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Adaptation face au changement climatique : ce qu’il faut retenir du rapport de la Cour des comptes

15/03/2024

Adaptation face au changement climatique : ce qu’il faut retenir du rapport de la Cour des comptes

À Soulac-sur-Mer (Girond), le bâtiment Le Signal, détruit en février 2023, est devenu le symbole de l’érosion du trait de côte. | THOMAS BRÉGARDIS/ OUEST-FRANCE

Pour la première fois, la Cour des comptes consacre la quasi-totalité d’un rapport, publié ce mardi 12 mars, à l’adaptation face au changement climatique en France. Verdict ? Peut largement mieux faire ! Voici les principaux enseignements à tirer de ce document de 725 pages.

Non, tout n’est pas perdu dans le combat à mener face au changement climatique. La preuve, toutes les institutions ont conscience de l’urgence de la situation. Y compris la Cour des comptes qui, pour la première fois, consacre un rapport au défi de ce siècle.

Plus que sur la limitation des émissions des gaz à effet de serre, la somme de 725 pages, publiée ce mardi 12 mars 2024, se penche sur les adaptations à mener. Si le rapport reconnaît une « réelle prise de conscience », il pointe une stratégie générale encore floue et réclame une vraie planification et des chiffrages clairs.

L’enjeu est de taille, rappelle la Cour des comptes, tant cette adaptation va modifier nos vies « dans leurs aspects les plus essentiels : l’alimentation, le logement, les transports, les loisirs, etc. »

Coup de chaud sur la santé

Alors que les vagues de chaleur, qui ont des « effets importants » notamment sur les personnes âgées et les sans-abri, vont devenir « plus fréquentes, intenses et longues », la Cour estime que « des mesures vigoureuses doivent être prises pour préserver la santé des personnes vulnérables ».

Elle regrette que l’impact sanitaire des vagues de chaleur soit trop souvent mesuré « via les seules données de mortalité, et trop peu sous l’angle de leurs conséquences sur la santé ».

Ses recommandations ? Obtenir une meilleure connaissance des conséquences des vagues de chaleur sur la santé des personnes vulnérable ; développer une base de données pour mieux connaître la situation sanitaire des personnes sans domicile fixe ; élaborer, via l’Agence nationale de sécurité du médicament, une liste des médicaments d’intérêt en cas de vague de chaleur et la diffuser systématiquement aux professionnels de santé ; réaliser un inventaire du parc immobilier des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux pour évaluer son adaptation aux vagues de chaleur.

Des logements majoritairement inadaptés

L’immobilier, parlons-en ! Les politiques publiques, notamment la fameuse MaPrimeRénov’, sont tournées depuis une dizaine d’années vers la rénovation énergétique et thermique des logements afin de réduire et la facture énergétique et les émissions de gaz à effet de serre.

Et les pics de chaleur ? Et le retrait-gonflement des sols argileux qui fragilise les fondations de l’habitat ? Et les inondations ?, interroge la Cour des comptes pour qui les mesures d’adaptation des logements restent « rares » et les aides publiques inadaptées.

Adapter les logements dans leur globalité devrait au contraire être une priorité publique, estiment les magistrats qui appellent à faire émerger des « solutions techniques efficaces et soutenables », notamment financièrement, et à incorporer les travaux de protection solaire aux dispositifs d’aides à la rénovation.


Pour lutter contre les îlots de chaleur, les municipalités aménagent des coulées vertes, fontaines et jardins comme ici à Rennes. | ARCHIVES MARC OLLIVIER/OUEST-FRANCE

Des villes à la traîne

S’il n’y avait que les logements… Plus généralement, les villes sont à la traîne du défi climatique avec des îlots de chaleur qui transforment, l’été, les villes en fournaises. Une vulnérabilité particulièrement prononcée à Paris, capitale européenne « la plus exposée en cas de canicule ».

La Cour des comptes salue, dans son rapport, les efforts de végétalisation portés par certaines villes tout en regrettant l’adoption tardive de stratégies d’adaptation au changement climatique. Des stratégies mal fagotées, souvent basées sur des diagnostics incomplets, « qui ne prennent pas assez en compte les effets du changement climatique », ou manquent de données scientifiques.

Elle appelle à davantage de coordination entre les différents acteurs, dont les communes ainsi qu’à une vraie programmation financière des dépenses d’adaptation. Un exemple ? La Commission européenne a proposé, en 2023, au moins 10 % de « couvert arboré » dans les villes d’ici à 2050. Cela représenterait en France « un investissement total de 3,6 milliards d’euros pour planter 2,4 millions d’arbres, soit un coût annuel de 360 millions d’euros », selon la Cour, qui juge cet effort « soutenable ».

Nucléaire, barrage, électricité… Des réseaux fragilisés

Les centrales nucléaires représentent le troisième poste de consommation d’eau en France (12 % de la consommation totale), après l’agriculture (58 %) et l’eau potable (26 %). Rien d’étonnant à ce qu’elles soient particulièrement fragilisées par les sécheresses de plus en plus fréquentes, qui les obligent à se mettre à l’arrêt.

La Cour demande donc des investissements supplémentaires pour adapter au réchauffement les centrales nucléaires mais aussi les barrages, exposés aux crues exceptionnelles et aux glissements de terrain, et le réseau de distribution d’électricité français, particulièrement vulnérable. Cela passera, par exemple, par un accroissement « des capacités d’entreposage » des centrales ou encore l’installation de tours aéroréfrigérantes - à 500 millions d’euros l’unité - dans les centrales dont la période de vie sera rallongée, afin de « réduire les températures de réchauffement des rivières ».


Un employé passe devant un réacteur nucléaire et des tours de refroidissement à la centrale nucléaire du Bugey, à Saint-Vulbas, dans l’Est, le 24 juillet 2023. | EMMANUEL DUNAND/AFP

Le rail dans le dur

En 2022, les aléas météorologiques ont engendré 19 % des minutes de retard imputables à SNCF Réseau. « Ces perturbations pourraient être multipliées a minima par 2,2 voire 2,4 à l’horizon 2050 et par 8, voire 11 à l’horizon 2100 », met en garde la Cour des comptes.

La SNCF est-elle prête à faire face ? Les outils actuels - Toutatis, pour anticiper les aléas liés aux fortes pluies, Metigate pour prévoir la température du rail et les risques de dilatation - ne permettent pas de « modéliser les effets du changement climatique », prévient la Cour des comptes. Elle préconise donc d’intégrer les prévisions climatiques « dans les normes et référentiels nationaux de conception des composantes du réseau ferroviaire et des gares », notamment face à la « vétusté » de certaines infrastructures comme les voies, soumises à un risque de déformation en cas de fortes chaleurs ou de ruptures des rails lors des périodes de grand froid.

Prendre en compte l’érosion côtière

L’érosion côtière grignote 20 % des côtes françaises. Mais pour l’heure, le problème est loin d’être pris à bras-le-corps. Qui est menacé ? Quels financements seront nécessaires ? La Cour des comptes appelle à lever le flou en prenant mieux en compte cette érosion « dans les politiques d’aménagement du territoire », en planifiant notamment les relocalisations de logements et d’activités menacés.

Combien cela va-t-il coûter ? Si les dépenses annuelles de l’État dans ce domaine sont passées de 14 millions d’euros en 2021 à 48,2 millions en 2023, les coûts futurs sont « fondamentalement incertains », prévient la Cour des comptes.

Elle plaide pour la création d’un dispositif de financement de la gestion publique du trait de côte, notamment un « fonds de solidarité côtière ». Ce ne sera pas du luxe, les coûts d’ici à 2050 pourraient atteindre les dizaines de milliards d’euros sur la façade atlantique où l’érosion côtière pourrait atteindre des niveaux « parmi les plus importants d’Europe ».

Trop de cerfs dans les forêts

La Cour des comptes juge « insuffisant » le soutien public à la recherche sur l’adaptation de la forêt au changement climatique. Elle pointe notamment du doigt les ravages provoqués par les cervidés. « En 1973, le plan de chasse national pour les cerfs portait sur 2 339 individus. Ce nombre est passé en 2021 à 108 438 », relève la Cour des comptes, qui plaide pour « une meilleure régulation » par les chasseurs mais aussi les opérateurs publics.

Enfin, l’institution appelle à des « regroupements forestiers » pour « améliorer l’efficacité de la gestion des forêts privées » et à un soutien renforcé aux communes forestières.

ouest-france

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