Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du
Sud-Ouest
Les Actualités
PNACC3 : "Mobiliser d'abord les collectivités, ensuite dégager les moyens"
22/11/2024
Pascal Berteaud, directeur du Cerema
Une semaine après la présentation du troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC3) par Michel Barnier, quelles actions concrètes se mettent en place sur le terrain pour préparer les collectivités au dérèglement climatique ? Réponse avec Pascal Berteaud, directeur du Cerema.
Quelle a été votre réaction à la lecture du PNACC3 ?
Nous vivons un vrai tournant dans la politique autour du climat. C’est la première fois qu’un gouvernement nous dit d’enlever nos œillères car le monde à +4°C est inévitable. D’ailleurs, je tiens à rappeler que ce +4°C est un minimum, si et seulement si tous les pays tiennent leurs engagements.
Une fois ce courage politique pris, on découvre le PNACC3, qui liste tous les points à traiter, sans véritable surprise. Le document incite tout le monde à s’occuper dès aujourd’hui du dérèglement climatique, et c’est une bonne chose. En revanche, à aucun moment il n’est question des moyens financiers alloués par l’Etat. Forcément, je comprends les critiques et les inquiétudes, mais du point de vue du Cerema, aujourd’hui, ce n’est pas encore essentiel. Nous devons dans un premier temps nous mobiliser avec les collectivités et bâtir des projets d’adaptation. Ensuite, quand les projets seront prêts, il faudra dégager les moyens nécessaires.
Lors de la présentation du PNACC3, le gouvernement a précisé le rôle d’accompagnateur des territoires du Cerema. Quelles actions allez-vous mettre en place ?
Nous avons déjà lancé un appel à partenaires sur l’adaptation des collectivités aux +4°C. Les travaux ont débuté avec une trentaine d’entre elles, pour trouver aujourd’hui les solutions d’adaptation aux climats qu’elles subiront dans trente ans. Nous abordons notamment le bâtiment, la mobilité et l’infrastructure. Par exemple, le dimensionnement des routes se fait avec des cailloux et de la colle en fonction de l’hygrométrie et de la température, paramètres qui changent fondamentalement avec le dérèglement climatique. Il faut alors réfléchir à de nouvelles manières de construire. Et ce n’est qu’un sujet parmi beaucoup d’autres !
Au titre du PNACC3, nous allons mettre en place des référents dans les territoires pour les aider dans la construction de leur démarche d’adaptation, ce sera la mission adaptation, conjointe avec d’autres organismes, l'Ademe notamment. Nous allons également lancer le service SOS Adaptation. Ce service sera lancé à l’instar de SOS Ponts, pour prendre par la main les collectivités qui veulent s’adapter mais qui ne savent pas comment faire ni par quoi commencer. Peu de gens se rendent vraiment compte du nombre de collectivités démunies face à ces sujets, y compris parfois celles qui comptent 100 000 habitants. Elles manquent cruellement de compétences et de ressources en interne.
" Nous allons prendre par la main les collectivités qui veulent s'adapter mais qui ne savent pas comment s'y prendre "
Pour pallier ce manque, nous avions lancé il y a quelques temps la plate-forme expertise - territoires, pour mettre en relation les collectivités entre elles. Si un ingénieur à Lorient a un problème concernant par exemple le recul de trait de côte, il peut parler à son homologue à La Rochelle ou à Biarritz. Ce partage de connaissances est très précieux et le service tout autant puisque nous avons aujourd’hui plus de 16 000 membres. Ce qui prouve le besoin énorme des collectivités.
Justement, ne craignez-vous pas d’être dépassés humainement et techniquement par les demandes d’accompagnement des collectivités ?
Nous sommes effectivement face à un dilemme. D’un côté, les demandes vis-à-vis du Cerema explosent, et de l’autre, les dotations de l’Etat n’arrêtent pas de baisser. En 2014, à la création du centre, nous recevions 225 M€ de dotations et générions environ 20M€ de recette propre. Aujourd’hui, nous percevons 190€ de l’Etat et 75 M€ de recette propre. Clairement, nous avons bien travaillé ! Mais même les grands arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel.
Pour autant, cela ne nous empêche pas d’agir et de redéployer des moyens, en réorganisant les missions de nos équipes. En 2020, nous avions entamé un plan de restructuration, passant de 66 pôles à 21 secteurs d’activités, recentrés majoritairement sur les sujets d’adaptation tels que les fortes chaleurs, la submersion, les phénomènes de retrait-gonflement d’argiles (RGA). Nous continuons d’ailleurs à monter en compétences sur ces thématiques grâce aux études que nous menons. Aujourd’hui, par exemple, nous travaillons sur un process de récupération des eaux de pluie en toiture de maison pour réinjecter dans les fondations et éviter l’effondrement. Nous espérons une mise en œuvre opérationnelle dès 2026. Ces travaux de recherche s’étalent sur des temps longs mais sont une brique fondamentale dans notre accompagnement aux populations.
Qu’attendez-vous du PNACC3 ?
Qu’il consacre une prise de conscience générale sur l’adaptation. Il y a encore six ans, les gens levaient les yeux au ciel quand vous parliez de ces sujets. Quand chacun se sera bien mobilisé et que les projets seront établis, la question financière sera enfin posée. S’il y a une pression politique forte, si l’engagement est massif et conséquent, alors les arbitrages politiques se feront.