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Le Parlement européen ouvre la voie aux 44 tonnes et aux mégacamions

14/03/2024

Le Parlement européen ouvre la voie aux 44 tonnes et aux mégacamions

Des camions de 44 tonnes pourraient bientôt circuler sur les routes européennes.    © Björn Wylezich - stock.adobe.com

Les eurodéputés se sont prononcés, ce mardi 12 mars, en faveur d'une révision des gabarits des camions autorisés à circuler au sein de l'Union. Une évolution soutenue par les pays de l'Est et du Nord, mais qui passe assez mal en France.

En France, la proposition par la Commission européenne d'une révision de la directive sur les poids et dimensions des camions avait suscité une forte opposition, jusque dans les rangs des eurodéputés du groupe Renew comme Dominique Riquet. Mais face aux soutiens des pays du Nord et de l'Est, de l'Allemagne et même de l'Espagne, la position hexagonale avait peu de chance de peser suffisamment. Par 330 voix pour, face à 207 contre et 74 abstentions, le Parlement européen a donc voté en début d'après-midi, ce mardi 12 mars, en faveur d'un texte autorisant le passage des poids lourds à 44 tonnes au lieu 40 tonnes pour le transport international et la circulation des mégacamions – jusqu'à 60 tonnes et 25 mètres de long – dans les espaces transfrontaliers.

À condition toutefois, pour ces derniers, que le pays permette déjà leur passage sur son territoire, ce qui n'est pas le cas de la France, ou qu'un accord soit passé entre les deux pays. Avant d'autoriser ces « European Modular System » (EMS), les États membres devront par ailleurs « procéder à une évaluation préalable des nouveaux itinéraires, de leur impact possible sur la sécurité routière, les infrastructures, la coopération modale, le transfert modal et l'environnement », précise le texte.

Une appréhension divergente des enjeux

La France redit son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des mégatrucks ” - Patrice Vergriete, ministre des Transports

Pour les eurodéputés, cette mesure devrait favoriser « le verdissement » du fret grâce à une amélioration des performances du secteur routier liée à une plus grande capacité de chargement et grâce à l'essor des véhicules à faibles émissions – électriques ou hydrogène, – qui doivent s'équiper de batteries ou de piles encore volumineuses. « Adapter les poids et dimensions de ces véhicules est nécessaire pour ne pas réduire leurs capacités d'emport, ce qui retarderait leur adoption et nécessiterait d'augmenter le parc nécessaire pour transporter la même quantité de marchandises », explique l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF). Cette évolution bénéficiera cependant aussi aux camions roulant au gazole. Une faveur qui permettra, selon l'AUTF, de « décarboner tout de suite des flux actuellement réalisés par camions qui ne sont pas éligibles aux modes alternatifs ».

Ces détracteurs dénoncent au contraire une révision poussée par les pays champions du « dumping social », une source d'accroissement des risques en termes de sécurité, d'accélération de la dégradation des infrastructures, d'encombrement plus important des routes et d'augmentation des émissions de CO2 et de particules fines. Mais ils alertent aussi sur la menace qu'elle fait peser sur le transfert modal vers le train ou le fluvial. Aujourd'hui, un tonnage de 42 à 44 tonnes est en effet autorisé seulement lorsqu'il s'agit d'un transport combiné, via le chargement de conteneurs, caisses mobiles ou semi-remorques sur des trains ou des barges.

Risque de calage pour l'intermodalité

Les acteurs du secteur du fret ferroviaire français et du transport combiné rail-route réunis au sein de l'Alliance 4F redoutent ainsi une baisse du transport modal de l'ordre de 20 %, pour 10,5 millions de trajets routiers supplémentaires par an, susceptibles de générer quelque 6,6 millions de tonnes de CO2 en plus. « On nous a promis le Green Deal, pour nous servir aujourd'hui des mégatrucks ! Où est la logique ? » s'insurgent-ils, fustigeant une future directive « inacceptable et contraire aux enjeux climatiques et économiques de la France ». Regrettant « un vote irresponsable », la député écologiste Karima Delli a appelé le gouvernement français à refuser le passage de ces mégacamions sur le territoire. Le ministre des Transports, Patrice Vergriete, n'entend pas agir autrement. « La France redit son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des mégatrucks. Aujourd'hui, la priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire », a-t-il assuré après le vote du Parlement.

Selon le texte, la Commission devra présenter au Parlement européen et au Conseil, d'ici à 2027, puis tous les quatre ans, un rapport d'évaluation détaillé sur l'application de la directive : l'évolution du transport routier national et international, l'impact sur la sécurité routière, l'infrastructure routière, le fonctionnement du marché intérieur du transport routier, la compétitivité du secteur, la connectivité et le transfert modal. Mais le projet doit encore être négocié en trilogue entre la Commission, le Parlement et le Conseil européen. Il pourrait encore évoluer en fonction du résultat des prochaines élections au Parlement, en juin prochain.

Nadia Gorbatko / actu-environnement.com

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