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Pesticides, élevage intensif, réglementation environnementale... Qu'est-ce que la proposition de loi Duplomb, qui fait bondir les protecteurs de l'env
28/05/2025

Un tracteur épandant des insecticides dans un champ d'orge, en France, en mars 2024. (CLAUDIUS THIRIET / AFP)
L'examen du texte, qui vise notamment à réintroduire un insecticide interdit en France depuis sept ans ou à favoriser le stockage d'eau, doit débuter lundi à l'Assemblée nationale.
La très discutée proposition de loi "visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur", portée par le sénateur LR Laurent Duplomb, lui-même agriculteur en Haute-Loire, doit être débattue à partir de lundi 26 mai à l'Assemblée nationale. Le texte, venu du Sénat, où il a été adopté en première lecture, reprend plusieurs revendications portées par certains syndicats agricoles, dont la FNSEA, depuis le mouvement de colère des agriculteurs de janvier 2024. Le tout, dans un contexte toujours tendu, entre de nouvelles manifestations d'agriculteurs et la dégradation de dizaines de permanences de députés.
"Ce texte est très important pour les agriculteurs parce qu'il propose de lever des freins à la production d'alimentation", a plaidé lundi sur franceinfo la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, ajoutant que le monde agricole "attend beaucoup de ce texte". Une vision que ne partagent pas les défenseurs de l'environnement. A commencer par les députés écologistes et insoumis, à l'origine de la majorité des près de 3 500 amendements qui ont été déposés jeudi à l'Assemblée.
Pour contourner ce "mur d'obstruction", les partisans du texte vont déposer une motion de rejet lundi, ont fait savoir plusieurs sources parlementaires à l'AFP. Le but avoué est d'aboutir à une discussion en commission mixte paritaire sur la base de la version adoptée par la chambre haute, ce qui donnerait plus de poids aux sénateurs. Du côté des opposants, l'objectif est de modifier un texte à "l'inspiration trumpienne", tance l'élue écologiste Delphine Batho. Cette proposition de loi est aussi critiquée par des centaines de chercheurs et de médecins, qui y voient "un recul pour la santé publique" dans une lettre adressée au gouvernement le 5 mai.
Une mesure particulièrement controversée sur les néonicotinoïdes
Que contient ce texte ? Longue d'une vingtaine d'article, la proposition de loi aborde(Nouvelle fenêtre) des sujets aussi vastes que le rôle de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), l'autorisation des pesticides, les réglementations environnementales concernant le stockage de l'eau ou encore les relations entre les agriculteurs et l'Office national de la biodiversité (OFB).
La mesure qui fait le plus polémique concerne la possibilité de déroger durant trois ans à l'interdiction d'utiliser l'acétamipride, sous certaines conditions. Ce pesticide, nocif pour les pollinisateurs, est interdit en France depuis 2018. Autorisé ailleurs en Europe, il est réclamé par les filières de la betterave ou de la noisette, qui estiment n'avoir aucune autre solution pour lutter contre les insectes ravageurs. De leur côté, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles" et demandent quelle souveraineté alimentaire imposerait de "tuer une filière pour en sauver une autre".
Durant les débats en commission, les députés de gauche ont dénoncé une attaque à l'environnement, la santé et la science. La "littérature scientifique" sur la nocivité de l'acétamipride est "implacable", ont-ils martelé. "Ce n'est pas un retour des pesticides, ce n'est pas un retour des néonicotinoïdes, a pour sa part défendu Annie Genevard sur franceinfo. C'est la possibilité d'utiliser un néonicotinoïde, un assimilé néonicotinoïde qui n'est pas comme les autres, le seul autorisé dans toute l'Union européenne."
Par ailleurs, l'article 2 du texte vise à permettre au ministère de l'Agriculture de suspendre une décision de l'Anses, qui délivre les autorisations ou les refus de mise sur le marché des produits phytosanitaires, "dans certaines conditions". Selon les médecins et les scientifiques, cet article représente "une remise en cause de la place de l'expertise scientifique dans le processus d'autorisation de mise sur le marché [de produits phytosanitaires] à travers un affaiblissement du rôle de l'Anses".
Des simplifications de normes environnementales
Sur l'élevage, l'article 3 propose notamment des changements sur les normes en matière de construction de bâtiments d'élevage en assouplissant la procédure d'autorisation environnementale. En commission, les députés ont par ailleurs rehaussé la taille de certains élevages soumis aux demandes d'autorisations environnementales les plus contraignantes.
L'article 5 vise lui "à faciliter les projets de stockage de l'eau présentant un intérêt général majeur", ravivant le souvenir des conflits autour des controversées mégabassines, comme le chantier de Sainte-Soline. Le gouvernement proposera de réintroduire cette disposition, promettant "un équilibre entre les enjeux environnementaux et les besoins de l'agriculture".
Enfin, l'article 6 "entend apaiser les relations entre l'Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs". Et ce, en incitant l'institution à recourir à des procédures administratives contre les agriculteurs plutôt que des procédures judiciaires, en cas de manquements aux lois environnementales. "Ces dernières ayant pu être jugées infamantes, alors que les peines finalement prononcées sont équivalentes à celles de la voie administrative", justifient les auteurs du texte.