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Amoc : que sait-on vraiment de ces courants océaniques, vitaux pour le climat ?
16/03/2025

L'Amoc, ces courants marins de l'Atlantique, constitue une véritable énigme climatique. Crédits : Photo de Guillaume Bassem sur Unsplash
Va-t-on assister à son effondrement ? Si oui, quand ? Depuis plusieurs années, les recherches sur l'Amoc se multiplient, car ces courants marins de l'Atlantique sont une véritable énigme climatique. Mais son avenir inquiète d'ores et déjà la communauté scientifique. Novethic fait le point.
Un avenir plus qu'incertain. Selon un article paru dans la revue "Nature" le mercredi 26 février, l'Amoc, la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique, ne devrait pas s'effondrer d'ici la fin du siècle, même dans les scénarios de réchauffement les plus extrêmes. Or, en fin d'année 2024, une autre étude publiée cette fois-ci dans "Nature Geoscience" par des chercheurs australiens, avait conclu que cet ensemble complexe de courants océaniques pourrait perdre 30% de sa puissance dès 2040, soit 20 ans plus tôt que prévu, avec des conséquences "catastrophiques". Mais qu'en est-il vraiment ?
Un régulateur essentiel du climat
Souvent confondue avec le Gulf Stream, qui n'en est en réalité qu'une composante, la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique, ou Amoc, de son acronyme anglais, est un système complexe de courants océaniques. Ils circulent dans l'Atlantique Nord, le long des littoraux américains, de ceux également d'Europe de l'Ouest jusqu'aux mers arctiques de Scandinavie, d'Islande et du Groenland. Ils charrient environ 18 millions de m³ par seconde, soit plus de dix fois le débit cumulé de tous les fleuves.
L'Amoc a une fonction essentielle dans la régulation thermique de l'Atlantique. Fonctionnant comme un immense tapis roulant à travers l'océan, il transporte les eaux chaudes depuis l'Équateur vers les pôles et ramène les eaux froides des profondeurs vers l'hémisphère Sud. Ce va-et-vient permet ainsi de réguler la chaleur entre les tropiques et l'hémisphère. En Europe occidentale, on lui doit notamment notre climat tempéré. Mais en plus d'avoir un impact sur le climat, il facilite l'absorption du CO2 et l'approvisionnement en oxygène de l'océan. Enfin, il affecte également le régime des pluies dans les tropiques.
Encore beaucoup d'incertitudes
Certaines publications scientifiques ont affirmé ces dernières années que l'on assistait au ralentissement de l'Amoc, voire à son effondrement. Mais les chercheurs ne sont pas tous unanimes. "Pour l'instant, nous manquons de données pour affirmer que l'Amoc ralentit sous l'influence du changement climatique", explique Damien Desbruyères, chef de mission et chercheur au laboratoire d'océanographie physique et spatiale de l'Ifremer. Et pour certains scientifiques, le débat n'est pas là mais plutôt du côté de son avenir : l'Amoc est en effet appelé à ralentir dans les prochaines décennies.
Cet affaiblissement s'explique à la fois par le changement climatique, car les eaux de surface deviennent plus chaudes et sont donc moins denses, mais également par la fonte des calottes glaciaires du Groenland, rendant l'eau de mer plus douce, et donc là aussi moins dense. Ainsi, cette eau s'enfonce plus difficilement sous la surface, grippant le mécanisme de tapis roulant qui faisait avancer ce courant océanique. Quant à la date de son effondrement, l'incertitude persiste. Dans leur dernier rapport publié en 2021, les experts du Giec avaient exprimé "un niveau de confiance moyen dans le fait que l'Amoc ne s'effondrerait pas avant 2100". Un risque "sous-estimé", jugent les signataires d'une lettre ouverte adressée au Conseil nordique en novembre 2024. Ils tablent quant à eux sur un basculement "dès les prochaines décennies".
Une disparition aux lourdes conséquences
Atteindre ce point de bascule aura de lourdes conséquences. "Une catastrophe dans la catastrophe du changement climatique", explique Julie Deshayes, directrice de recherche (CNRS) à l'Institut Pierre-Simon-Laplace au Monde. Les températures pourraient ainsi chuter de plusieurs degrés dans certaines régions d'Amérique du Nord et d'Europe du Nord, même si ce refroidissement serait atténué par le réchauffement climatique.
À l'inverse, les températures augmenteraient dans l'hémisphère Sud, alimentant ainsi davantage les phénomènes extrêmes. Les moussons africaines et sud-américaines seraient déplacées de 500 à 1 000 kilomètres vers le Sud, provoquant une baisse de 30% des précipitations au Sahel. Enfin, un arrêt de l'Amoc réduirait les capacités des océans à absorber le CO2, aggravant de fait le changement climatique et augmentant l'élévation du niveau de la mer.