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La délinquance environnementale dans le viseur des maires
28/11/2024
Des militants écologistes inspectent un site où s'entassent quelque 230 tonnes de déchets près de Rédange, en Moselle, le 15 novembre 2023 © AFP/Archives Jean-Christophe VERHAEGEN
Paris (AFP) – A l’occasion du 106e Congrès des maires de France, les élus ont alerté mardi sur un enjeu majeur pour leurs communes: la lutte contre la délinquance environnementale, menée avec l’appui de la gendarmerie nationale.
Dépôts sauvages, déchets, pêche ou chasse illégale… Cette délinquance « pourrit la vie » des maires au quotidien, témoignait mardi Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) et vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF), à l’occasion d’un débat dédié à cette problématique au Congrès des maires de France à Paris.
Mise en lumière par la mort accidentelle en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire du village de Signes (Var), la question des dépôts sauvages d’ordures préoccupe de plus en plus les élus locaux.
Le nombre d’infractions liées aux dépôts de déchets sauvages constatés par la gendarmerie a augmenté de 85% entre 2017 et 2021, indique le général Sylvain Noyau, chef du Commandement pour l’environnement et la santé (Cesan) de la gendarmerie nationale.
Les maires sont en première ligne et souvent démunis face à des procédures riches et complexes. Les déchets ne représentent pas moins de 200 infractions dispersées dans différents codes et 70 catégories d’agents peuvent rechercher et constater ces atteintes.
« Il y a 400.000 normes qui pèsent sur nos épaules, on ne peut pas tout savoir », estime le maire de Pont-Sainte-Maxence (Oise) Arnaud Dumontier, également conseiller chargé des élus auprès du Cesan.
Créé en 2023, l’objectif de ce Commandement est justement d’accompagner et de former les élus, en les « plaçant au centre des dispositifs », explique à l’AFP Sylvain Noyau. Le Cesan a développé une application, « Gendélus », mettant à disposition des maires « une boîte à outils », avec des ressources, des fiches, un partage collaboratif des bonnes pratiques en la matière, des informations sur les différents leviers pour lutter contre la délinquance environnementale.
Le but de l’application est d’offrir aux maires, particulièrement ceux des petites communes, « un service clé en main, un guichet unique », précise Arnaut Dumontier. « Les outils existent, il faut maintenant accompagner les maires », poursuit M. Noyau.
L’autre volet d’action du Cesan, c’est la formation des gendarmes à cette problématique complexe. Plus de 4.000 d’entre eux ont déjà été formés pour assurer une meilleure prise en charge sur l’ensemble du territoire français.
L’objectif du Cesan est de former 6.400 gendarmes d’ici à 2026, sur le volet répressif mais également préventif.
La sensibilisation du public est en effet un des chantiers majeurs pour lutter contre la délinquance environnementale. Selon une étude de l’Institut Terram publiée lundi, près d’un habitant des zones rurales sur cinq estime que certains comportements d’abandon de déchets sur la voie publique peuvent être « compréhensibles ».
Paradoxalement, 80% déclarent être préoccupés par les enjeux environnementaux.
« Professionnels voyous »
« On a des grosses lacunes dans la prise de conscience individuelle », a expliqué la maire Charlotte Blandiot-Faride. « La véritable clé, c’est de prévenir, de rendre responsable chacune et chacun, notamment via l’école. »
Selon l’étude de Terram, 51% des ruraux estiment que les déchets jetés « se décomposent rapidement ». Une vision trompeuse, selon les auteurs, puisque « même pour les déchets organiques, leur processus naturel de dégradation est souvent bien plus long que ce que l’on imagine ».
David Nebor, maire de Petit-Bourg, en Guadeloupe, a vu le nombre de dépôts sauvages baisser dans sa commune, notamment grâce à des actions de sensibilisation et de prévention. Il a également renforcé les moyens de surveillance dans sa commune et durci le ton en matière de contravention administrative qui peut grimper jusqu’à 140.000 euros pour les pollueurs qu’il appelle les « professionnels voyous ».
En effet, une grande partie des dépôts sauvages concerne les déchets du bâtiment, déversés illégalement dans la nature par des artisans ou des entreprises de construction.
Ces atteintes ont un double coût pour les maires et les habitants. Un coût environnemental, car elles polluent les eaux, les sols ou les airs, mais aussi un coût financier pour les communes, qui doivent procéder à des actes de nettoyage et d’enquête.
La santé des habitants ainsi que leur qualité de vie peuvent également être affectées par ces atteintes à l’environnement.
De son côté, « la justice aussi évolue sur le sujet », se réjouit le général Noyau, affirmant que certains parquets réservent désormais des audiences uniquement dédiées aux affaires environnementales.