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Sortie du gaz russe : l'UE face au défi de la souveraineté et de la transition énergétique
13/05/2025

Dan Jorgensen, Commissaire européen à l'Energie, lors de la présentation du plan de sortie du gaz russe - ©European Union - NA
Alors que l'Union européenne annonce sa volonté de sortir du gaz russe, l'Europe est face au défi de construire enfin sa souveraineté énergétique. Un objectif qui pourrait aller de pair avec la transition énergétique et la sortie des énergies fossiles, pour construire une triple autonomie stratégique : énergétique, géopolitique et écologique.
"Il est désormais temps pour l’Europe de rompre complètement ses liens énergétiques avec la Russie" a lancé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mardi 6 mai. La Commission européenne a présenté au Parlement son plan visant à sortir l'Europe de sa dépendance envers la Russie pour l'approvisionnement énergétique, trois ans après le début de l'invasion russe en Ukraine. Un plan en deux temps, avec une interdiction, d'ici la fin de l'année, d'établir de nouveaux contrats d'importation de gaz avec la Russie, et la fin, d'ici 2027, de toutes les importations.
Une décision forte, et un défi de taille pour l'Europe, alors que le gaz russe représentait encore, en 2024, 19% du gaz consommé en Europe, mais aussi près de 20% du gaz naturel liquéfié (GNL), qui continue à transiter via les ports méthaniers européens. La Commission envisage également des mesures pour réduire ou supprimer l'importation depuis la Russie d'uranium et mettre fin aux navires fantômes qui continuent d'approvisionner le continent en pétrole malgré leur interdiction.
Prix de l'énergie, dépendance américaine...
Les discussions vont à présent s'ouvrir entre la Commission européenne, les Etats membres et le Parlement européen pour affiner la stratégie européenne de sortie du gaz russe. Et si, globalement, l'ensemble des forces européennes semblent plutôt d'accord sur la nécessité de supprimer la dépendance énergétique européenne vis-à-vis de la Russie, les questions restent nombreuses.
D'abord, quelques pays, dont la Hongrie ou la Slovaquie, proches de la Russie de Vladimir Poutine, pourraient refuser de s'aligner sur les positions de la Commission. Robert Fico, Premier Ministre Slovaque a ainsi déjà critiqué la feuille de route de la Commission jugeant qu'elle "serait préjudiciable à la Slovaquie et à l'ensemble de l'UE, car le prix du gaz augmenterait en conséquence". La question des prix de l'énergie pourrait en effet s'avérer critique, alors que la fermeture des robinets du gaz russe pourrait renchérir l'inflation énergétique en Europe, et affaiblir encore une industrie européenne déjà en difficultés.
Pour les Etats membres, il faudra alors rapidement savoir comment remplacer le gaz et le GNL russe. Si la Norvège ou encore l'Algérie pourraient être des sources d'importations, les yeux sont aussi tournés vers les Etats-Unis, actuellement deuxième fournisseur du continent. Mais les relations entre Donald Trump et l'Europe étant fluctuantes, notamment depuis que ce dernier a relancé la guerre des tarifs douaniers, beaucoup s'interrogent sur la pertinence de développer les approvisionnements américains en GNL. "On ne remplace pas une dépendance autoritaire par une autre. L’avenir de l’Europe ne peut pas être ligoté à Donald Trump", s'inquiète ainsi l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint.
Souveraineté et transition énergétique
Comment alors combler le vide du gaz russe dans l'approvisionnement européen ? Plusieurs think tanks européens, dont le think tant économique Bruegel ou l'Institut du développement durable et des relations internationales, plaident depuis quelques années pour que l'Europe mette en place une double stratégie de transition énergétique et de sobriété énergétique. Alors que l'on consommait encore près de 400 milliards de mètres cubes de gaz en Europe en 2024, l'objectif serait, comme le propose le plan RepowerEU, de diviser ce volume par 2,5, et d'atteindre 165 milliards de mètres cubes en 2030. En accélérant la rénovation énergétique des bâtiments européens, et l'électrification des usages, on pourrait ainsi sortir progressivement de la dépendance au gaz russe... Mais surtout de la dépendance au gaz fossile tout court.
En combinant ces stratégies avec un déploiement accéléré des énergies renouvelables, et en particulier pour le gaz, à travers le développement du biométhane, il serait alors possible de produire sur le continent les ressources énergétiques dont l'Europe a besoin, tout en contribuant à atteindre les objectifs climatiques européens. L'Europe saura-t-elle saisir cette opportunité de construire en même temps son indépendance stratégique, sa souveraineté énergétique et sa transition écologique ? Les débats qui s'ouvrent sur le sujet pourraient bien être houleux, à l'heure où les normes écologiques sont plus que jamais attaquées sur la scène européenne.