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Recyclage du plastique : est-ce vraiment écolo ?
14/12/2024
Deux projets d'usines de recyclage chimique du plastique en France sont retardés ou suspendus, selon les cas, en raison du contexte réglementaire et économique. © Magda Ehlers/Pexels
La production de plastique ne cesse d’augmenter depuis sa découverte dans les années 1960, et la pollution causée par les déchets plastiques est un véritable fléau. Pour la limiter, le tri sélectif et le recyclage sont encouragés. Mais est-ce vraiment vertueux ? Éléments de réponse.
Il a longtemps été un symbole de modernité. Découvert dans les années 1960, le plastique est aujourd’hui omniprésent : bâtiment, automobile, loisirs… et alimentation, où il est utilisé comme un emballage bon marché garantissant la sécurité alimentaire. Selon un rapport de l’OCDE de février 2022, 353 millions de tonnes de déchets plastiques ont été produites en 2019, dont près "des deux tiers proviennent de produits plastiques dont la durée de vie est inférieure à cinq ans", comme les emballages.
Problème : le plastique est un matériau qui n’est pas biodégradable. Selon l’IFPEN, l’Institut français pour les énergies nouvelles, "il faut […] 10 à 20 ans à un sachet plastique pour se dégrader, et pas moins de 450 ans pour une bouteille plastique". Depuis 2023, dans la plupart des communes, tous les emballages plastiques peuvent être jetés ensemble pour être recyclés. Mais dans les faits, ça n’est pas si simple.
Le recyclage, une "illusion" qui pousse à la consommation
Le recyclage consiste à récupérer le matériau à l’infini. C’est possible pour le verre, mais beaucoup moins pour le plastique. Selon un article de Nathalie Gontard, chercheuse en science des emballages à l’Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l’environnement, paru dans The Conversation, "moins de 2 % des plastiques usagés sont recyclés idéalement en circuit fermé, c’est-à-dire récupérés pour produire un matériau utilisable comme un plastique neuf et indiscernable de ce dernier". Pour le reste, la chercheuse parle plutôt de "décyclage". "On va transformer un déchet plastique en un autre objet : une barquette va ainsi devenir un pull ou un pot de fleurs, remplaçant la laine ou la terre cuite", ajoute-t-elle dans un entretien à Ouest-France.
Pour Nathalie Gontard, le recyclage est une "illusion" car il n’incite pas à moins consommer. "On est content d’acheter des vêtements en plastique recyclé, parce qu’on se dit que c’est bon, il n’y a plus de danger. On continue à consommer du plastique, à produire des déchets, en pensant que le problème est résolu", déplore-t-elle. Un constat partagé par Flore Berlingen, cofondatrice de l’Observatoire du principe pollueur-payeur et autrice du livre "Recyclage, le grand enfumage - Comment l'économie circulaire est devenue l'alibi du jetable". Pour elle, les industriels jouent sur l’argument marketing du recyclage pour produire toujours plus d’objets à usage unique.
Une industrie énergivore et coûteuse
"Certaines industries – et notamment dans l’agroalimentaire – sont complètement dépendantes du plastique jetable. Elles se battent aussi pour éviter que des réglementations soient plus ambitieuses. Récemment, l’action des lobbies a par exemple retardé le processus de révision de la directive européenne sur les emballages et a beaucoup réduit les ambitions", explique-t-elle dans un entretien à Politis.
Autre point négatif : le recyclage n’est pas une industrie sobre en ressources. Le processus de recyclage émet des gaz à effet de serre et représente un poste de dépense conséquent. S’il est difficile d’en estimer le coût "en tant que tel" selon Flore Berlingen, "les déchets ménagers […] coûtent 16 milliards d’euros par an en collecte, traitement et "élimination"", indique-t-elle dans un entretien au média We Demain.
Enfin, le recyclage — ou le décyclage — ne concerne que la moitié des déchets plastiques issus des emballages. Selon l’Inrae, plus du tiers de ces déchets sont tout simplement incinérés, ce qui génère d’importantes quantités de CO2, et 16 % sont enfouis dans les sols dans des bâches elles aussi en plastique.
Tout cela ne signifie pas pour autant que trier ne sert à rien. Le recyclage des emballages en plastique permet malgré tout de limiter leur impact environnemental. Selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique, une tonne de plastique recyclé économise 2,7 tonnes d’équivalent CO2Comprendre cette valeur
par rapport à une tonne de matière vierge. Mais le recyclage ne doit pas être l’unique solution. Le mieux reste encore de réduire l’utilisation des emballages en plastique, et de se tourner vers des pratiques zéro-déchet.