières, qui sont beaucoup plus efficace", ajoute-t-elle.
Interrogé par Novethic, Benoît Rolland de Ravel, directeur innovation, pédagogie et impact à la Fresque du Climat, partage en partie ces constats. "On n'est pas surpris par ces résultats, et on travaille d'ailleurs avec un doctorant sur une clarification de notre théorie du changement", assure-t-il. L'association travaille ainsi sur une version "2.0". La Fresque du Climat resterait structurée en deux grandes phases : 1h30 de phase de jeu interactif et de réflexion, puis 1h30 de discussion et d'échanges entre les participants et l'animateur. Mais cette seconde partie serait repensée pour "que les ateliers donnent plus envie d'agir", explique Benoît Rolland de Ravel. "On veut un atelier qui développe une posture lucide sur la gravité de la crise climatique, optimiste sur la capacité à accomplir une transition climatique positive et souhaitable, et active sur les leviers d'action, en articulant action collective et action individuelle", ajoute-t-il. L'équipe de la Fresque du Climat vise un lancement de cette nouvelle formule à partir de l'été ou de la rentrée prochaine.
"Montrer que le statu quo est une impasse"
Pour Hélène Jalin, ces évolutions seraient globalement positives. "Je reste tout de même prudente sur la notion d'optimisme", commente-t-elle. "Nos résultats montrent que l'écoanxiété est un des moteurs de l'action, et l'optimisme peut au contraire être paralysant s'il amène les participants à croire à des solutions simples", complète la spécialiste. L'enjeu semble être de trouver la bonne posture, capable de mobiliser et de donner du sens à la mise en action, sans anesthésier.
"Tout le sujet, c'est de parvenir à montrer que le statu quo actuel est une impasse, sans créer de réactance, mais en suscitant l'adhésion", concède Benoît Rolland de Ravel. Au sein de son pôle innovation et pédagogie, la Fresque du Climat a aussi lancé un travail de synergie avec les autres Fresques et ateliers comme 2 Tonnes ou les Conversations Climat. "On est dans une logique de complémentarité avec les autres ateliers existants et on voudrait que nos parcours intègrent une partie de ces formats", explique-t-il. "Les ateliers de sensibilisation sèment des graines, mais ils comblent surtout un vide", analyse pour conclure Hélène Jalin. "La transition écologique devrait être organisée à un niveau systémique, par exemple par l'Etat, et ne peut pas reposer que sur les bonnes volontés de la société civile", explique-t-elle.
En 2019, une étude publiée par Carbone 4 et ayant eu un certain écho médiatique, avait mesuré que même avec un comportement individuel que le cabinet qualifie d'"héroïque", c'est à dire où chaque Français aurait activé tous les éco-gestes, un citoyen ne peut espérer réduire son empreinte de plus de 2,8 tonnes par an, soit environ 25% de l’empreinte carbone annuelle. Le reste, soit 75% de l'effort, relève d’investissements et de règles collectives qui sont du ressort de l’État et des entreprises.