Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du Grand Est

Les Actualités

Une première évaluation de l’impact climatique du réarmement de l’OTAN

13/06/2025

Une première évaluation de l’impact climatique du réarmement de l’OTAN

Région d'Al Jahra - Cimetière de chars (de la première guerre du Golfe) © Yann Arthus-Bertrand

Alors que les activités militaires représenteraient 5,5 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre, un rapport de l’Observatoire des conflits et de l’environnement publié en mai alerte sur l’impact climatique du réarmement. Le réarmement des seuls pays de l’OTAN pourrait aboutir à une hausse conséquente des émissions de gaz à effet de serre. Ce surplus est évalué entre 87 millions et 194 millions de tonnes de CO2 par an, selon la note How increasing global military expenditure threatens SDG 13 on Climate action (Comment l’augmentation des dépenses militaires menace l’objectif de développement durable 13 sur l’action climatique). Ses auteurs écrivent que « les militaires sont de grands consommateurs d’énergie dont les émissions de gaz à effet de serre contribuent significativement à la crise climatique. » Le rapport disponible sur le site Internet de l’ONG britannique Conflict and Environment Observatory (l’Observatoire des conflits et de l’environnement) est rédigé par des scientifiques de plusieurs universités. Il met en avant la grande dépendance des forces armées au pétrole ainsi que l’empreinte carbone de la fabrication des équipements. Et donc, « fondamentalement, la hausse des dépenses militaires va entraîner une hausse des émissions ».

Coût caché du réarmement : le montant des dommages collatéraux sur le climat dépasse les 120 milliards de dollars par an pour l’OTAN

La multiplication et l’intensification des conflits contribue à l’augmentation des dépenses militaires partout dans le monde. Elles ont atteint un record historique en 2024 avec 2 700 milliards de dollars. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et sous la pression de l’administration américaine, en Europe, ces dépenses ont augmenté d’un tiers entre 2021 et 2024 tandis que les pays membres de l’OTAN se sont fixés comme objectif de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. Ce qui se traduit aussi sur le climat, les auteurs du rapport Comment l’augmentation des dépenses militaires menace l’objectif de développement durable 13 sur l’action climatique ont calculé que « le coût des dommages collatéraux sur le climat causé par l’accroissement des dépenses militaires de l’OTAN devrait se situer entre 119 milliards et 264 milliards de dollars par an ».

Sécurité à court-terme contre résilience et sécurité de long-terme

Même si l’étude ne porte que sur un nombre limité de pays, elle a le mérite de questionner l’empreinte carbone des dépenses militaires. Co-auteure de l’étude, Ellie Kinney, chercheuse à l’Observatoire des conflits et de l’environnement, précise dans The Guardian : « les calculs dans ce papier concernèrent 31 pays qui représentent seulement 9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si vous prenez en compte l’impact de ce fait, cela signifie qu’une grande partie du monde n’a pas été prise en compte dans nos calculs ». La discrétion, si ce n’est pas le secret, autour des activités des forces armées constitue une des difficultés méthodologiques pour en déterminer l’impact, qui ne se limite d’ailleurs pas au climat. Le réarmement s’opère souvent au détriment d’autres pans de l’action des États, notamment l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Ellie Kinney affirme que’ : « il y a une réelle préoccupation autour de la manière dont on priorise la sécurité à court-terme tout en sacrifiant la sécurité sur le long-terme ».

Le rapport concède que les forces armées jouent un rôle majeur en cas de catastrophes naturelles, mais que ce ces interventions ne constituent pas leur mission première. Les gouvernements peuvent argumenter qu’investir dans du matériel militaire peut contribuer à la protection civile. Toutefois, les auteurs du rapport nuancent ce bénéfice. Ils mettent en avant que les équipements militaires sont d’abord destinés au combat. Ils demeurent encore très énergivores.

La chercheuse Ellie Kinney ajoute qu’investir maintenant dans la sécurité militaire accentue la crise climatique, ce qui renforce l’instabilité et l’insécurité.  De plus, « davantage de dépenses militaires impacte la manière dont se bâtit le cœur de la confiance nécessaire au multilatéralisme », rappelle-t-elle, mettant en avant les conséquences possibles sur les négociations internationales sur le climat.

Les auteurs du rapport soulignent « l’existence d’un large consensus sur le fait que l’augmentation des dépenses militaires détourne des ressources nécessaires au renforcement de la résilience et de la capacité d’adaptation de tous les pays. » Ils estiment qu’il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de la réduction des dépenses d’adaptation au profit de la défense nationale. Selon eux, « c’est ce qui se passe actuellement en Europe, avec le Royaume-Uni, la Belgique, la France et les Pays-Bas qui coupent leur budget dédié à l’aide tout en accroissant leurs dépenses militaires. »

 Julien Leprovost / goodplanet

Annonce Publicitaire