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Agriculture biologique : l'Itab réaffirme ses bénéfices environnementaux et sanitaires

04/07/2024

Agriculture biologique : l'Itab réaffirme ses bénéfices environnementaux et sanitaires

La multifonctionnalité des sols est toujours renforcée par l'agriculture biologique, bien que davantage dépendante des processus biologiques.    © William

Huit ans après un premier l'état de l'art, l'Itab réactualise et confirme les avantages environnementaux et sanitaires de la bio. L'étape suivante serait de les valoriser économiquement face aux coûts cachés de l'agriculture conventionnelle.

Face au désamour de la filière, comment l'agriculture biologique peut-elle renforcer son attractivité économique ? « Tant que nous n'aurons pas réglé la question de son véritable coût, nous resterons désarmés et nous ne pourrons obtenir des politiques à la hauteur », insiste l'économiste Cécile Détang-Dessendre, directrice générale adjointe de l'Institut national de recherche agronomique (Inrae). Ce « véritable coût », auquel cette dernière fait référence, concerne celui qui s'attacherait à prendre en compte la valeur des externalités positives de la bio, d'une part, en opposition aux « coûts cachés » de l'agriculture conventionnelle, d'autre part.

Climat, sols, biodiversité : 3-0 pour la bio

Le 10 juin, plusieurs chercheurs de l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab) ont tenté d'y répondre à travers la publication d'un nouvel état de l'art sur les externalités de l'agriculture biologique. Ce travail, actualisant une première analyse commanditée en 2016 par Stéphane Le Foll, alors ministre de l'Agriculture, s'est appuyé sur près de 800 articles scientifiques. Résultat ? L'ensemble des externalités demeurent positives, en comparaison à celles de l'agriculture conventionnelle.

« Hormis leur rendement, la multifonctionnalité des sols est toujours renforcée par l'agriculture biologique, bien qu'elle se retrouve davantage dépendante des processus biologiques », esquisse par exemple Eva Lacarce, agronome à l'Itab, dans une synthèse (1) présentée le 25 juin à Paris. En moyenne, les sols cultivés en bio comportent, notamment, 35 % de matière organique de plus qu'en non-bio. Tandis, qu'à l'inverse, les pertes en nitrates (qui engendrent une pollution des milieux lorsqu'ils ne sont pas absorbés par les plantes) sont réduites de 30 à 60 %. Et ce, grâce à l'emploi de fertilisants organiques, la pratique de rotations longues ou encore l'absence de pesticides de synthèse – malgré un travail accru des sols en retour.

À l'échelle mondiale, les parcelles exploitées en bio comportent une abondance et une richesse spécifique respectivement de 32 % et 23 % supérieures à celles en agriculture conventionnelle

Bastien Dallaporta, Itab

Même chose en matière de biodiversité. « À l'échelle mondiale, les parcelles exploitées en bio comportent une abondance et une richesse spécifique respectivement de 32 % et 23 % supérieures à celles en agriculture conventionnelle », atteste Bastien Dallaporta, spécialiste de l'évaluation environnementale à l'Itab. Si la bio a tendance à renforcer la présence de plantes adventices, elle rend néanmoins des services écosystémiques de pollinisation, de régulation des ravageurs ou de décomposition.

Concernant les externalités climatiques, l'absence de bilan carbone à l'échelle de parcelles individuelles rend la quantification plus ardue. Cela étant, la bio permet a priori de réduire les émissions de gaz à effet de serre : de protoxyde d'azote (N2O), en employant moins de fertilisants et d'engrais azotés (dont la fabrication n'est par ailleurs pas neutre) ou de méthane (CH4), en préférant des rations céréalières plutôt que du fourrage pour l'élevage. Mais un soutien sans borne à l'agriculture biologique ne serait pas sans conséquence, selon Bastien Dallaporta. « Pour maintenir la même offre alimentaire à l'échelle mondiale uniquement grâce à la bio, il faudrait compenser son plus faible rendement par une augmentation de surfaces cultivées, ce qui entraînerait de la déforestation et des retournements de prairies déstockant du dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Transformer nos pratiques agricoles nécessite aussi d'agir sur la demande alimentaire. D'autant que le régime bio est souvent plus végétalisé. »

Un régime bio, un corps sain

Qu'en est-il des conséquences sur la santé d'un tel régime alimentaire, en comparaison aux produits issus de l'agriculture conventionnelle ? Les dernières études analysées par l'Itab s'accordent sur un certain nombre de bénéfices : réduction du risque de cancer par 25 %, de surpoids ou d'obésité par 40 à 50 %, mais également de diabète de type 2. L'effet d'un apport plus conséquent en « nutriments anti-inflammatoires et antioxydants, en vitamines, en minéraux et en acides gras oméga-3 », résume Fanny Cisowski, spécialisée dans le contrôle qualité à l'Itab.

Une meilleure composition nutritionnelle qui va également de pair avec une baisse des risques sanitaires. Du côté des produits bruts, environ un aliment non bio sur deux comporte des traces de pesticide à l'échelle européenne, contre un sur six en bio. De fait, 294 substances actives restent homologuées en Union européenne, dont 71 pour l'agriculture biologique. Même du côté des aliments transformés, pour ce qui est de l'utilisation d'additifs ou d'auxiliaires, l'Europe autorise dix fois moins de ces produits en bio qu'en non-bio. « Et elle exclut les organismes génétiquement modifiés (OGM), les colorants, les exhausteurs de goûts, les émulsifiants, les édulcorants ou les nanoparticules, complète Fanny Cisowski. Ce qui limite mathématiquement les risques d'effet cocktail en bio. »

L'Itab continue cependant de rencontrer des difficultés, en parcourant la littérature scientifique, à évaluer les effets sanitaires spécifiques des adjuvants et coformulants (qui accompagnent la substance active dans les pesticides), des effets cocktail et perturbateurs endocriniens des produits phytosanitaires. Ces derniers n'en demeurent pas moins intimement liés aux risques pathologiques professionnels observés chez les pratiquants de l'agriculture conventionnelle : lymphomes non hodgkiniens, maladies de Parkinson, cancers de la prostate, etc.

Donner à la bio sa vraie valeur

Pourtant, ces différences persistantes entre les deux modèles agricoles – et le nombre d'entre elles favorables à la bio – ne se traduisent toujours pas économiquement. « Du fait de son plus faible rendement, la bio ne peut prétendre à une quelconque égalité dans la négociation de ses prix », constate Cécile Détang-Dessendre. En moyenne, en France, les aliments bios se vendent 25 à 30 % plus chers que ceux issus de l'agriculture conventionnelle.

Cela étant, en 2021, un rapport (2) de la Fondation Rockfeller estimait le coût annuel des dépenses alimentaires aux États-Unis à 1 000 milliards de dollars et celui de leurs « coûts cachés » à 2 000 milliards. Or, ceux-ci couvrent essentiellement des dépenses de santé et en atteintes à l'environnement (principalement en comptabilité carbone), davantage impactées par l'agriculture conventionnelle. Ne serait-ce que pour les pesticides, le secteur rapporterait chaque année 0,9 milliard de dollars à l'échelle mondiale, mais en coûterait 1,2 milliard. Dans ces domaines, la bio a donc un avantage certain. Et l'économiste de recommander : « Il faut absolument rendre visible les externalités positives de la bio sur l'environnement et la santé, pour leur donner une valeur et les intégrer dans le facteur prix. »

1. Consulter la note de l'ITAB

2. Consulter le rapport

Félix Gouty / actu-environnement



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