Entreprises : soyons rebelles, pas révolutionnaires

Entreprises : soyons rebelles, changeons le système économique - Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Face à la crise sociale et écologique, les entreprises doivent être rebelles et capables d’inventer un autre système économique, en redéfinissant la performance et les modèles d’affaires. C’est ce que défendent Thomas Breuzard, Camila Garcia Quijano et Augustin Boulot, dirigeants de B Lab France dans une tribune publiée en exclusivité sur Novethic. Ils appellent les acteurs économiques à se mobiliser pour le progrès humain et la protection du vivant.

Alors que la France découvre la composition du nouveau gouvernement sous la direction de Michel Barnier, espérant mettre fin à des semaines de rebondissements et d’incertitudes politiques, il est plus que jamais essentiel de ne pas laisser les questions de casting détourner notre attention de l’origine du problème : la dégradation continue des écosystèmes et des conditions sociales, entraînée par des activités économiques déconnectées de leurs impacts réels. Si les équilibres institutionnels sont fragilisés, les transformations profondes et indispensables pour notre société, notre économie, et nos écosystèmes n’attendent pas. Le risque serait de céder à l’immobilisme, ou pire, aux sirènes des bouleversements radicaux qui provoquent souvent plus de chaos que de progrès.

Face aux défis contemporains, il ne s’agit pas de tout renverser pour tout reconstruire. La tentation de la révolution, séduisante en apparence, porte en elle des promesses de changements rapides et radicaux qui dérivent vite en coût humain, social et économique que l’Histoire nous rappelle sans cesse. Nous devons, au contraire, préférer la voie d’une transformation maîtrisée, plus durable, qui préserve les fondations de notre société tout en agissant concrètement pour en réduire les dérives. Il ne s’agit plus de se demander s’il faut changer, mais de déterminer comment aborder ce changement sans risquer de tout détruire en voulant tout sauver.

En finir avec la compétition à outrance, le profit à court termet et la concentration des richesses

Le mouvement B Corp, en France comme ailleurs, se veut porteur de cette rébellion constructive. Depuis sa création en 2006, il repose sur un acte de défiance envers le statu quo, mais sans la violence des ruptures brutales. En refusant de se soumettre aux dogmes de la compétition à outrance, de la recherche du profit à court terme et de la concentration des richesses, nous posons les bases d’un autre fonctionnement radicalement différent au sein du système actuel. Nos ambitions sont profondes, mais elles s’ancrent dans le réel. Nous choisissons d’agir de l’intérieur pour rediriger les entreprises vers des modèles qui prennent en compte non seulement leurs performances économiques, mais aussi leur impact social et environnemental, pour les mettre au service de la résolution des enjeux sociaux et environnementaux.

Les entreprises labellisées B Corp, en France et dans le monde, incarnent cette volonté de transformer sans détruire. Ce sont des entreprises qui, tout en restant compétitives, repensent la finalité de leurs modèles d’affaires, intègrent des objectifs sociaux et environnementaux ambitieux et s’engagent à respecter des standards exigeants de performance globale, d’éthique, et de transparence à travers, entre autres, la modification de leurs statuts. Nous croyons que la viabilité économique peut et doit coexister avec des valeurs qui enrichissent la société et participent à régénérer l’environnement.

Redéfinir collectivement le succès économique

Il devient essentiel de reconnaître et d’accepter l’interdépendance profonde entre entreprises, communautés et gouvernements. Au cœur de notre action, la notion d’interdépendance. Dans un monde complexe, où les défis sont globaux, nous devons reconnaître que le succès d’une entreprise ne peut plus être isolé de son environnement social et écologique. C’est pour cette raison que nous avons lancé l’Interdependence Coalition en Europe, afin de faire évoluer la gouvernance des Conseils d’Administration des entreprises vers une prise en compte plus large des intérêts de toutes les parties prenantes dans leurs décisions stratégiques. Ce modèle de coopération n’est pas une utopie ; c’est une nécessité pour répondre aux crises actuelles et futures. Partager les connaissances, les ressources et les innovations permet de relever les défis globaux plus efficacement.

Être rebelle aujourd’hui, c’est être capable de construire dans un système en mouvement, en renonçant aux systèmes économiques qui épuisent les humains comme les ressources naturelles. C’est accepter qu’il est nécessaire de redéfinir collectivement ce que nous appelons le succès, en repartant de principes éthiques forts. Pour nous, la rébellion n’est pas une rupture violente, mais une transformation patiente, faite d’engagements mutuels concrets et d’actions mesurées.

Coopérer pour contribuer au mieux commun

Nous devons donc aller au-delà des vieilles habitudes de compétition et de domination. L’avenir appartient aux entreprises qui, par leur capacité à coopérer et à créer de la valeur pour l’ensemble de la société, seront les moteurs d’une économie plus durable. Cette transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais elle est déjà en marche. Si nous échouons à engager ce changement collectivement, la véritable révolution—celle que nous voulons éviter—pourrait s’imposer à nous, avec son lot de violences et de désordres.

En cette dernière année de notre mandat de Co-Présidents de B Lab France, nous nous engageons à continuer de renforcer les liens qui nous unissent avec d’autres acteurs du monde économique autour d’une ambition commune : prouver que l’entreprise peut contribuer au MIEUX commun. En prenant soin des humains, en préservant le vivant, en partageant les richesses.

Nous sommes des rebelles, pas des révolutionnaires. Et c’est ainsi que nous façonnons l’avenir, en fédérant un large mouvement d’entreprises qui œuvrent pour une transition écologique et sociale ancrée dans un réel plein d’ambition pour le progrès humain et la préservation du vivant.

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