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Salon du Bourget : le marché des carburants durables décolle en plein brouillard

28/06/2025

Salon du Bourget : le marché des carburants durables décolle en plein brouillard

TotalEnergies mise à court terme sur le développement des biocarburants. @TotalEnergies

Le Salon du Bourget, qui fermera ses portes ce week-end, a été l'occasion de mettre les carburants durables sous les projecteurs. TotalEnergies notamment se positionne en leader et devrait répondre à la demande de biocarburants en Europe d'ici 2030. En revanche, de nombreuses incertitudes pèsent sur le déploiement des carburants de synthèse, indispensables à la décarbonation du secteur.

Portés par la hausse continue du trafic aérien mondial – 5 milliards de passagers attendus en 2025 – les avionneurs font le plein de commandes au Salon du Bourget, qui se tient jusqu’au 22 juin. Une croissance des ventes assumée sur fond d'engagement à atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela, les industriels misent en priorité sur le déploiement des carburants durables (SAF, Sustainable aviation fuel, en anglais) qui ont également fait l’objet d’annonces lors du plus grand salon aéronautique du monde.

TotalEnergies, qui s’est lancé sur le marché il y a près de dix ans, assure ainsi qu’il sera en mesure de produire 500 000 tonnes de SAF dès 2028 pour l’Europe. Cela représentera environ 10% de ses ventes, affirme le groupe qui se positionne comme un leader sur le continent. Il estime ainsi que ses capacités seront suffisantes pour répondre aux objectifs d'incorporation fixés par l'Union européenne. Bruxelles prévoit que tous les vols au départ du territoire européen intègrent une part minimale de 2% de SAF depuis le début de l'année. Une part qui va passer à 6% en 2030, 20% en 2035, puis 70% en 2050.

Taxes sur l'importation de SAF extra-européen

La raffinerie TotalEnergies de Grandpuits, en Seine-et-Marne, en cours de reconversion, commencera à produire des carburants durables l’année prochaine tandis que le site de La Mède en produira plusieurs milliers de tonnes dès cette année à destination des aéroports du sud de la France. Pour assurer l’approvisionnement de ses bioraffineries, TotalEnergies vient de signer un contrat avec le Belge Quatra pour la fourniture de 60 000 tonnes d’huiles usagées d’origine européenne par an sur une durée de 15 ans à partir de 2026.

Si la major se félicite d’être un "pionnier" sur le marché, elle reste prudente sur l'après 2030. A partir de cette date, les seuils d'incorporation comprendront notamment une part de carburants de synthèse ou e-fuels, produits grâce à la combinaison d’hydrogène vert et de CO2 capté dans l'air. Aujourd'hui, les carburants aériens durables sont ainsi majoritairement des biocarburants avancés, produits à partir de déchets, d’huiles usagées, de plantes non alimentaires…. Leur production va toutefois être limitée par la quantité de biomasse disponible et la concurrence avec les autres usages.

En conséquence, le recours à une quantité importante d’e-fuels va s'avérer indispensable pour décarboner l'aviation. Mais pour l'instant, les projets sont au point mort. "Il n’y a aucune chance que le mandat d’incorporation de carburants synthétiques soit atteint en 2030. Aucun projet n’est encore prêt, il faut investir dans les électrolyseurs, capter du CO2 biogénique… Le marché décollera sans doute, mais plutôt à l’horizon 2040 ou 2045", explique Vincent Stoquart, directeur général Raffinage-Chimie de TotalEnergies, dans Les Echos.

"La décarbonation n'est plus trop à la mode"

Le coût de production des e-fuels constitue un véritable obstacle. Chaque usine nécessite un investissement de 1 à 2 milliards d'euros, ce qui porte le total des besoins en capitaux à 10 ou 20 milliards d'euros d'ici à 2030 rien que pour l’Europe. A ce jour, selon une analyse de l’ONG Transport & Environment (T&E) publiée le 16 juin, plus de 40 projets de production à grande échelle de e-kérosène sont prévus sur le continent avec un potentiel de 3 millions de tonnes par an, soit 5% du carburant consommé actuellement en Europe par le secteur aérien. Mais pour l’instant, aucun des projets d’ampleur n’est en cours de construction, seuls quatre en sont à un stade avancé et aucun n’a pris de décision finale d’investissement. 

"Pour réussir, ces projets ont besoin d'un cadre juridique stable, tel que fourni par la législation ReFuelEU, et d'un financement par le biais d'un ensemble de mécanismes de soutien public et d'investissements de capitaux privés", notamment à travers "le prochain plan d'investissement dans les transports durables", explique Jérôme du Boucher, responsable aviation à T&E France. "L'absence des fournisseurs de carburants historiques dans le lancement de cette filière contribue également à cette lenteur", pointe aussi T&E.

Le contexte géopolitique et l’incertitude réglementaire constituent un autre frein. Les politiques climatosceptiques, dont celles de Donald Trump, "mettent en péril" les objectifs de décarbonation de l’aérien, souligne l’Association du transport aérien international (Iata). De leur côté, les ONG dénoncent un "net recul" des ambitions des acteurs. "Il y a quatre ans, la décarbonation était centrale dans les discours industriels. Aujourd'hui, ce n'est plus trop à la mode", regrette Alexis Chailloux, responsable transports du réseau Action Climat. La révision de la directive ReFuelEU prévue en 2027 sera l’occasion de confirmer un cap clair vers la neutralité carbone, en espérant qu’elle ne subisse pas le même sort que d’autres textes qui sont en train d’être totalement détricotés.

novethic

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