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Mort du pape François : il avait fait prendre à l’Église le virage de « l’écologie intégrale »

26/04/2025

Mort du pape François : il avait fait prendre à l’Église le virage de « l’écologie intégrale »

Avec son encyclique Laudato Si', le pape François appelait à réinventer le progrès en prenant soin de la "maison commune". | TIZIANA FABI/AFP

Avec son encyclique Laudato Si’et en s’appuyant sur le consensus scientifique, le pape François, mort ce lundi 21 avril, avait reconnu le réchauffement climatique. Il appelait à la sobriété afin de protéger la « maison commune ».

« Ce serait catastrophique que les intérêts particuliers l’emportent sur le bien commun », avait déclaré le pape François, en 2015 exhortant les dirigeants internationaux rassemblés à Paris pour la Cop à s’engager contre le réchauffement climatique en accompagnant la transition énergétique et l’évolution des sociétés de consommation.

Cette année-là, en septembre, les Nations Unies approuvaient les « objectifs de développement durable » dans le cadre de d’un agenda 2030. Parmi les dix-sept objectifs figurent l’éradication de la pauvreté et la protection de l’environnement. Deux préoccupations majeures d’un pape qui a n’a jamais cessé d’être au chevet des « périphéries ». En 2015, il instaure une Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, célébrée chaque année le 1er septembre avec l’Église orthodoxe. Une manière d’appeler les chrétiens à la « conversion écologique ».

Maison commune

Sept ans plus tard, en 2022, le souverain pontife appelait les mêmes dirigeants réunis à l’occasion de la Cop27, en Égypte, à concrétiser les accords de Paris consistant à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C.

« Un défi global », rappelait François, qui, dans le cadre de l’édition 2022 du « temps de la création », a invité les catholiques et les chrétiens des autres églises à « une démarche de conversion écologique » afin de protéger la « maison commune ».

« Tout est lié »

Un écho direct à l’encyclique, Laudato Si’. Premier texte social majeur de son pontificat en six chapitres, il constituait avec le suivant, Fratelli Tutti , (Tous frères), un ensemble plaçant au même niveau les défis écologiques et sociaux devant lesquels l’humanité fait face. « Tout est lié », écrivait-il.

En invitant à « protéger toute la création », le pape incitait à « une double réconciliation, avec la Terre et avec l’autre, le vivant et les hommes et les femmes, dans leur diversité heureuse », a résumé Mgr Bruno-Marie Duffé, prêtre, philosophe qui a œuvré au Vatican au service de la doctrine sociale et environnementale de l’Église. « Cette double respiration appelle à relier ces deux textes majeurs, pour penser à la communauté humaine, et à son avenir, en pensant à la Terre et pour penser à la Terre en pensant à l’humanité. »

L’Église et la science

Le texte le plus populaire et aussi le plus commenté du pape reconnaît l’existence d’un « consensus scientifique très solide » sur le réchauffement climatique. Le problème avec ses conséquences est vu « comme touchant particulièrement les plus pauvres, avec le cas particulier des migrants induits », écrit Christian Pian, de l’Institut catholique de Paris. La crise écologique est vue comme « l’éclosion ou une manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité ».

« L’importance de l’écologie et la prise en compte des créatures n’ont en tout cas jamais été exprimées avec autant de force. Ce qui est nouveau, c’est que ce soit dit dans une encyclique, le texte qui fait le plus autorité dans l’Église », souligne François Euvé, théologien, directeur de la revue Études et auteur de Théologie de l’écologie (éd Salvator).

La biodiversité est la solution, insistait le pape. Face au changement climatique, devant la nécessité d’une « éthique écologique » afin de protéger la biodiversité, la terre « opprimée » et la ressource en eau, il visait d’abord à « sensibiliser le monde catholique aux questions écologiques ». Il démontrait « que la tradition chrétienne, que l’on a pu accuser de donner trop d’importance à l’action humaine et de négliger la nature,  avait les ressources pour répondre aux défis présents ». Il est vrai qu’elle a été présentée comme la « religion la plus anthropocentrique du monde » et que pour certains en son sein, le réchauffement climatique ne va pas encore de soi.

Avoir moins et partager

L’écologie au service d’un « développement intégral » pour lequel le pape a créé un dicastère (ministère) dédié, est « par définition intégrale… Il nous dit qu’on ne peut exister qu’en relation avec l’autre et la nature. Il appelle à entendre le cri de la Terre et la clameur des pauvres », souligne François Euvé. Se souviendra-t-on de François comme d’un pape de la décroissance ? « L’important n’est pas de décroître, selon lui, mais de grandir en déployant des capacités, en utilisant le talent de chacun. Il invite à se poser, à avoir moins et à partager, car l’inégalité est inadmissible. Elle n’est plus possible », explique Louis-Marie Duffé.

Avec Laudato Si’, le pape François a fait entrer le Magistère et le « XXIe siècle dans une éthique écologique intégrale comme principe régulateur de toute éthique sociale pour l’église », souligne Christian Pian. Un tournant qu’il inscrit dans la lignée de François d’Assise, qui proposait « une vision alternative de la nature et de la relation de l’homme avec elle ». Impossible de conjuguer sa protection avec le profit financier. Il appelle à revenir à la sobriété et à redéfinir le progrès.

Plus qu’une encyclique sur l’écologie, Laudato Si’trace un chemin de société, balisé par la doctrine sociale de l’Église. Le texte éclaire sur la « transformation comportementale souhaitée par le pape François à la lumière de l’Évangile, écrit le père Luc-Thomas Somme, recteur de l’Institut catholique de Toulouse. Ce regard exclusivement chrétien, adressé à toutes les femmes et à tous les hommes de notre temps, au-delà de son objet écologique propre, constitue un acte d’évangélisation fraternelle et non prosélyte. » Ce qui rendait ce pape si populaire, dans les périphéries auxquelles il appelait à s’ouvrir, et bien au-delà du cercle des fidèles. « Il dépend de chacun qu’il ne reste pas un vœu pieux ». 

ouest-france

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