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Canal Seine-Nord-Europe : des approches environnementales jugées vertueuses

09/09/2024

Canal Seine-Nord-Europe : des approches environnementales jugées vertueuses

Le canal Seine-Nord Europe reliera la Seine à l'Escau        © Michel Godfroid

Destiné à désenclaver la Seine et la relier aux grands canaux du nord de l'Europe, le canal Seine-Nord-Europe bénéficie désormais d'une autorisation environnementale pour l'ensemble de son tracé.

Le projet de canal Seine-Nord Europe vient de franchir une nouvelle étape. Après la validation des 18 premiers kilomètres entre Compiègne et Passel dans l'Oise, en 2021, les 89 kilomètres restant, jusqu'à Aubencheul-au-Bac dans le Nord, viennent à leur tour de décrocher leur arrêté d'autorisation environnementale, signé vendredi 9 août par les préfets des départements de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord. Les travaux vont donc pouvoir débuter sur ce dernier tronçon, afin de pouvoir désenclaver la Seine, en 2030, grâce à la connexion de cette infrastructure de 107 kilomètres de long et 54 mètres de large à l'Escaut, en Belgique, puis aux quelque 20 000 km de voies fluviales européennes. 

Un défi technologique

Le canal Seine-Nord Europe bénéficiera d'une série d'équipements parfois particulièrement élaborés : six écluses – dont deux se caractérisent par une hauteur de chute de plus de 25 mètres –, trois ponts-canaux, 62 ponts routiers et ferroviaires, une retenue d'eau de 14 millions de mètres cubes, 10 quais à vocations économiques, quatre ports intérieurs… Il traversera 64 communes des Hauts-de-France.

Voie d'eau à grand gabarit, le canal Seine-Nord Europe pourra accueillir des péniches mesurant jusqu'à 185 mètres de long et 11,40 mètres de large, capables de transporter 4 400 tonnes de marchandises, soit l'équivalent de 220 camions. De quoi acheminer 17 millions de tonnes de fret par an, du bassin parisien vers le nord de l'Europe, en passant par les Hauts-de-France, les ports de Dunkerque, du Havre et de Rouen notamment, tout en allégeant le trafic routier d'un million de poids lourds en France et de 2,3 millions de camions à l'échelle européenne. Le transport fluvial affichant un bilan carbone 3 à 5 fois inférieur à celui du transport routier, l'économie de CO2 sur quarante ans, s'élèverait à plus de 50 millions de tonnes. Les impacts des travaux devraient ainsi être absorbés par les bénéfices de l'infrastructure au cours des neuf premières années d'exploitation.

Les nappes phréatiques préservées

Si le projet est important en matière de décarbonation – outre l'État et de nombreuses collectivités locales, il est d'ailleurs soutenu par l'Union européenne à hauteur de 2,1 milliards d'euros sur un total de 5,1 –, il se veut aussi vertueux en termes de conception et de réalisation. Ainsi, l'alimentation en eau du canal ne proviendra pas de prélèvements dans les nappes phréatiques, mais de la rivière Oise, dont le débit est jugé suffisant plus de 90 % du temps. En période de débit trop faible, une retenue d'eau de 14 millions demètres cubes, construite dans la vallée de Louette, à Allaines (Somme) fournira le complément dans l'hypothèse de périodes de sécheresse pluriannuelle, y compris en période hivernale.

« Un dispositif complémentaire à la réserve de Louette serait opportun », souligne toutefois la Commission de l'enquête publique, dans ses conclusions, en alertant aussi sur la nécessité d'évaluer les incidences du projet sur les nappes phréatiques en amont du barrage. Équivalente à 40 cm d'argile, l'étanchéité de la cuvette du canal limitera par ailleurs les pertes liées à l'infiltration. Un recyclage de l'eau est prévu sur le site de plusieurs écluses dont une grande partie grâce à des « bassins d'épargne » remplis par gravité sans consommation énergétique. Un plan d'action contre la dégradation de la qualité des eaux du canal et de la retenue de Louette en cas de pollution devra également être envisagé, note la commission d'enquête. La continuité d'une majorité des cours d'eau et des autres écoulements sera en outre assuré grâce à des ouvrages hydrauliques.

Faune et flore pris en compte

La Société du canal Seine-Nord Europe s‘est aussi attachée à la préservation de la biodiversité dans une approche « éviter‐réduire‐compenser ». Le tracé a ainsi été dessiné pour éviter les impacts sur les sites à forts enjeux environnementaux. Afin de préserver la richesse écologique de la vallée de la Somme et ses zones humides, par exemple, un « pont-canal » de 1 330 mètres de long a été prévu, entre Cléry-sur-Somme, Biaches et Péronne, à 30 mètres au-dessus du fleuve. Seules ses piles de soutien nécessiteront un aménagement en fond de vallée.

Lorsque les effets du chantier sur la faune et la flore seront inévitables, des initiatives sont envisagées pour les limiter, comme le déplacement d'espèces végétales, la capture et la relâche d'amphibiens ou de poissons avant les travaux, le défrichement en dehors des périodes de reproduction des oiseaux ou l'installation de quelque 2 000 nichoirs de substitution pour les oiseaux…

En complément, plus de 1 200 hectares d'aménagements environnementaux sont également programmés, annoncent les promoteurs du canal, afin de recréer des habitats favorables aux espèces animales et végétales : 75 km de haies, 25 km de berges écologiques (berges lagunées), 17 hectares d'annexes hydrauliques et autres zones humides, mais aussi des dispositifs préservant les trames comme des plages de remontée en pentes douces, des structures de sortie d'eau ou des passages sous le Canal. Un bilan encore un peu juste, relève cependant la Commission d'enquête, aux vues de l'importance du linéaire du canal.

Un paysage plus vrai que nature

Autre point de vigilance : le respect des paysages. Afin de faire « corps avec le territoire traversé », la Société du canal Seine-Nord Europe a d'abord élaboré un schéma d'orientations architecturales et paysagères identifiant les grands enjeux paysagers du territoire et définissant les principes directeurs d'aménagement. Ce document a ensuite permis la publication d'un schéma directeur architectural et paysager, en concertation avec les communes concernées, tenant compte des contraintes techniques, agricoles, foncières, naturelles et économiques. Dix sites à forts enjeux ont fait l'objet d'une réflexion approfondie comme les zones de confluence du canal avec les autres canaux et rivières, les abords de Noyon ou les sections de grands remblais de la Somme.

Une approche qui laisse la commission d'enquête un peu sceptique sur le choix « de limiter les plantations au regard de l'ambition de préserver certains espaces ouverts traversés ». Leur caractère ouvert (faible densité boisée, absence de haies, peu de bosquets…) est en effet directement le résultat de l'activité humaine, notamment de l'agriculture intensive, estime-t-elle. « Cette politique de déboisement et d'arrachage des haies a montré ses limites. »

Un chantier sous observation

Sur le terrain, les entreprises responsables des chantiers seront encouragées à recourir à des pratiques vertueuses par le biais notamment d'un schéma directeur de gestion des déblais et des approvisionnements : usage de la voie d'eau et du rail pour l'approvisionnement des matériaux de construction, réemploi des deux tiers des terres excavées sur le chantier pour la construction des digues, des remblais des ponts ou du complexe d'étanchéité de la cuvette et valorisation des autres dans l'agriculture... Dans ce but, dix quais seront restaurés ou construits sur le canal, à proximité du chantier. Le projet a par ailleurs été labellisé haute qualité environnementale (HQE Infrastructure).

Pour veiller au respect de tous ces engagements, un observatoire de l'environnement, instance indépendante constituée d'experts, a été créé en 2018. Enfin, le canal contribuera à la production d'énergies renouvelables grâce à plusieurs projets d'installation de panneaux photovoltaïques à proximité, sur les bassins d'épargne des écluses, sur le bâtiment du centre de maintenance de Péronne… Reste à passer des intentions à l'action.

Nadia Gorbatko / actu-environnement

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