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Budget vert : un an après sa mise en oeuvre, un premier bilan mitigé

09/01/2025

Budget vert : un an après sa mise en oeuvre, un premier bilan mitigé

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Élus et agents territoriaux livrent un premier retour d’expérience de l’évaluation écologique du budget de leur collectivité.

Rarement décision aussi courte aura provoqué autant d’effets dans les services des collectivités. Publié le 17 juillet dernier, le décret pris en application de l’article 191 de la loi de finances pour 2024 oblige les collectivités de plus de 3 500 habitants à  présenter, dès 2025, un état annexé au compte administratif, ou au compte financier unique, intitulé « Impact du budget pour la transition écologique » à compter de l’exercice 2024.

Abusivement qualifiée de budget vert, cette analyse de l’impact environnemental des dépenses communales ou intercommunales se fait au pas de charge. Et malheur à ceux qui ne prennent pas le train en marche !

Car le nombre de sujets à évaluer ne cessera d’augmenter. En cette première année d’exercice, les directeurs financiers et les services concernés devront coter l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre de dix-sept comptes des budgets principaux et annexes soumis à l’instruction M57 : des frais d’études (2031), aux bâtiments publics (21318) et scolaires (21312), en passant par les réseaux de voirie (2151), les matériels de transport (21828) ou les constructions en cours (2313).

Réalisable et utile

À cet exercice, il faudra ajouter un scoring « biodiversité » de ces lignes dès l’an prochain. En 2027, l’évaluation devra prendre en compte l’adaptation aux conséquences du changement climatique, la gestion des ressources en eau, l’économie circulaire et la prévention des pollutions. De quoi faire blanchir les cheveux de bien des DAF.

A quelques semaines de la publication de ces premières annexes, nous avons pris le pouls vert d’élus et de fonctionnaires territoriaux appelés à évaluer le niveau de transition écologique du budget de leur collectivité.

D’autres ont déjà devancé cet appel au retour d’expérience. Créateur d’une des rares méthodes de cotation environnementale, les experts de l’Institut pour économie du carbone (I4CE) ont questionné les responsables d’une soixantaine de collectivités ayant testé le « budget vert ». « Globalement, les collectivités estiment que l’exercice est réalisable et qu’il est utile, notamment pour sensibiliser les services. Il incite chaque direction à se questionner sur ses décisions et les moyens d’intégrer la transition écologique. Cela amène aussi à faire certains choix. Dans la communauté d’agglomération de Bourg-en-Bresse, par exemple, la location par les agents de véhicule à moteur thermique est désormais interdite », résume Marion Fetet, chercheuse en finance locale pour I4CE.

De nouveaux défis à relever

Il en va autrement pour les communes qui se frottent à l’évaluation pour la première fois. « Si cette initiative se révèle prometteuse, elle nous oblige à relever de nouveaux défis, estime Patrick Mathias. La catégorisation des investissements selon les six axes environnementaux nécessite une coordination étroite entre les différents services municipaux et une adaptation des méthodologies budgétaires existantes », détaille le maire (Divers droite) de Châtillon-sur-Chalaronne.

Observation confirmée par Stéphanie Borie. « L’exercice n’a pas été réalisé en chambre, mais a mobilisé, dans un groupe de travail, les gestionnaires comptables, la direction financière, la direction générale. Cela a déjà permis une acculturation des questions environnementales et climatiques », confirme l’adjointe à la directrice générale des services de Val de Garonne Agglomération (VGA).

Cette sensibilisation tombe à pic : « notre objectif est, en fait, plus large que celui fixé par le décret. Nous ne voulons pas seulement classer en vert ou brun nos dépenses mais introduire une culture climatique dans le pôle opérationnel et disposer d’un outil d’aide à la décision politique ».

Démarche technique

Tout le monde n’en est pas là. A quelques encablures de Marmande (siège de VGA), la commune touristique de La Réole se prépare à coter ses lignes budgétaires. « Même si nous suivons avec intérêt ce qui se passe à Val de Garonne Agglomération nous n’irons pas au-delà des obligations légales du décret, indique Thibault Desbarbieux. Il y a un réel décalage entre la technicité de la démarche et les limites de la commune. Je ne suis pas rebuté par le travail de cotation, mais ce n’est pas toujours très simple », avoue le directeur général des services.

Avis partagé par Jean-Baptiste Hamonic. « On essuie les plâtres. Toute la cotation est faite à la “mano“. Et quand on sait que pour le seul axe de l’adaptation, il y a 400 lignes comptables à évaluer, on mesure l’ampleur du problème », râle le maire (Modem) de Villepreux.

Si tous nos interlocuteurs pointent du doigt l’inadaptation au budget vert des systèmes d’information de gestion financière, certains misent sur la débrouillardise. « Notre directeur financier a paramétré son tableur pour réaliser des extractions automatiques. Ce qui permet d’éditer instantanément le budget vert », souligne Stéphanie Borie.

Pilotage de la transition écologique

Technique, compliqué, laborieux, l’exercice de cotation est-il utile ? Tout dépend de la personne interrogée. Pour Jean-Baptiste Hamonic, il s’agit d’un moyen simple pour que le ministère des finances collecte des informations en provenance du terrain. « La philosophie de ce budget vert est de fournir à Bercy les données qui permettront de mesurer les efforts qui seront réalisés dans le cadre de l’atténuation et de l’adaptation. L’agglomération de ces données devant permettre de produire, pour la Commission européenne, une estimation des efforts de transition écologique consentis par la France », poursuit le vice-président de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines en charge des transports et des mobilités durables. « Ces données permettront à l’état de piloter la transition écologique », complète Marion Fetet.

Mais là n’est sans doute pas son seul intérêt. « Nous cherchons déjà à réduire le nombre de nos dépenses brunes. Par exemple, en essayons de développer l’utilisation de matériaux recyclés lors de la rénovation ou de la construction de route et de pistes cyclables », détaille Patrick Mathias

À Strasbourg, on va même plus loin. « Réaliser cet exercice amène à se poser de nombreuses questions. Lorsque l’on décide de construire de nouvelles écoles, on peut se demander si l’on ne peut pas produire les mêmes services, en consommant moins de foncier. Par exemple, en réutilisant des bâtiments existant ou en montant en hauteur », s’interroge Syamak Agha Babei, premier adjoint (écologiste), en  charge des questions budgétaires et financières.

Élargissement du domaine de la lutte

Dès l’an prochain, Val de Garonne Agglomération tentera la cotation des dépenses prévues dans le prochain plan pluriannuel d’investissement. « On passera alors d’un screening de nos dépenses passées à l’évaluation environnementale de nos investissements à venir. Nous disposerons enfin d’un véritable outil d’arbitrage », se félicite Stéphanie Borie.

Même au sein des contempteurs de la démarche, quelques critiques fusent. Syamak Agha Babei et Stéphanie Borie regrettent que la démarche n’intègre pas des problématiques extra environnementales, comme la justice sociale ou le bien-être des citoyens. À la demande de Val de Garonne Agglomération, un thésard de l’université de Bordeaux phosphore sur la question.

À moins d’essayer d’utiliser la grille de lecture proposée par les objectifs de développement durable de l’ONU (ODD) pour évaluer sa politique communale. Strasbourg et d’autres collectivités s’y sont essayés. « Mais, compte tenu des 189 indicateurs à prendre en compte, cela reste une démarche extrêmement technique », conclu Stéphanie Borie.

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