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Surpêche, pollution, climat... On vous présente les principaux enjeux de la Conférence sur l'océan à Nice
12/06/2025

La conférence de l'ONU sur les océans, l'Unoc-3, se tient à Nice du 9 au 13 juin 2025. Elle est précédée d'un sommet scientifique lors duquel les experts des milieux marins entendent alerter sur les dangers qui menacent la santé des mers. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO.FR)
Surchauffés, surexploités, pollués, les océans sont en danger. A la veille de la troisième édition du sommet des Nations unies qui leur est dédié, des experts expliquent pourquoi l’état de santé de nos mers s'est autant dégradé et pourquoi il y a aujourd'hui urgence à les soigner avant qu'il ne soit trop tard.
Comme une bouteille à la mer. Les deux pays organisateurs du troisième rendez-vous des Nations unies pour les océans, la France et le Costa Rica(Nouvelle fenêtre), ont lancé l'alerte : "La Conférence Unoc-3 doit être à la hauteur de l'état d'urgence dans lequel se trouve l'océan". Ils ont convié les mondes politique, scientifique et économique à Nice, du lundi 9 au vendredi 13 juin, pour accélérer la remise en état de ces zones et écosystèmes négligés, qui couvrent 70% de la surface planétaire.
Depuis une semaine, plus de 2 200 personnes issues d'une centaine de pays se sont déjà réunies pour sonner l'alarme, à l'occasion d'un congrès scientifique (OOSC)(Nouvelle fenêtre) organisé par le CNRS et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Car, loin des regards, les océans se détériorent sous l'effet des activités humaines. Surchauffés, surexploités, pollués, ils peinent en retour à fournir à l'humanité des services vitaux longtemps pris pour acquis. Alors que l'Unoc-3 doit permettre aux décideurs du monde entier de concrétiser des efforts de protection de l'océan à la hauteur des menaces observées, des scientifiques nous disent sur quels leviers il est urgent d'agir.
La surpêche menace toujours plus notre garde-manger
Pour expliquer les effets de la surpêche sur les océans, Daniel Pauly se positionne sur la terre ferme. "Imaginez que nous coupions tous les arbres d'une forêt", illustre le biologiste franco-canadien, spécialiste des ressources halieutiques (les espèces vivantes en milieu aquatique). "Quand il n'en reste plus, si on veut continuer à avoir du bois, il serait logique de partir et de leur donner le temps de repousser", continue-t-il. "Imaginez qu'au lieu de ça, on se mette à couper les brins d'herbe dès qu'ils poussent et même à subventionner cette activité. C'est ce que l'on fait dans les océans. C'est ça, la surpêche." Résultat : depuis l'essor de la pêche industrielle, "la biomasse – la quantité de poissons, toutes espèces confondues – a diminué de 95%", alerte le spécialiste.
Quotas, régulations, aires marines protégées... Au fil des décennies, la communauté internationale a agi pour encadrer l'activité, mais pour le biologiste, "il est pratiquement impossible de contrôler tout ce qui se passe en mer, surtout en haute mer où les industriels font n'importe quoi", accuse-t-il. Les lois élaborées sur terre ne sont pas toujours appliquées au large et dans les ports, faute de moyens de contrôle, ou par complaisance, relève un rapport de la Fondation pour la mer sur la pêche illégale(Nouvelle fenêtre). En 2016, une étude menée par Daniel Pauly estimait ainsi que 50% des prélèvements marins n'étaient pas déclarés(Nouvelle fenêtre).
Finalement, "qu'elle soit légale ou non, notre manière de gérer la pêche n'est pas adaptée à ce que peut produire la nature", alerte le biologiste. Il fustige les subventions dont bénéficie la pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale(Nouvelle fenêtre), ou encore la position européenne autorisant la pêche au chalut jusque dans les aires marines protégées : "Pêcher au chalut, pour les fonds marins, c'est comme avoir des bulldozers et des blindés qui traversent une forêt". Alors s'il craint que l'Unoc-3 soit une occasion de "brasser beaucoup d'air", le sommet a le mérite de mettre sur la table la protection de la biodiversité en haute mer, la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (dite "pêche INN") et le renforcement des aires marines protégées.
Des entreprises lorgnent les minerais qui gisent dans les grands fonds
A ce jour, aucune extraction minière commerciale n'a jamais été autorisée dans les fonds marins. Mais cela pourrait changer. Parce que ces zones lointaines et silencieuses regorgent de minerais (cuivre, nickel, cobalt, manganèse) essentiels à la fabrication des batteries utilisées pour les voitures électriques ou encore des smartphones, elles suscitent les convoitises des industriels. A Lisbonne, en 2022, des Etats se sont alliés pour demander un moratoire sur l'exploitation des ressources minières des fonds marins, sous l'impulsion des Etats du Pacifique et de la France.
Trois ans plus tard, le besoin de freiner les ardeurs des multinationales est plus urgent que jamais, alerte Florian Besson, ingénieur géologue à l'Ifremer. Car dans ces zones riches en nodules (des petites boules minérales qui reposent sur le lit océanique, parfois à quelque 5 000 mètres de profondeur), "on estime que l'on ne connaît que la moitié des espèces" qui peuplent ces grands fonds et qui pourraient donc souffrir de leur exploitation minière. "Concrètement, on parle d'engins à chenilles qui évoluent sur le fond, qui compactent les sédiments, enlèvent les nodules qui sont de potentiels habitats pour certaines espèces de flore, en générant un panache de sédiments qui se redéposent un peu plus loin", décrit le scientifique. Au risque d'"étouffer" la faune et la flore qui s'y trouvent.
D'autant que dans l'obscurité totale des abysses, chaque mission scientifique apporte son lot de découvertes. Florian Besson évoque donc "un besoin criant de connaissances sur ces milieux, avant même de comprendre les impacts" que pourrait avoir une activité d'extraction.
Ce n'est pas parce qu'on n'y voit rien, ou que la "macrofaune" (les poissons les plus gros) s'y font rare, que les grands fonds ne regorgent pas de formes de vies minuscules, mais cruciales au fonctionnement des écosystèmes marins. La communauté scientifique profitera donc de l'Unoc-3 pour appeler à renforcer le principe de précaution.
La pollution plastique se révèle toujours plus dangereuse
En décembre, la Conférence de l'ONU sur la pollution plastique, à Busan (Corée du Sud), visait à élaborer "un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin". Après l'échec de ce rendez-vous, la Conférence des Nations unies sur l'océan est l'occasion de remettre le sujet sur la table. D'autant qu'il faut faire vite, alerte l'océanographe Isabelle Poitou. "La production plastique a doublé au cours des 40 dernières années et les projections indiquent qu'elle va à nouveau doubler en 20 ans", alerte-t-elle, citant les projections de l'OCDE.
Si l'on considère que, chaque minute, 15 tonnes de plastiques sont rejetées dans l'océan(Nouvelle fenêtre), les nombreux travaux sur la dégradation des plastiques en micro et nanoparticules a mis au jour l'ampleur nouvelle du risque associé à cette pollution. "Les nanoparticules sont aussi présentes dans l'air que l'on respire, et quand il pleut, elles retombent dans l'océan", poursuit Isabelle Poitou. Si le grand public s'émeut ainsi des photos de plages-dépotoirs ou de tortues brimées, une paille ou une fourchette dans le nez, cette pollution visible n'est que la partie émergée de l'iceberg.
A l'Unoc, une séance plénière portera ainsi sur la prévention et la réduction des pollutions marines. Son ambition : permettre la naissance de coalitions (de pays, d'entreprises, de villes...) afin de lutter collectivement contre ce fléau. "Pendant très longtemps, nous avons eu des manières de gérer ces déchets qui n'étaient pas adaptées au regard des risques environnementaux d'aujourd'hui", poursuit l'océanographe. Mais désormais, plus question de plaider l'ignorance.
Les canicules déciment aussi les océans
Impossible de parler de la pression qu'exercent les humains sur les océans sans évoquer le réchauffement climatique causé par les activités humaines. "On ne peut pas dissocier l'océan du climat", résume Marie Drevillon, océanographe de Mercator Ocean International. Partie prenante de l'équation physique qui préside à la hausse précipitée des températures, l'océan est à la fois acteur du changement climatique "et une de ses premières victimes, car il absorbe aux environ de 90% de la chaleur excédentaire" produites par nos émissions de gaz à effet de serre.
Pour les novices, cette océanographe emploie volontiers la métaphore de la fièvre. "Les émissions de CO2 qui entrent dans l'océan provoquent son acidification. La désoxygénation [la diminution du contenu en oxygène des eaux marines] et les canicules marines se superposent pour créer un stress très concret pour les organismes les plus fragiles. Ceux qui ne peuvent pas migrer connaissent des taux importants de mortalité", poursuit-elle, citant les coraux. Près de 84% des récifs coralliens de la planète sont désormais endommagés et 90% d'entre eux pourraient disparaître d'ici 25 ans, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec)(Nouvelle fenêtre).
Quant à la migration des espèces en quête d'eaux plus fraîches, "cela va aussi avoir des conséquences sur les écosystèmes, avec, par exemple, l'arrivée d'espèces invasives qui créent des déséquilibres et introduisent des changements socio-économiques" pour les habitants humains de la planète bleue.