Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du Grand Est

Les Actualités

Saint-Gervais : la mobilité propre au sommet

11/12/2024

Saint-Gervais : la mobilité propre au sommet

Ascenseur des thermes / Crédits : Saint-Gervais Mont-Blanc Tourisme

Caractérisée par son étagement, la commune haute-savoyarde de Saint-Gervais-les-Bains faisait ainsi face à un défi majeur en matière de mobilité. Elle est pourtant parvenu à mettre en place un véritable réseau de transports entièrement décarboné, reposant, notamment, sur une solution de mobilité aussi innovante qu’atypique : un ascenseur incliné à eaux usées.

Elle s’étend des rives de l’Arve, à environ 580 mètres au-dessus du niveau de la mer, jusqu’au sommet du Mont-Blanc, culminant - selon les derniers relevés en date - à un peu moins de 4 806 mètres. Celui qui l’administre depuis 2001, Jean-Marc Peillex, l’assure ainsi : Saint-Gervais-les Bains, n’est rien de moins que la commune au plus grand dénivelé d’Europe de l’Ouest. « C’est surtout une commune à étages, précise l’édile. Le premier est celui du Fayet, hameau accueillant les thermes, situé à 580 m d’altitude ; plus haut [à 850 m d’altitude environ, n.d.l.r.] se trouve le bourg principal ; lui-même surplombé par le village de Saint-Nicolas-de-Véroce [perché à 1 180 mètres] ; et enfin la station du Bettex, à environ 1 450 mètres d’altitude. » Une configuration topographique particulière, qui ne va évidemment pas sans générer de contraintes en matière de transport et de mobilité.

 « Jusqu’en août dernier, seule la route - un tronçon sinueux de près de 5 km - permettait d’accéder au centre-bourg de Saint-Gervais depuis les thermes du Fayet… », se remémore Jean-Marc Peillex, employant l’imparfait à dessein. Le 3 août dernier, la commune haute-savoyarde a en effet inauguré et mis en service ce que son maire décrit comme « un symbole de l’engagement [de sa commune] en faveur d’une mobilité responsable » : un ascenseur incliné, mû gravitairement grâce un ingénieux système associant un contrepoids tout à fait conventionnel à un ballast, quant à lui, beaucoup plus atypique. Constitué d’une cuve d’un mètre cube, installée sous le plancher de la cabine de l’ascenseur incliné, ce ballast accueille en effet un fluide pour le moins inattendu : des eaux usées, issues du réseau d’assainissement du bourg.

 « En gare amont, un réservoir tampon est rempli grâce à une dérivation effectuée sur le réseau de collecte », explique, dans une vidéo publiée sur la chaîne YouTube de la commune, Chloé Ouvrier-Buffet, cheffe de projet technique au sein de l’entreprise qui s’est vu confier la conception-réalisation de cette solution de mobilité innovante et décarbonée : POMA, l’un des leaders mondiaux du transport par câble. Quand la cabine arrive en gare amont, son ballast est ainsi rempli d’eaux usées via un système automatique de raccordement étanche, associé à une pompe. Ainsi lesté, l’ascenseur peut, à la demande des usagers, entamer sa descente, entraînant au passage la remontée d’un contrepoids. Ne reste plus alors, pour effectuer le trajet inverse, qu’à restituer les eaux usées dans le réseau aval, pour permettre à la cabine ainsi délestée, de remonter. Entièrement automatique, le système - qui n’engendre en outre, d’après le maire de la commune, aucune odeur - permet ainsi à un maximum de 16 personnes de rejoindre, depuis le parc thermal du Fayet, le bourg de Saint-Gervais  - et vice versa - en moins de cinq minutes. Le tout, sans utilisation d’énergie fossile.

 S’il ne cache pas avoir dû essuyer les plâtres de ce qui s’avère une première en France - et même au-delà, si l’on prend en compte l’automatisation du dispositif - Jean-Marc Peillex se félicite en tout cas, aujourd’hui, de la réussite du projet. « En un mois de fonctionnement, l’ascenseur incliné a déjà permis de transporter de près de 100 000 personnes », estime en effet l’élu, qui voit ainsi dans cette nouvelle solution de mobilité décarbonée également un moyen de renforcer le lien social. Un édile qui en profite d’ailleurs pour lancer une pique aux « quelques fondamentalistes », tels qu’il les qualifie, opposants au projet. « Quand j’ai lancé l’idée, que n’ai-je pas entendu : “L’ascenseur à merde de Peillex” [sic] par-ci, “l’ascenseur de merde” par-là… Mais j’ai tenu bon, et le résultat est là », glisse en effet « l’impétueux édile », comme le décrivent nos confrères du Monde. Une illustration, s’il en fallait, des passions que ne manquent souvent pas de déchaîner de tels projets de transition écologique en montagne, comme l’évoquait en pages précédentes l’experte du Cerema Claire Faessel-Virole…

 S’il n’a donc visiblement pas fait l’unanimité à son lancement, le projet a en tout cas, aujourd’hui, abouti à une solution de mobilité propre qui, au vu des chiffres avancés par le maire de la commune, semble séduire ses usagers - touristes, comme résidents permanents. D’autant qu’il ne s’agit-là que de l’une des pièces du puzzle assemblé par la commune haute-savoyarde en matière de mobilité propre. « Le 6 septembre dernier, nous avons inauguré Le Valléen : un télécabine urbain de transport public reliant la gare SNCF du Fayet au bourg de Saint-Gervais, en passant par les pistes de la station de ski », dévoile en effet Jean-Marc Peillex. Une véritable solution de transport public, capable de transporter 1 200 personnes/heure, 365 jours par an, de 7h à 20h30, très complémentaire de l’ascenseur des thermes. Le tout, gratuitement pour les résidents permanents, au travers d’un pass mis à leur disposition pour un an par la municipalité : le SaintG’air.

 « Pour raccrocher les wagons, nous avons également lancé, le 2 septembre dernier, deux lignes de transport routier sur lesquelles circulent des navettes électriques, reliant, pour l’une, Saint-Nicolas-de-Véroce au Valléen, et Le Valléen au centre sportif de la commune pour l’autre », ajoute finalement l’élu. En dépit de sa topographie contraignante, c’est donc un véritable réseau global de transport décarboné dont dispose aujourd’hui cette commune de montagne très largement tournée - et de longue date - vers l’écologie. Une offre qui bénéficie ainsi à l’environnement, certes, mais qui joue aussi en faveur de l’attractivité du territoire, tant auprès des touristes que de la population locale. Une preuve concrète qu’en montagne, plus encore qu’ailleurs sans doute, actionner le levier de la mobilité peut aussi faire tourner d’autres rouages en matière de transition écologique.

environnement-magazine

Annonce Publicitaire