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Loi Pacte 2, écoconditionnalité… les propositions des acteurs de l’économie durable

06/11/2024

Loi Pacte 2, écoconditionnalité… les propositions des acteurs de l’économie durable

La transformation durable de l'économie à l'arrêt ? - pixabay

En pleine négociation du budget 2025, de nombreux acteurs économiques s’inquiètent que la transformation durable de l’économie soit oubliée. Ils formulent des propositions pour accélérer la transition écologique et sociale tout en redressant l’économie.

Alors que le débat parlementaire sur le projet de loi de finances pour 2025 bat son plein, et que le gouvernement vient de proposer un moratoire sur les réglementations européennes, les entreprises et acteurs de la transition écologique et sociale craignent un ralentissement du soutien public au secteur et à la transformation durable de l’économie. “On est en train de voter un projet de loi de finance qui va continuer à financer les entreprises polluantes, et qui ne soutient pas du tout les entreprises qui font avancer la transition écologique”, s’emporte ainsi Arnaud Gossement, spécialisé dans le droit de l’environnement pour les entreprises. Même constat pour Antoine Détourné, délégué général d’ESS France, qui déplorait il y a quelques jours dans le média Carenews “l’immense retour en arrière” du budget 2025 en matière de financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire et les coupes budgétaires qui affectent les entreprises du secteur.

Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France, qui regroupe les entreprises engagées dans la transition écologique et sociale, appelait de son côté sur les réseaux sociaux à se mobiliser pour “des choix qui ne sacrifient pas l’avenir au présent” et pour un soutien plus important de l’Etat à la transformation durable des entreprises. Tous attendent une action plus engagée du gouvernement sur la question de la transformation durable de l’économie.

Soutenir la transformation durable des entreprises

“On est à un moment où il faudrait transformer radicalement et profondément le système social et économique, pour répondre à la crise sociale et écologique”, plaide de son côté Alexandre Lourié, directeur général international du groupe SOS, entreprise leader de l’économie sociale et solidaire. Pour lui comme pour de nombreux acteurs de la transformation durable, les cadres réglementaires, budgétaires et fiscaux actuels sont insuffisants pour soutenir la transition des acteurs privés vers une économie durable inclusive. “Il n’est pas normal que les aides aux entreprises, qui représentent entre 139 et 223 milliards d’euros de dépenses publiques chaque année, soient encore notamment versées à des entreprises qui ne respectent même pas leurs obligations légales en matière de reporting social et environnemental”, s’indigne ainsi Caroline Neyron auprès de Novethic.

Pour elle, le gouvernement pourrait “concilier la gestion de la crise économique budgétaire et la mise en place d’un grand plan pour réorienter l’économie vers la transition écologique” en mettant en place des politiques adaptées. Parmi les propositions du Mouvement Impact France : supprimer les niches fiscales dites “brunes”, notamment dans le secteur des énergies fossiles ou les activités les plus polluantes, et réorienter en partie ces sommes vers des activités économiques durables, conditionner les aides publiques au respect des obligations légales en matière de RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), réorienter les aides publiques en matière d’innovation et de recherche, vers des projets d’innovation “verte”. Autant de manières de réduire ou de réorienter les dépenses de l’Etat tout en soutenant les acteurs d’une économie plus durable. Dans cet esprit, l’Assemblée Nationale vient d’adopter lors des débats sur le projet de loi de finances 2025, un statut de “jeune entreprise innovante à impact” qui permet aux entreprises innovantes notamment issues de l’ESS de bénéficier d’avantages fiscaux, une proposition que déféndait le Mouvement Impact France. Reste à savoir si ce statut sera conservé dans le projet de loi final.

Développer des modèles alternatifs

Alexandre Lourié, défend quant à lui “la mise en place de politiques pigouviennes sectorielles”, autrement dit, des taxes “pollueur-payeur” pensées secteur par secteur, afin d’inciter les acteurs économiques à développer des modèles plus vertueux, tout en dégageant des recettes pour l’Etat en taxant les modèles les plus polluants. “Face à la crise sociale, on aurait tout intérêt à encourager le développement des modèles d’entreprise alternatifs, qui permettent de mieux partager la gouvernance et la valeur créée”, ajoute-t-il. Depuis la Loi Hamon en 2014 et la loi Pacte en 2019, l’Etat a en effet mis en place un cadre pour encourager le développement de modèles de gouvernance alternatifs. “La raison d’être ou le statut d’entreprise à mission (des statuts volontaires permettant aux entreprises de prendre des engagements sociaux et écologiques, ndlr) ont permis aux entreprises de mettre un pas dans la porte de la transformation écologique et sociale”, et des modèles comme celui d’ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale) ou de SAPO (Société anonyme à participation ouvrière) existent pour encourager un meilleur partage de la valeur et une économie plus durable, explique Alexandre Lourié.

Mais “ces dispositifs apportent très peu d’avantages” et sont donc peu utilisés par le secteur privé selon l’expert. “On devrait imaginer des dispositifs pour rendre ces modèles plus attractifs, des avantages fiscaux par exemple lorsque les entreprises partagent leurs dividendes avec leurs salariés”, analyse-t-il. “Il faut peut-être une loi Pacte 2, qui renforce l’économie sociale et solidaire, encourage le développement des engagements sociaux et environnementaux des entreprises”, explique quant à elle Caroline Neyron. Comment ? Par exemple en mettant en place une conditionnalité des aides publiques ou encore un accès préférentiel aux marchés publics pour les entreprises durables ou sociales et solidaires.

Accélérer la transformation durable pour redresser l’économie

Pour Arnaud Gossement, “une fiscalité verte serait un pas énorme dans la bonne direction, et permettrait de développer une économie plus durable tout en accélérant la réindustrialisation”. En affectant par exemple le produit d’une taxe carbone renforcée à des mesures de justice sociale, l’Etat pourrait accélérer la transformation durable des entreprises, renforcer sa politique sociale, le tout sans creuser son déficit, explique le spécialiste.

Surtout, la transition écologique et sociale pourrait permettre de grosses économies à l’Etat et à la société dans son ensemble. “L’économie sociale et solidaire a de nombreux atouts pour maintenir l’emploi local, de la résilience, cela créé de la valeur pour l’ensemble de la société, c’est un secteur qu’on a tout intérêt à soutenir”, estime ainsi Marie Vernier, déléguée générale du Labo de l’ESS. “Aujourd’hui, on sait que si on investit 1 euro dans les entreprises à impact, on obtient 1,3 euro de valeur sociale et écologique pour la société”, explique Caroline Neyron. En évitant des coûts environnementaux, sociaux ou encore sanitaires, la transformation durable a le potentiel de réduire les dépenses publiques, et de redresser l’économie en supprimant des coûts cachés qui pèsent sur la productivité globale. Mais pour l’heure, cette réalité semble bien absente du débat public autour du budget 2025, qui continue de cristalliser les controverses politiques et économiques.

novethic

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