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Un cauchemar devenu réalité
06/06/2025

Vers 15h30, mercredi 28 mai, le petit village suisse de Blatten, situé en contrebas du glacier de Birch, s’est fait engloutir.
Les enregistrements pris par les drones sur place relèvent de l’apocalypse. En seulement 40 secondes, un glissement de roches en altitude dévale la montagne et emporte avec lui le glacier, laissant place à un immense nuage de glace et de gravats qui recouvre intégralement la vallée à une vitesse affolante.
D’après les autorités locales, ce sont près de “3 millions de mètres cubes de roches qui sont tombés d’un coup sur le glacier, l’emportant avec eux” dans la vallée. Les quelques 300 habitants de cette commune située dans la vallée du Lötschental, dans la canton suisse du Valais, ont pu assister avec effroi à la disparition de leur village en direct.
Depuis une dizaine de jours, et après une série d'éboulements successifs au-dessus du glacier de Birch, la montagne était en effet sous haute surveillance des géologues, qui essayaient d’estimer la possibilité d’effondrement du glacier.
Heureusement, le village avait été préventivement évacué par les autorités suisses une semaine auparavant. Pour l’heure, le bilan humain s’élève à un disparu, un éleveur de moutons de 64 ans, qui s’occupait de ses animaux dans la zone concernée au moment du drame. À ce stade, le risque d’un nouvel éboulement reste “élevé”, ce qui empêche les autorités d’effectuer des recherches approfondies dans la région.
“Le scénario du pire est survenu”, a déclaré Raphaël Mayoraz, chef du service des dangers naturels du canton du Valais, dans une conférence de presse. Au total, près de 90 % du village de Blatten a été rayé de la carte. Selon lui, il s’agit d’un évènement “très, très rare” dont “nous ne connaissons pas d’exemple dans l’histoire”.
À nos confrères du média suisse RTS, Christophe Lambiel, géomorphologue et spécialiste des glaciers, explique que les parois rocheuses qui ont emporté le glacier reposaient sur une couche de permafrost qui s’est “dégradée de 1°C en profondeur sur les 10-15 dernières années”. Alourdies par les éboulements précédents, elles ont fini par le faire chuter.
Les autorités restent en alerte, car la catastrophe pourrait empirer. Ce qui reste du village de Blatten a été noyé sous les eaux de la Lonza, un des affluents du Rhône, dont le courant est désormais bouché par les amoncellements de roche. Ces eaux se sont accumulées, à un rythme effréné allant jusqu’à 3 mètres de hauteur par heure, autour des restes du village au point de créer un lac artificiel.
Et à mesure que la glace qui recouvre le village fond, la digue composée des gravas et des débris du village menace désormais de céder et d'inonder le barrage suivant, et les villages en contrebas. Toutefois, l’hypothèse privilégiée à présent est celle d’un vidage progressif où “les gravats se fluidifient peu à peu et s’écoulent”, selon les autorités locales.
Christophe Lambiel se montre prudent dans son analyse de l’effondrement de ce glacier “très particulier”. “Alors que la quasi-totalité des glaciers des Alpes sont en fort retrait, celui-ci était un des seuls qui avançait de plusieurs mètres par année, depuis une dizaine d'années”, en partie grâce aux parois rocheuses qui le soutenaient.
Certes, la hausse des températures de ces dernières années a contribué à la fonte du permafrost qui maintenait ces roches en place au-dessus du glacier. Mais, pour l’instant, il est très difficile d’affirmer si d’autres glaciers pourraient connaître un effondrement similaire dans les Alpes à l’avenir. Quoi qu’il en soit, rappelons que les glaciers sont menacés par le changement climatique.
D’après le glaciologue Matthias Huss, dans une hypothèse de réchauffement de +2°C d’ici à 2100, il ne restera au mieux qu’une cinquantaine de glaciers en Suisse sur les 1400 actuels. Il pourrait même n’en rester qu’onze, dans une hypothèse de réchauffement plus extrême.
Si vous souhaitez approfondir le sujet, je vous invite à regarder l’épisode de Sur le front dédié aux glaciers, en cliquant ici.