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COP 27 : 1,5 °C, pertes et préjudices, adaptation… Le détail des principales décisions adoptées à Charm el-Cheikh

21/11/2022

COP 27 : 1,5 °C, pertes et préjudices, adaptation… Le détail des principales décisions adoptées à Charm el-Cheikh

Le président de la COP 27, Sameh Choukri, applaudi à l'issue de la conférence, le 20 novembre 2022 Flickr - UN Climate change

La COP 27 s’est achevée dimanche 20 novembre 2022 au petit matin par un résultat contrasté : percée "historique" sur les pertes et préjudices, mais recul sur l’ambition en matière d’atténuation (lire sur AEF info). Voici le détail des décisions prises par les 194 parties à l’accord de Paris et qui posent un certain nombre de jalons jusqu’à la prochaine COP, qu’organiseront les Émirats arabes unis à Dubaï en novembre-décembre 2023.

PLAN DE MISE EN ŒUVRE DE CHARM EL-CHEIKH

  • 1,5 °C

La décision principale, dite "chapeau", est baptisée "plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh". Elle réaffirme les objectifs fixés par l’accord de Paris. À savoir contenir le réchauffement climatique nettement en dessous de 2 °C et poursuivre les efforts pour limiter la hausse de températures à 1,5 °C par rapport aux températures préindustrielles, "reconnaissant que cela réduirait de manière significative les risques et les impacts liés au changement climatique" sur la base des connaissances apportées en la matière par le Giec en 2018 (lire sur AEF info).

Elle "reconnaît" que limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C requiert "des réductions rapides, fortes et soutenues" dans le but de parvenir à réduire les émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre de 43 % entre 2019 et 2030 (alors qu’elles restent pour le moment sur une pente ascendante).

Elle "demande instamment" aux parties qui n’ont pas encore communiqué de nouvelles NDC (plans climat nationaux) ou de NDC mises à jour de le faire le plus vite possible en amont de la COP 28 de 2023. Elle appelle notamment à ce que les parties revisitent et renforcent leurs objectifs à 2030 afin de s’aligner sur les objectifs de températures contenues dans l’accord de Paris.

Est également demandé "instamment" aux parties qui ne l’ont pas fait de publier leur stratégie de long terme, à horizon 2050. Charge ensuite au secrétariat de la Ccnucc de rédiger un rapport de synthèse qui sera examiné lors de la COP 28. Plus largement, ces stratégies devront par la suite être régulièrement mises à jour, "de manière appropriée" selon "les meilleures données scientifiques disponibles". La décision note enfin "l’importance" d’aligner les NDC sur les objectifs des stratégies de long terme.

  • Biodiversité

À quelques semaines de la COP 15 sur la diversité biologique (7 au 19 décembre 2022 à Montréal), la décision souligne l’importance de "protéger, conserver et restaurer la nature et les écosystèmes pour atteindre les objectifs de température de l’accord de Paris, via les forêts et les autres écosystèmes terrestres et marins agissant comme des puits et réservoirs de gaz à effet de serre et en protégeant la biodiversité, tout en assurant des garanties sociales et environnementales".

  • Énergie

Sur l’énergie, le texte "souligne" le "besoin urgent de réductions immédiates, profondes, rapides et soutenues des gaz à effet de serre des parties dans tous les secteurs, notamment via la hausse du recours aux énergies renouvelables, la transition énergétique juste, les partenariats et autres actions coopératives".

Il "reconnaît" aussi que "la crise mondiale de l’énergie, sans précédent, souligne l’urgence de transformer rapidement les systèmes énergétiques pour devenir plus sûrs, fiables et résilients, en accélérant les transitions propres et justes vers les énergies renouvelables durant cette décennie importante de l’action".

Le troisième paragraphe sur l’énergie est plus controversé. S’il souligne "l’importance d’augmenter le mix d’énergie propre", il y inclut les énergies propres mais aussi "les énergies basses émissions" afin de "diversifier les systèmes et mix énergétiques, en cohérence avec les circonstances nationales et en reconnaissant le besoin de soutien vers les transitions justes".

La décision "appelle" aussi les parties à "accélérer la mise au point, le déploiement et la diffusion de technologies, et l’adoption de politiques, pour assurer la transition vers des systèmes énergétiques à faibles émissions". Notamment en "intensifiant rapidement le déploiement de la production d’énergie propre et des mesures d’efficacité énergétique, y compris en accélérant les efforts en vue de la réduction progressive de l’énergie produite à partir du charbon sans disposition de réduction d’émission ('unabated') et des subventions inefficaces aux énergies fossiles". Le plan s’en tient ainsi à un "copié-collé" du pacte de Glasgow tandis que plusieurs délégations appelaient à aller au-delà. En milieu de COP, l’Inde avait notamment proposé d’inscrire dans la décision finale la réduction progressive de l’ensemble des énergies fossiles. Une proposition plus ambitieuse et une manœuvre également pour elle de ne plus mettre uniquement la pression sur les grands émergents fortement dépendants du charbon, mais également sur les pays développés, dépendants davantage du pétrole et du gaz.

  • Adaptation

En matière d’adaptation, la décision "demande instamment aux parties d’adopter une approche transformationnelle pour relever leur capacité d’adaptation, renforcer leur résilience et réduire les vulnérabilités au changement climatique".

Le texte "demande également instamment aux pays développés d’augmenter significativement et en urgence la mise à disposition de financements climat, transferts technologiques et renforcement de capacité pour l’adaptation afin de répondre aux besoins des parties en développement et ce, dans le cadre d’un effort mondial, incluant la rédaction et la mise en œuvre de plans nationaux d’adaptation et de communications d’adaptation".

Il demande aussi au comité permanent du financement de la Ccnucc de préparer un rapport sur l’engagement de doubler les financements dédiés à l’adaptation entre 2019 et 2025. Ces derniers devraient ainsi passer de 20 Md$ à 40 Md$.

  • Transition juste

La décision évoque la mise en place d’un programme de travail sur la transition juste, ainsi que l’organisation annuelle d’une table ronde ministérielle de haut niveau sur le sujet à compter de la prochaine COP.

  • Financements

En matière de financements, la décision chapeau "exprime de sérieuses inquiétudes" au sujet de l’objectif de 100 Md$ que les pays développés doivent chaque année fournir aux pays en développement, mais qui n’a pas été atteint depuis 2020. Et "presse" les pays développés de le respecter, mais sans mentionner de délais.

Surtout, la décision lance le "dialogue de Charm el-Cheikh entre les parties, organisations pertinentes et parties prenantes sur l’article 2 paragraphe 1.c de l’accord de Paris et sa complémentarité avec l’article 9" du même traité. Les deux articles sont relatifs aux financements, l’article 2.1.c visant à rendre les flux financiers "compatibles" avec les objectifs de l’accord de Paris. Au début de la COP, l’Union européenne souhaitait inscrire ce sujet à l’agenda de la conférence, sans y parvenir.

La décision contient également un alinéa sur l’article 6 de l’accord de Paris (voir plus bas). Et plusieurs paragraphes sur les transferts de technologies et le renforcement des capacités, la transparence (en rappel des premiers rapports d’inventaire nationaux et des rapports bisannuels de transparence attendus d’ici au 31 décembre 2024), la biodiversité (océans, forêts) et l’action des acteurs non étatiques.

PERTES ET PRÉJUDICES ET RÉSEAU DE SANTIAGO

  • Pertes et préjudices

Le texte prévoit la mise en place d’arrangements financiers afin d’assister les pays en développement les plus vulnérables, dont un fonds sur les pertes et préjudices, attendu depuis le début des années 1990 par les petits États insulaires notamment, appuyés ensuite par le G77 et la Chine.

Un comité transitionnel est chargé de l’opérationnalisation de ce fonds, d’ici à la COP 28. Il se compose de quatorze représentants des pays en développement (1) et de dix représentants des pays développés, chargés notamment d’examiner les fossés qu’il reste à combler en matière d’accès rapide aux financements.

Les financements qui abonderont ce fonds pourront être "étendus", ce qui ouvre la voie à l’élargissement de la base des pays donateurs, et "innovants", permettant donc d’élaborer plusieurs pistes dont celle de la taxation des secteurs aérien et maritime et des entreprises liées aux énergies fossiles. Le secrétariat de la Ccnucc est d’ailleurs chargé de rédiger un rapport de synthèse sur les arrangements financiers existants et les "sources innovantes pertinentes" qui pourraient être mobilisées pour répondre aux pertes et préjudices.

  • Réseau de Santiago

Une deuxième décision relative aux pertes et préjudices permet d’opérationnaliser le réseau de Santiago, créé lors de la COP 25 de 2019. Un conseil consultatif ("advisory board") est notamment créé, indépendant du comité exécutif du mécanisme de Varsovie sur les pertes et préjudices, chargé d’apporter un soutien technique aux pays particulièrement vulnérables face aux pertes et préjudices. Le site hôte du secrétariat de ce conseil sera désigné l’an prochain, à la COP 28.

PROGRAMME DE TRAVAIL SUR L’ATTÉNUATION

Le texte de décision adopté confirme que l’objectif du programme de travail résultant de Glasgow "doit être de renforcer l’ambition en matière d’atténuation et de mise en œuvre en cette décennie cruciale", de manière à "compléter" le bilan mondial, dont la première édition se tiendra en 2023 lors de la COP 28 de Dubaï.

Il est décidé que le programme de travail se prolongera jusqu’en 2030, ce que souhaitait l’Union européenne à la différence de la Chine par exemple, qui le voulait plus court, d’une à deux années. Ce programme sera le lieu d’échange de points de vue, d’informations et d’idées, et ses résultats seront "non prescriptifs, non punitifs, facilitateurs, respectueux de la souveraineté nationale et des circonstances nationales". Le programme de travail devra aussi prendre en compte "la nature nationalement déterminée des contributions nationalement déterminées [NDC]" et le fait qu’il "n’imposera pas de nouveaux objectifs ou de nouvelles cibles". Certaines délégations dont celle de l’Union européenne craignent ainsi un manque d’ambition et l’organisation de simples ateliers de discussion.

Il est également indiqué que le programme de travail doit fonctionner de manière à être "cohérent avec les procédures et les échéances de communication des NDC successives, telles que prévues par l’accord de Paris". Cela signifie donc que le programme de travail n’aura pas d’influence sur le rythme de dépôt des NDC tel que celui fixé dans l’accord de Paris : tous les cinq ans. Ce qui diffère du pacte de Glasgow, qui évoquait en cas de besoin ou de possibilité la remise de NDC chaque année et une évaluation annuelle des NDC à disposition par le secrétariat de la Ccnucc.

OBJECTIF MONDIAL D’ADAPTATION

Le texte adopté à Charm el-Cheikh décide de lancer la mise en œuvre d’un cadre pour l’objectif mondial sur l’adaptation, lequel devra être formellement adopté lors de la COP 28 de Dubaï (novembre – décembre 2023). Il prendra en considération plusieurs dimensions (impact, vulnérabilité et évaluation du risque, planification ; mise en œuvre ; finance ; renforcement de capacités ; transfert de technologie ; suivi et évaluation) et thèmes (eau ; nourriture et agriculture ; villes, installations et infrastructures clés ; santé ; pauvreté et moyens de subsistance ; écosystèmes terrestres et d’eau douce ; écosystèmes côtiers et océaniques). Et contiendra différents indicateurs, métriques et cibles fondés sur la science et tiendra compte de multiples sources d’information (dont les rapports et communications des parties, rapports les plus récents du Giec, des organes subsidiaires ou d’autres, soumissions volontaires des parties…).

En 2023, quatre ateliers du programme de travail sur l’objectif mondial d’adaptation auront lieu dont le premier en mars et le dernier au moins six semaines avant le début de la COP 28. Le rapport de synthèse de ces ateliers devra être publié au moins trois semaines avant le début de la conférence de Dubaï.

À noter également que la décision invite le Giec à "considérer la révision de ses lignes directrices techniques datant de 1994 relatives à l’évaluation des impacts du changement climatique et de l’adaptation dans le cadre de son septième rapport d’évaluation, si cela est approprié".

FINANCEMENTS POST-2025

Par quoi remplacer l’objectif de 100 Md$ par an de financements que chaque année les pays développés doivent verser aux pays en développement ? Si la discussion est déjà lancée (lire sur AEF info), elle doit se tenir jusqu’en 2024. Aussi, la décision adoptée à Charm el-Cheikh annonce la publication dans quatre mois, en mars 2023 d’un programme de travail. Celui-ci mentionnera notamment les thématiques examinées par les dialogues techniques d’experts qui devront se mettre en place l’an prochain.

Ces dialogues seront alimentés également par des contributions des parties, institutions financières, observateurs et autres parties prenantes issues "en particulier du secteur privé".

MARCHÉS CARBONES

Les décisions adoptées sont surtout procédurales, car les discussions doivent se poursuivre sur l’application des articles 6.2 (échanges de crédits carbone entre États), article 6.4 (échanges de crédits entre États et entreprises) et articles 6.8 (mécanismes ne relevant pas des marchés). Consultez les trois décisions :

Dans le détail, concernant l’article 6.2, l’un des points à suivre l’an prochain sera l’évolution des discussions portant sur la confidentialité des échanges de crédits carbone entre États. Concernant l’article 6.4, les recommandations visant à définir ce qui constitue une élimination du carbone "efficace" n’ont pu se conclure et seront retravaillées en 2023. Par ailleurs, les références aux droits indigènes ont été supprimées du texte à la dernière minute. Enfin, les inquiétudes quant au risque de double comptabilité de crédits carbone persistent.

BILAN MONDIAL

À un an du premier bilan mondial, fixé dans l’accord de Paris à 2023 soit deux ans avant la publication de nouvelles NDC, la décision technique et procédurale adoptée dans le cadre des organes subsidiaires SBI et SBSTA prévoit que les parties procèdent à une "consultation intersessions, sous une forme hybride, sur les préparatifs de l’examen du volet 'résultats' du premier bilan mondial en avril 2023".

Un atelier intersessions sera également organisé en présentiel, afin d’élaborer des éléments pour l’examen du volet "résultats" du premier bilan mondial en octobre 2023, et d’éclairer les travaux du groupe de contact (permettant aux parties d’échanger entre elles). La décision encourage par ailleurs les parties et autres acteurs non parties à organiser "des manifestations en appui au bilan mondial aux niveaux local, national, régional et international".

(1) Dont trois venant d'Afrique, trois de l'Asie et du Pacifique, trois de l'Amérique latine et des Caraïbes, deux des petits États insulaires, deux des pays les moins avancés et un membre de pays en développement n'appartenant pas à ces catégories.

www.aefinfo.fr

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