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Comment agriculteurs et énergéticiens tentent d'accélérer la production de biogaz
06/03/2025

Le plus grand méthaniseur de France, à Cérilly, en Côte-d'Or. (LAURIANE DELANOE - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
Alors que la France veut se passer progressivement du gaz fossile d'ici 2050, de gros investissements sont en cours dans la production de gaz renouvelable.
Comment continuer à chauffer nos maisons et nos bâtiments, faire tourner nos usines, alors que la France veut se passer progressivement du gaz fossile ? L'une des solutions est de le remplacer par du gaz renouvelable, un gaz issu majoritairement de matière agricole comme des plantes ou du lisier. Il existe à ce jour plus 700 méthaniseurs en France qui en fabriquent et qui l'injectent dans notre réseau gazier, mais cela ne représente qu'à peine 3% de notre consommation. La filière est donc en pleine accélération, avec l'objectif d'atteindre 20% d'ici 2030.
Pour changer d'échelle, les énergéticiens s'allient aux agriculteurs et construisent, notamment, des usines plus grandes. Le plus grand méthaniseur de France(Nouvelle fenêtre) a démarré il y a quelques mois à Cérilly, en Côte-d'Or, à une centaine de kilomètres de Dijon. Ici, du seigle fermente et génère le biogaz, dans cinq hautes cuves au toit pointu. "C'est un bel ouvrage, dit avec fierté Pascal Chanderot, le directeur général de Nature Energy France. On produit 10 à 15% des besoins en gaz de la Côte-d'Or. C'est-à-dire à peu près 25 000 foyers, ce qui est dix fois supérieur à un méthaniseur classique que l'on voit dans nos campagnes".
De grands grappins automatiques permettent d'attraper le seigle et de l'envoyer dans la cuve. (LAURIANE DELANOE - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
Un coût massif
Nature Energy est une filiale du groupe pétrolier Shell et est associée à des agriculteurs locaux. Ce sont eux qui ont porté le projet. Ils voulaient développer des nouvelles cultures, en plus de leur tournesols ou légumineuses, souligne le président de la coopérative Dijon Céréales, Didier Lenoir. "On n'avait pas vocation ni de vélléités de faire un gros méthaniseur mais le territoire est grand : on avait des besoins pour un nombre d'agriculteurs important."
"En fin de compte le méthaniseur coopérative que l'on a construit sert à 150 agriculteurs, donc c'est important."
Didier Lenoir
L'alliance avec l'énergéticien permet également de partager l'investissement colossal. "Le coût est d'environ 100 millions d'euros, ce qui est élevé. Tout seuls, on ne l'aurait jamais fait. Nous, on sait faire pousser du seigle, on sait le stocker, souligne Didier Lenoir. Par contre, le transformer en gaz, autant travailler avec ceux qui savent. Nature Energy sait le faire." Ces grands méthaniseurs apportent des économies d'échelle, alors qu'il faut aujourd'hui investir plus de cinq millions d'euros aujourd'hui pour quelques agriculteurs pour construire un petit site à la ferme.
Plusieurs géants de l'énergie sur le coup
Ce méthaniseur est de loin le plus grand en France, mais il existe d'autres sites importants, créés avec des géants de l'énergie. Ces unités se développent, en parallèle des plus petites. Le géant français TotalEnergies est aussi dans la course et opère plusieurs des plus gros méthaniseurs de France.
Signe de l'importance du biogaz pour le numéro 3 mondial du gaz naturel liquéfié, son patron, Patrick Pouyanné, est allé en personne mercredi 26 février au Salon de l'agriculture à Paris. Patrick Pouyanné vient de signer un partenariat avec le syndicat des Jeunes Agriculteurs. Il assume son intérêt pour le gaz vert : "On a des ambitions fortes et en France il y a une nouvelle loi qui va être mise en œuvre et va obliger les distributeurs de gaz comme TotalEnergies à incorporer 1%, 2%, 3% de biogaz dans leur gaz naturel, progressivement. C'est pour ça que je m'y intéresse. Parce que j'ai intérêt à produire mon biogaz sinon je vais devoir payer des pénalités ou le payer cher à des concurrents. Je préfère le produire moi-même. Donc on a créé une filière économique et c'est une chance pour l'agriculture, on est vraiment complémentaires."
Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies et Pierrick Horel, président des JA, lors de la signature d'un partenariat, au Salon de l'Agriculture, le 26 février 2025. (LAURIANE DELANOE - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)
Freins administratifs, économiques, psychologiques...
"Une chance" selon Patrick Pouyanné. Il existe pourtant encore des freins pour atteindre l'objectif de 100% de biogaz dans nos réseaux d'ici 25 ans. D'abord des freins administratifs d'après le PDG de TotalEnergies et président des Jeunes Agriculteurs, Pierrick Horel. Ils lancent ensemble un appel à la simplification. "Parce que c'est trop long, parce qu'il y a aussi une perception collective qu'il faut que l'on fasse évoluer, beaucoup de peurs, de craintes, donc on a besoin aussi de beaucoup communiquer positivement sur ce sujet avec les riverains, avec les politiques. On doit emmener tout le monde dans ce projet pour aller plus vite sur les objectifs", soutient Pierrick Horel.
"S'il n'y avait que les riverains ça serait bien en France. Parce que une fois que l'on est d'accord avec les riverains on peut avancer, mais après il y a tout un processus administratif qui implique beaucoup d'autorisations diverses et on perd du temps", explique pour sa part Patrick Pouyanné.
De l'autre côté, au bout des tuyaux, l'Etat doit également inciter les consommateurs à se tourner vers le biogaz. C'est la demande récurrente de la filière et de Frédéric Terrisse, président de la commission Gaz renouvelable du syndicat des Energies renouvelables. "Aujourd'hui, monsieur et madame tout le monde qui utilisent leur gaz pour se chauffer, pour la cuisine, pour l'eau chaude, payent le même prix que ce soit du gaz fossile ou du gaz renouvelable, parce que ce sont les mêmes taxes qui s'appliquent."
"Nous, on verrait d'un bon œil qu'il y ait quand même une différence de fiscalité et le client ainsi verrait un avantage à consommer du gaz renouvelable pas rapport à du gaz fossile."
Frédéric Terrisse
La question du prix est centrale dans cette transition, d'autant que sur les marchés de gros, le gaz fossile se vend aujourd'hui bien moins cher que le coût de production du biogaz.