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Éolien flottant et pêche : l’étude que la Région Bretagne veut imposer à l’État
09/06/2025

Pour l’éolien flottant, la Région Bretagne veut imposer que la coactivité avec la pêche soit inscrite dans le cahier des charges. | LOÏC FABRÈGUES
Entre la pêche et l’éolien flottant, la région Bretagne ne veut pas choisir. Avec son étude, elle veut imposer à l’État d’inscrire impérativement la coactivité dans tout appel d’offres.
Certes, la question de l’éolien en mer et de l’implantation des parcs est du ressort de l’État. Mais l’État le sait et la Région Bretagne ne manque pas de le lui rappeler, il ne pourra pas faire sans elle. L’avantage, c’est que la collectivité est favorable au développement des énergies renouvelables. Nous voulons faire en sorte que ces projets aboutissent », assure le vice-président Daniel Cueff.
Mais si la Région est un interlocuteur convaincu, elle n’en est pas moins exigeante, voire intransigeante. Nous souhaitons impérativement que la pêche et l’éolien soient placés au même niveau, tout comme l’éolien et la biodiversité. Il n’est pas question que ce soit l’un ou l’autre. En Bretagne, ce sera l’un et l’autre. Cela nous oblige donc à trouver des solutions , poursuit l’élu.
Mais ces deux éléments dont la Région estime qu’ils sont vitaux pour la souveraineté alimentaire et énergétique du territoire sont-ils compatibles ? Si la réponse est devenue évidente avec le parc en baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) où la pêche a repris et se porte bien, des interrogations demeurent sur l’éolien flottant. Or les éoliennes en projet, au sud comme au nord de la Bretagne, ne seront pas posées comme à Saint-Brieuc, mais flottantes. Le flottant n’est pas un choix, c’est la bathymétrie (profondeur) qui détermine si on peut implanter des éoliennes posées ou flottantes , précise Daniel Cueff.
Le oui mais… de l’étude
C’est donc pour défendre des parcs flottants et pêchants que la Région a commandé une étude de fond pour évaluer les possibilités de coactivité en mer. Lancée en juin 2024 et confiée à un bureau d’études et de conseil du secteur de la pêche, avec un spécialiste de l’éolien en mer et l’université technique du Danemark en pointe sur le sujet, l’étude bretonne, première du genre, vient de rendre ses résultats.
C’est très positif puisque l’étude démontre que la coactivité entre pêche professionnelle et éolien flottant est possible , se réjouit le vice-président. Oui mais, il y a des conditions. Et ce ne sont pas des détails.
Disposition des éoliennes, flotteurs, types d’ancrages avec des câbles de chaque côté ou à la verticale, selon les caractéristiques du site, la puissance, la taille des turbines… Les conditions de la cohabitation avec différents engins de pêche ne sont pas si évidentes. Un outil de visualisation baptisé Copéole a d’ailleurs été développé spécifiquement pour bien visualiser et analyser les indispensables à la coactivité.
L’étude esquisse, par la même occasion, les possibilités d’adaptation des engins de pêche. Car s’il défend la nécessité de pouvoir pêcher, Daniel Cueff défend aussi celle d’envisager les transitions du secteur. La pêche durable ne veut pas dire faire durer la pêche telle qu’elle est , estime-t-il. Chacun aura donc, dans ces nouvelles perspectives, à s’interroger et s’adapter.
La pêche comme casus belli
En tout cas, la Région se considère désormais suffisamment outillée pour imposer à l’État que ce paramètre de la pêchabilité dans les zones de parcs soit désormais inscrit dans le cahier des charges -déjà bardé de contraintes diverses et variées- auquel doivent répondre les porteurs de projet.
Je ne vois pas l’État refuser alors que cela a été validé au sein de la conférence mer et littoral où siègent les représentants de l’État. La prise en compte de la pêche est absolument indispensable. Si on n’est pas volontariste dans le cahier des charges, les choix se font sur des critères techniques et de coûts sans tenir compte du reste. Pour nous c’est un casus belli , prévient Daniel Cueff.
Mais imposer la pêchabilité avec l’éolien en mer suffira-t-il à rassurer et calmer les pêcheurs ? De toute évidence non. Le sujet est bien trop politique pour se plier aux strictes analyses scientifiques ou techniques. Le report de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PEE) par le gouvernement Bayrou le démontre. La réaction du comité des pêches, qui a pourtant pris part à l’étude, montre aussi combien le sujet est sensible.
Car si les pêcheurs saluent la démarche de la Région, ils n’en soulignent pas moins les limites. « Nous sommes défavorables au développement de l’éolien en mer tout en restant ouverts, depuis l’origine à l’élaboration d’un dialogue constructif selon le principe éviter, réduire, compenser qui respecte nos intérêts et droits d’antériorité », insiste Yannick Calvez, président du comité des pêches du Finistère, dans un communiqué. Et de regretter que ce rapport ne soit pas pris en compte dans le cadrage de la zone Bretagne Nord-Ouest à contre-courant de nos volontés et mises en garde. Quand bien même l’essor d’une filière industrielle régionale serait en jeu, nous rappelons que l’éolien flottant n’a nullement vocation à s’imposer sur des eaux côtières où exercent de nombreux navires . De toute évidence, les pêcheurs n’ont pas dit leur dernier mot.