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Les cinq sujets brûlants de la COP27

07/11/2022

Les cinq sujets brûlants de la COP27

Crédits : SAYED SHEASHA

La vingt-septième conférence internationale sur le climat de l'ONU s’ouvrira ce dimanche à Charm-El-Cheikh, en Egypte, dans un contexte particulièrement troublé. Alors que la crise énergétique a détourné l’attention de l'urgence environnementale et que les tensions géopolitiques continuent de s'aggraver, la conférence risque d'aboutir à une impasse. Pourtant, plusieurs dossiers épineux devront être réglés, parmi lesquels l’aide aux Etats les plus vulnérables face au réchauffement climatique et la lutte contre la déforestation.

C'est peu dire que la vingt-septième conférence internationale sur le climat, qui s'ouvrira ce dimanche à Charm-El-Cheikh, en Egypte, se tiendra dans un contexte particulier. Car depuis l'édition précédente à Glasgow, de l'eau a coulé sous les ponts. Alors que les effets de la guerre en Ukraine, couplés à ceux de la crise énergétique qu'elle aggrave par ailleurs, ont relégué l'urgence environnementale au second plan, les gouvernements n'auront d'autre choix que de négocier de nouvelles avancées en dépit des circonstances.

Et pour cause, la crise climatique reste « existentielle, primordiale et omniprésente », a rappelé le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, qui présidera la COP27. Ainsi, plus de 100 chefs d'Etat seront présents lundi et mardi pour le « sommet des leaders », malgré des tensions géopolitiques prégnantes. Afin de mieux comprendre quoi attendre de ces deux semaines d'échanges, La Tribune fait le point sur les cinq sujets brûlants qui devront être réglés d'urgence.

Maintenir et mettre en œuvre l'objectif de hausse des températures en-dessous de 1,5°C

Il s'agira d'abord, évidemment, de maintenir l'objectif de maintien des températures en-dessous de +1,5°C d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère pré-industrielle. Tel était le sens de l'accord de Paris arraché par la présidence française en 2015. Ainsi, même si les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter depuis, la présidence égyptienne a d'ores et déjà été claire sur son intention de ne pas reculer sur le sujet. A l'instar de l'ancien Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui martelait à la COP26 de Glasgow son souhait de « garder les 1,5°C vivants » (« Keep the 1°5°C alive »).

Il faut dire que les engagements ne sont toujours pas à la hauteur, et que la COP26 de Glasgow avait, en effet, laissé derrière elle un goût d'inachevé (les images de son président Alok Sharma, en larmes lors de la clôture des négociations, trahissaient la portée très limitée du pacte). Ainsi, même si tous les pays tenaient leurs promesses actuelles, ce qui n'est encore jamais arrivé, le monde serait sur une trajectoire de réchauffement de 2,4°C d'ici la fin du siècle. Avec les politiques actuelles c'est un catastrophique +2,8°C qui se profile. « Pitoyablement pas à la hauteur », a récemment fustigé le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

Pour la France, qui s'est déjà engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, l'idée sera d'abord de faire de cette nouvelle COP un « moment important de mise en œuvre » des objectifs climatiques, explique-t-on à l'Elysée. « L'idée n'est pas de prendre de décision sur le cadre global, mais de montrer que les cibles politiques qu'on a réussi à fixer sont crédibles, et qu'on a les instruments pour les mettre en œuvre », affirme une source à la Présidence de la République. Autrement dit : « dépasser les paroles et regarder ce qui est vraiment transformateur », avant le bilan mondial, prévu l'année prochaine par l'accord de Paris. Plus généralement, les pays pourraient ainsi profiter de la COP27 pour accélérer le développement des énergies bas carbone et la réduction du financement public des énergies fossiles.

La tâche promet d'être fastidieuse, alors même que le combustible fossile le plus polluant de tous, le charbon, signe son grand retour. Pour rappel, à la COP26, les dirigeants mondiaux du climat s'écharpaient sur la question de savoir si le projet final de l'accord du sommet devrait inclure un engagement à « éliminer » ou « réduire progressivement » le charbon. Depuis, ce dernier enregistre plutôt une hausse, stimulé par la guerre en Ukraine et les risques de pénurie d'énergie, aussi bien en Asie qu'en Europe ou aux Etats-Unis. Selon le think-tank Ember, la production d'électricité à partir de roche noire a ainsi augmenté d'environ 1% par rapport à l'année dernière.

Régler l'épineux dossier des « pertes et dommages »

Alors que les effets du dérèglement climatique se font déjà lourdement sentir dans certaines régions, la compensation financière de ces catastrophes naturelles subies par les pays les plus vulnérables promet d'être l'un des sujets majeurs de cette COP, qui sera d'ailleurs la première à se tenir sur le continent africain depuis 2016. Et pour cause, les terribles inondations en Pakistan, dont un tiers du territoire se trouvait sous les eaux entre juin et septembre, ou encore l'insécurité alimentaire aggravée par la multiplication des canicules, sécheresses et mégafeux en Afrique, placent cette question au centre des discussions. Cela concerne des pertes économiques, comme la destruction d'infrastructures, des routes, des écoles, mais aussi des pertes non économiques, comme la disparition de cultures, de territoires ou encore les déplacements migratoires forcés. « Ce sujet des pertes et préjudices a été mis pour la première fois sur la table il y a 30 ans. Cela désigne les conséquences irréversibles du changement climatique. Lorsque s'adapter ne sert plus à rien », expliquait il y a quelques jours à La Tribune Fanny Petitbon de l'ONG Care.

« On jugera du succès ou de l'échec de la COP27 sur un accord sur cette facilité de financement des pertes et dommages », a récemment affirmé Munir Akram, ambassadeur du Pakistan à l'ONU et président du G77+Chine, principal groupe de pays émergents et pauvres aux négociations climat.

« Un accord sur les pertes et dommages sera le principal test décisif pour la COP », a quant à lui déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU, lors de la pré-COP27, qui s'est tenue au début du mois d'octobre en République démocratique du Congo (RDC).

Cependant, les pays développés se montrent très réticents à cette idée, et à la COP26, seule la création d'un « dialogue », prévu jusqu'en 2024, avait été approuvée. « Nous sommes ouverts à [en] discuter », a ainsi réaffirmé ce vendredi savoir la Présidence de la République. Néanmoins, le gouvernement se montre circonspect sur la question d'un mécanisme de financement supplémentaire. « Ce sont des solutions qu'il faut trouver, et pas un nouveau fonds  », oppose-t-on à l'Elysée, où l'on préfère axer sur la « prévention » et la « résilience » afin de réduire en amont les préjudices liés aux catastrophes climatiques. Et d'ajouter que « l'argent, en fait, il existe déjà dans d'autre fonds ».

Honorer la promesse d'aide financière aux pays pauvres

En effet, ces éventuels financements viendraient s'ajouter aux 100 milliards de dollars par an promis pour aider les Etats moins développés à baisser leurs émissions de gaz à effet de serre et s'adapter aux effets du dérèglement climatique. Or, même cet engagement, décidé en 2009 et censé être mis en œuvre dès 2020, est encore loin d'être tenu. En effet, ce montant a plafonné à 83,3 milliards cette année-là, selon le dernier bilan de l'OCDE et l'objectif devrait désormais être atteint en 2023 seulement. Trop tard, et surtout trop peu, dénoncent les plus pauvres, quasiment pas responsables du réchauffement mais sur la ligne de front de ses effets dévastateurs.

« Quand on regarde le taux de décaissement du Fonds verts pour le climat, on n'est même pas à 1/3 », reconnaît-on à l'Elysée.

Pour autant, la France assure se trouver « en première ligne » dans la « solidarité avec les pays pauvres et les pays émergents » dans le cadre du « contrat Nord-Sud » proposé par le président Macron à l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, promettant de nouvelles annonces d'aides lors de la COP27. Le gouvernement compte aussi « plaider » auprès des autres Etats membres du G7, et notamment les Etats-Unis, pour qu'ils tiennent leurs propres engagements financiers sur la solidarité.

De son côté, la Commission européenne affiche sa volonté d'accélérer. « Nous travaillerons de concert avec les pays développés pour faire en sorte qu'ils doublent les fonds alloués aux mesures d'adaptation d'ici à 2025 par rapport aux niveaux de 2019 et qu'ils augmentent leurs contributions au financement de l'action climatique de façon à atteindre l'objectif annuel de 100 milliards de dollars, auquel l'UE a contribué en 2021 à hauteur d'environ 23,04 milliards de dollars - soit une contribution constante de loin la plus importante. [...] Désormais, il incombe à d'autres pays donateurs d'intensifier leurs efforts en vue de combler le déficit actuel », affirme l'exécutif bruxellois dans un communiqué publié ce vendredi.

Affirmer le rôle central des puits de carbone

Une chose est sûre : dans les pays pauvres comme ailleurs, la dérèglement climatique entraînera de nombreux impacts. Selon le scénario central de l'Agence internationale de l'Energie publié fin octobre, les émissions mondiales de CO2 plafonneraient à 37 milliards de tonnes en 2025, puis descendraient à 32 milliards de tonnes en 2050, ce qui augmenterait d'environ 2,5 degrés d'ici à 2100 des températures moyennes. Ce qui serait « loin d'être suffisant pour éviter des conséquences climatiques sévères », rappelle l'organisation.

Dans ces conditions, il s'agira de reconnaître le « rôle de la biodiversité » dans l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, explique-t-on à l'Elysée. et notamment celui des puits de carbone, comme les forêts, lesquelles absorbent de grandes quantités de CO2. Le sujet fera même partie des « priorités », avec des annonces attendues sur « la grande muraille verte au Sahel » et la relance du « partenariat sur les forêts ».

« Ces questions auront toute leur place à cette COP, et il y aura un moment clé de l'agenda là-dessus », avant la COP15 sur la biodiversité prévue à la fin de l'année, souligne un conseiller.

L'élection de Lula à la tête du Brésil est à cet égard, s'agissant de la préservation de l'Amazonie, « un signal extrêmement positif », estime-t-on au gouvernement.

Surmonter le contexte géopolitique

Pour déboucher sur de vraies avancées sur ces sujets, il faudra néanmoins que les pays se mettent à la table des négociations. Or, les tensions semblent plus prégnantes que jamais entre les deux plus grands pollueurs mondiaux, la Chine et les Etats-Unis, qui s'étaient pourtant engagés à Glasgow à tenir les négociations sur le climat à l'écart de leurs rivalités. D'autant que les rancœurs de certains Etats moins développés pourraient venir aggraver ces divisions. De fait, la réticence des pays du Nord à soutenir financièrement les régions les plus affectées par le changement climatique, auquel elles ont pourtant peu contribué, risque de tendre le dialogue. Et ce, alors même que la course de l'Europe au gaz naturel liquéfié, acheminé des quatre coins du monde pour remplacer ses livraisons en provenance de Russie, plonge dans le noir plusieurs pays incapables de surenchérir...

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