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Lithium, tantale, germanium… La France veut se redécouvrir un avenir minier
13/03/2025

Parmi les projets en cours en France, il y a la mine de lithium à Échassières dans l'Allier. @Imerys
Une nouvelle ruée vers l'or. Le 13 février dernier, le gouvernement a lancé le nouveau programme d'identification des ressources en minéraux et métaux dans le sous-sol français. La France entre ainsi à son tour dans la course aux minerais stratégiques, mais à quel prix ?
Un trésor se cache sous nos pieds, et le gouvernement en a bien conscience. Antimoine, béryllium, lithium, tantale ou encore titane… ces métaux ou minerais, parfois qualifiés de "critiques", sont avant tout "stratégiques" à l'heure de la transition écologique. Et notre sous-sol en regorge. C'est pourquoi le ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie, Marc Ferracci, a annoncé le jeudi 13 février le lancement d'un nouveau programme d'identification des ressources en minéraux et métaux dans notre sous-sol.
L'objectif : identifier sur le territoire national les potentiels gisements de minerais stratégiques indispensables à la transition énergétique et numérique. Derrière cet inventaire, confié aux équipes du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), se cache "l'idée d'être autonome sur un certain nombre de ressources minérales et aussi d'être en capacité d'exporter ces ressources pour pouvoir importer celles qui nous manquent", a expliqué Marc Ferracci lors d'une conférence de presse.
Sécuriser la chaîne d'approvisionnement
Cette ambition n'est pas uniquement française mais avant tout européenne. Avec l'adoption en 2023 de son règlement sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act, CRMA), l'Union européenne entend réduire sa dépendance envers des pays tiers, tout en organisant une réponse minière au niveau des 27 pays membres. "Avec cette nouvelle loi, le but est clairement d'ouvrir de nouvelles mines avec l'objectif d'au moins 10% de minerais extraits sur le territoire européen d'ici à 2030", explique à Novethic Celia Izoard, philosophe, journaliste et autrice de "La ruée minière au XXIe siècle". Contre seulement 3% à l'heure actuelle.
Aujourd'hui, le Vieux-Continent est ultra dépendant de l'Australie, du Chili, mais surtout de la Chine, qui a la mainmise sur les chaînes d'approvisionnement. L'Europe aurait même vingt ans de retard sur ce dernier pays, selon le rapport Varin portant sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie française en matières premières minérales remis au gouvernement en 2022. Ainsi, ce nouvel inventaire a été élargi à 55 matériaux jugés stratégiques, contre les 22 minerais recensés lors de celui réalisé dans les années 1970. "L'éventail des métaux recherchés s'est élargi afin de correspondre aux besoins des industriels, en particulier du secteur numérique et de l'aérospatiale, qui utilisent une très grande diversité de métaux", signale Celia Izoard. La France va donc avoir recours à davantage de métaux pour déployer ses technologies bas carbone.
Crédit : BRGM
Parmi les minerais et métaux les plus recherchés figure le cuivre. Selon les estimations du gouvernement, le pays aura besoin de près de 40 000 tonnes par an d'ici à 2040. Mais d'autres métaux sont également recherchés pour la fabrication de nos batteries, comme le cobalt, le nickel, le tantale ou encore le lithium. Concernant ce dernier, l'Agence de la transition écologique (Ademe) a estimé que nos besoins d'ici à 2050 s'établiraient entre 300% et 800% de notre consommation actuelle, et ce, uniquement pour le secteur de la mobilité.
Un enjeu géostratégique au lourd tribut
Au total, cinq zones géographiques ont été isolées par le BRGM et seront couvertes par des campagnes de prélèvements : l'ouest du Massif central, la zone Morvan-Brévenne, les Vosges, l'Occitanie-Cévennes-Cerdagne et le Sillon nord de la Guyane. Commanditées par l'État, ces enquêtes vont s'ajouter aux prospections déjà effectuées par des compagnies minières privées. Plusieurs sont d'ailleurs déjà en cours en France, notamment à Échassières dans l'Allier, où un projet de mine de lithium devrait voir le jour fin 2028, porté par le groupe Imerys.
Crédit : BRGM
"Avec cet inventaire, le but d'ouvrir des mines en France est clairement affiché", confirme Celia Izoard. D'ailleurs, le gouvernement n'hésite pas à parler de "renouveau minier en France" lorsqu'il évoque ces chantiers à venir. Mais à quel prix ? L'autrice de "La ruée minière au XXIe siècle" rappelle la réalité de l'industrie minière. "Ses techniques sont grosso modo les mêmes où qu'elle se trouve, et il n'y a pas beaucoup de marges de manœuvre pour la transformer. Par exemple, elle va de toute façon produire de très gros volumes de déchets toxiques qu'il faudra stocker pour des siècles, et consommer énormément d'eau".
Et c'est bien là que le bât blesse. Pour Celia Izoard, les deux tiers des mines industrielles sont situés dans des régions menacées de sécheresse, entraînant des conflits d'usage entre la mine et les populations locales. Et la France n'y coupera pas. "La simple idée de se projeter dans une extraction minière dans les Cévennes alors que chaque année, les populations sont confrontées à des restrictions d'eau, est inconcevable", alerte cette journaliste indépendante. Alors, la France fera-t-elle appel à des usines de dessalement de l'eau pour s'assurer un avenir minier, comme a pu le faire avant elle le Chili ? Cette idée, du moins, fait déjà son chemin dans les hautes sphères de l'État.
Revoir notre modèle de société
Pour Celia Izoard, il faut cesser de croire que les mines sont incontournables pour mener à bien notre transition énergétique. Au contraire, "utiliser l'argument de cette ruée minière nécessaire pour produire des énergies renouvelables permet de verdir toute nouvelle mine de cuivre, de cobalt dans le monde" qui sert d'autres secteurs que celui de l'énergie, comme le numérique, l'aéronautique ou encore l'armement.
Or, "il n'y aura pas assez de gisements dans le monde si nous continuons, Français, Chinois, Américains, Russes, à produire les mêmes technologies", alerte cette chercheuse. Par exemple, l'électrification de l'ensemble de notre parc automobile nécessiterait plus de lithium que l'on peut en extraire en une année dans le monde. Même chose pour le cobalt. C'est pourquoi "il faut s'interroger dès à présent sur le modèle de société que nous souhaitons, et réduire d'ores et déjà notre dépendance aux métaux", complète-t-elle.