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ZFE : Strasbourg et Bordeaux, deux approches, deux méthodes

20/09/2024

ZFE : Strasbourg et Bordeaux, deux approches, deux méthodes

Strasbourg a mis en place sa ZFE en 2023 et interdit l'accès aux véhicules non classés ou Crit'Air 5.    © GDMpro S.R.O.

En janvier 2025, une quarantaine de villes devront mettre en place leur zone à faibles émissions. Certaines, comme Strasbourg, ont déjà de l'avance et misent sur l'accompagnement. D'autres, telles Bordeaux, ont préféré une stratégie alternative.

Le 1er janvier 2025, quarante agglomérations de plus de 150 000 habitants devront mettre en place une zone à faibles émissions (ZFE ou ZFE-m). Ce sera notamment le cas de Bordeaux qui avait été finalement désignée comme étant juste un « territoire en vigilance », en mars dernier, par Christophe Béchu, ministre sortant de la Transition écologique. Mais, parmi elles, se trouve également Strasbourg, dont les restrictions à la mobilité existent déjà. Deux représentantes de ces deux villes sont revenues sur leurs approches à l'égard des ZFE et de la lutte contre la pollution de l'air, lors des 25es Assises de la transition énergétique, du 10 au 12 septembre à Dunkerque.

La méthode strasbourgeoise

Strasbourg n'a pas attendu le revirement de calendrier, fixant initialement une échéance obligatoire avant 2025, pour s'armer d'une ZFE. La sienne a été mise en place dès le 1er janvier 2023, interdisant d'abord l'accès aux véhicules non classés ou certifiés « Crit'Air 5 ». Et au 1er janvier prochain, l'Eurométropole, comme elle aime à se nommer, interdira l'entrée des véhicules « Crit'Air 3 ». Cette mise en place ne s'est néanmoins pas faite sans heurts. « Nous avons très vite été confrontés à des publics qui étaient déjà en situation de précarité, éloignés de l'information produite par la ville, et pourtant directement impactés par la mesure car habitant dans des quartiers prioritaires et conduisant des véhicules anciens et donc visés », a témoigné Agathe Collard, responsable de la mobilité décarbonée au de l'Agence locale de l'énergie et du climat (Alec) de Strasbourg.

Nous avons été sollicités par plus de 15 000 personnes et avons organisé plus de 10 000 rendez-vous individuels ” - Agathe Collard, Alec Strasbourg

De quoi entraîner comme un diagnostic systématique dans l'ensemble des ZFE de l'incompréhension et de l'opposition. Plutôt que d'avancer sans broncher, les services de la ville alsacienne ont ainsi misé sur l'accompagnement. Avec ses collègues de l'Alec, Agathe Collard a réalisé des diagnostics, en sondant directement les habitants des quartiers concernés – y compris en dehors de la métropole. L'Alec y a ensuite lancé des formations et ouvert des permanences. « Nous avons été sollicités par plus de 15 000 personnes et avons organisé plus de 10 000 rendez-vous individuels », en moins de deux ans.

L'objectif ? Informer, bien sûr, mais également aider les personnes concernées à trouver des solutions pour financer l'achat d'un véhicule neuf ou à changer de mode de mobilité. Une stratégie employée également en Île-de-France par Plaine Commune, une intercommunalité comprenant notamment Aubervilliers, Saint-Denis et Saint-Ouen, et dont la ZFE s'est mise en place au même moment que Strasbourg. « Depuis trois ans, nous avons mis en œuvre un service de conseil de mobilité et des régies de quartier pour accompagner les 80 % de nos habitants concernés, a déclaré le vice-président de Plaine Commune, Philippe Monges. Et nous ouvrirons un service gratuit d'autopartage courant 2025. »

L'alternative bordelaise

Claudia Teran-Escobar, chercheuse en psychologie sociale et spécialiste des mobilités à l'université Paris-Nanterre, considère cette stratégie de conseil comme « l'un des meilleurs leviers d'acceptabilité » pour de telles restrictions. Citant des travaux de confrères britanniques, elle reste convaincue que ce qui pèse le plus dans la balance, c'est la « sensation d'obligation morale », ainsi que « la motivation et la capacité à la respecter ». Encore plus que certains facteurs socio-économiques, comme le revenu ou la localisation. « Le tout n'est d'abord pas juste de contraindre ou de supprimer un accès, mais, avec, de proposer une alternative ou de compenser cette perte. Ensuite, il faut pouvoir justifier cette mesure pour conduire à changer le comportement. Invoquer la qualité de l'air ne suffit pas à l'échelle individuelle. Il faut parler de son impact sur la santé et valoriser le fait qu'utiliser un mode de transport plus actif que la voiture, comme le vélo, l'améliore. Perdre du poids ou mieux respirer se voit bien plus que la réduction des particules fines dans l'air. »

C'est justement ce second versant auquel avait choisi de s'astreindre Bordeaux jusqu'ici. La métropole attendra la dernière limite pour mettre en place sa ZFE, à savoir interdire la circulation sur sa rocade à tous les véhicules non classés (immatriculés avant 1997) au 1er janvier 2025. Car, jusqu'à présent, Bordeaux a favorisé une autre stratégie que celle qu'offrait une ZFE. « D'un point de vue financier, il aurait fallu engager 200 millions d'euros, sans aides de l'État, pour mettre en œuvre les mesures d'accompagnement nécessaires pour contrer l'injustice sociale que produirait une ZFE, s'est justifié Claudine Bichet, vice-présidente de Bordeaux Métropole. Notre schéma des mobilités en aurait pâti et, avec lui, nos investissements pour réduire la part modale de la voiture et d'autres mesures qui conduiraient également à améliorer la qualité de l'air. »

À la place, la ville de Bordeaux a, par exemple, préféré consacrer l'une des deux doubles voies de sa rocade, ou boulevards extérieurs, aux vélos et aux bus. Résultat ? « Un doublement du nombre de cyclistes dans la ville, une accélération de la cadence des bus, une baisse de la congestion du trafic routier et une réduction de 30 % de la pollution en trois ans », d'après Claudine Bichet. « Ce dont une ZFE, limitée aux 2 % de véhicules non classés de notre parc automobile, n'aurait peut-être pas été capable. » ZFE qu'elle devra, malgré tout, mettre en place en janvier prochain. « Beaucoup de petites PME ou d'autoentrepreneurs seront touchés, pour lesquels nous envisageons déjà un accompagnement, voire une dérogation. »

Félix Gouty / actu-environnement



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