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Décarbonation de l'industrie française : l'électrification comme levier principal ?

10/09/2024

Décarbonation de l'industrie française : l'électrification comme levier principal ?

L'électrification représente un levier essentiel pour la décarbonation de l'industrie, selon les auteurs de l'étude.        © andrew_shots

Dans une analyse consacrée aux opportunités de décarbonation de l'industrie française, le cabinet McKinsey et La Fabrique de l'industrie identifient cinq leviers principaux, en insistant sur l'électrification des procédés.

Pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de réduction des émissions de gaz à effet de serre en scope 1 (activités directes des entreprises) de - 35 % d'ici à 2030 et de - 81 % d'ici à 2050 par rapport à 2015, l'industrie française va devoir redoubler d'efforts. Et ce, même si certains secteurs industriels (chimie, ciment, métallurgie, papier-carton) ont déjà adopté des feuilles de route de décarbonation.

C'est ce qui ressort d'une analyse sur les opportunités existantes en matière de décarbonation de l'industrie française, réalisée par le cabinet de conseil McKinsey, en collaboration avec le laboratoire d'idées La Fabrique de l'industrie, et publiée ce jeudi 6 septembre.

Décarboner au rythme de 6 % par an entre 2030 et 2050

« Le rythme de décarbonation va devoir passer de 2 % par an à l'horizon 2030 à 6 % par an à l'horizon 2050 », rappelle Matthieu Dussud, directeur associé de McKinsey au bureau de Paris et coauteur de l'étude. Pour atteindre de tels objectifs, les auteurs de l'analyse identifient cinq leviers principaux : l'amélioration de la performance énergétique (isolation thermique, équipements moins énergivores, valorisation de la chaleur fatale, autoproduction d'énergie décarbonée, etc.) ; l'utilisation accrue de matières recyclées (combustion de CSR (1) , procédés à base de pyrolyse, etc.) ou bio-sourcées (biométhane, biomasse) ; l'investissement dans des produits verts spécifiques à chaque filière (utilisation de l'hydrogène pour produire du fer préréduit (DRI) dans le secteur de l'acier par exemple) ; le captage et le stockage du carbone ; mais aussi et surtout l'électrification des procédés.

Les industriels ont besoin d'assurance pour investir sur plusieurs années ” - David Lolo, La Fabrique de l'industrie

« L'électrification représente un levier essentiel pour la décarbonation de l'industrie. Il répond en effet à plusieurs enjeux : contraintes réglementaires croissantes, volatilité des prix des énergies fossiles, attentes renforcées des parties prenantes en termes de durabilité, etc. », affirment les auteurs de l'analyse. À cet égard, le mix de production électrique français très décarboné, du fait de la part du nucléaire (68 % en 2021), constitue un atout majeur pour l'industrie française, estiment-ils : « Développer l'électrification lui permet à la fois de tirer parti de son mix électrique national bas carbone et d'agir sur les émissions directes et indirectes (scopes 1 et 2) ». Pour ceux-ci, c'est aussi l'opportunité de valoriser un avantage compétitif, comparativement à l'Allemagne, en particulier, dont le mix reste largement plus carboné malgré l'essor des énergies renouvelables.

Obstacles majeurs

Mais l'étude relève en même temps un certain nombre d'« obstacles majeurs » à surmonter pour mettre en œuvre une électrification massive. Ces obstacles tournent pour beaucoup autour du montant des investissements nécessaires dans de nouveaux équipements, alors que ceux en place sont encore opérationnels et pas toujours amortis. Dans la sidérurgie, l'électrification est en outre freinée par le risque de pénurie de matériaux recyclés. « En effet, alors que l'électrification exigera une part plus grande de ces matériaux, les approvisionnements actuels sont déjà en tension », explique l'étude. Dans le secteur du verre, « des solutions comme le boosting électrique (2) offrent des économies d'énergie, mais requièrent des investissements substantiels et une planification alignée sur les cycles de rénovation des fours », illustrent également les auteurs.

« Les industriels ont besoin d'assurance pour investir sur plusieurs années. Le point clé est la rentabilité des investissements qui, à ce jour, n'est pas acquise. Les investissements verts sont parfois plus onéreux que le coût de l'inaction », avertit ainsi David Lolo, économiste, chargé d'études à La Fabrique de l'industrie.

Outre les équipements, le prix de l'électricité constitue aussi un obstacle. « Tant que le mégawattheure de gaz est à 40 euros, il n'est pas possible que l'industrie électrifie massivement », prévient Vincent Charlet, directeur de La Fabrique de l'industrie. Et le prix annoncé du mégawattheure nucléaire à 70 euros constitue un épouvantail. « La grille tarifaire peut être un choix politique », fait toutefois remarquer le dirigeant du laboratoire d'idées, rappelant le mécanisme de l'Arenh (3) qui a garanti un mégawattheure à 42 euros pour les électro-intensifs. David Lolo souligne, de son côté, l'intérêt des contrats pour différence (CFD) portés par la Commission européenne et qui garantissent un prix de vente et d'achat d'électricité stable pour les producteurs et pour les consommateurs.

Réfléchir à la décarbonation à l'échelle des bassins industriels

Pour réussir la décarbonation de l'industrie française et améliorer « la compétitivité hors coût » de l'Hexagone, l'étude formule plusieurs recommandations. « Il y a un avantage à réfléchir à la décarbonation au niveau des bassins industriels », explique Matthieu Dussud, sachant que les émissions industrielles de GES sont concentrées dans trois zones principales : Dunkerque (Nord), Le Havre (Seine-Maritime), Fos-Berre (Bouches-du-Rhône). Ce qui permet une mutualisation des moyens en termes d'infrastructures de transport, d'approvisionnement énergétique, ou encore d'économie circulaire.

Et le consultant de citer comme exemple de projets l'Autoroute de la chaleur dans le département du Nord qui valorise la chaleur produite par l'incinération de déchets dans les réseaux de chauffage urbain de la Métropole de Lille. Ou le projet D'Artagnan qui permettra de transporter sous forme liquide le CO2 capté depuis les sites industriels de Lumbres et Réty (Pas-de-Calais) vers le port de Dunkerque. La mutualisation peut aussi prendre la forme de la création de coentreprises, comme l'illustre le projet GravitHy (usine de production de fer préréduit à partir d'hydrogène bas carbone) de Fos-sur-Mer qui associe six acteurs industriels et institutionnels.

Concernant le financement, les auteurs identifient une opportunité dans les redistributions possibles du système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SEQE ou ETS). Depuis cette année, les États membres de l'UE ont l'obligation de flécher 100 % des recettes d'enchères de quotas qui leur sont destinées vers des dépenses pour le climat, expliquent les auteurs. Aussi, ceux-ci suggèrent-ils de diriger une partie de ces fonds vers la décarbonation industrielle alors qu'ils étaient jusque-là orientés vers l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et vers le budget général de l'État.

1. Combustibles solides de récupération

2. La capacité de fusion des fours à flammes est limitée par le transfert thermique entre la flamme et la surface du bain de verre. Il est possible d'augmenter cette capacité de fusion par l'adjonction d'un chauffage électrique d'appoint par électrodes plongeantes, appelé aussi

3. Accès régulé à l'électricité nucléaire historique

Laurent Radisson / actu-environnement



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