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Comment éviter que les microplastiques contenus dans nos vêtements se retrouvent dans les océans via nos lave-linge ?
16/12/2024
Le textile est devenu le troisième secteur à utiliser du plastique, derrière le secteur du bâtiment et celui des emballages. Photo d'illustration. (LEYLA VIDAL /BELPRESS /MAXPPP)
À six mois de la Conférence internationale sur les océans organisée à Nice, en juin 2025, focus sur la pollution des microplastiques.
Gobelets, bouteilles, emballages, on connaît bien ces formes de pollution. Mais il en existe une autre, presque invisible, provoquée par les fibres synthétiques issues de nos vêtements. Ces fibres synthétiques, qui peuvent constituer vos t-shirt, pantalon ou sous-vêtements, ont de grandes qualités, comme leur souplesse, leur imperméabilité ou leur faible coût, mais quelques défauts aussi, notamment le fait de ne pas être biodégradables.
Ainsi des fibres de polyéthylène, de polyester ou d'élasthanne se retrouvent dans la mer. "Nos vêtements vont, lors de nos lavages, avoir un phénomène d'abrasion", explique Muriel Papin, déléguée générale de l'ONG No Plastic in My Sea(Nouvelle fenêtre).
"Comme c'est très fin, ça va se retrouver dans les eaux de lavage et de rinçage, et ce n'est pas filtré par les stations d'épuration."
Muriel Papin, déléguée générale de l'ONG No Plastic in My Sea à franceinfo
"Et ça augmente d'autant plus que le recours aux fibres synthétiques est de plus en plus important : 70% des vêtements aujourd'hui sont synthétiques", déplore Muriel Papin. Le textile est devenu le troisième secteur à utiliser du plastique(Nouvelle fenêtre), derrière le secteur du bâtiment et celui des emballages.
Quelles solutions pour filtrer l'eau sortant des lave-linge ?
Cependant il existe des solutions pour lutter contre cette forme de pollution. Et l'une de ces solutions devait devenir obligatoire au 1er janvier 2025. La loi antigaspillage pour une économie circulaire imposait aux fabricants de machines à laver d'installer des filtres. Finalement, il n'y aura pas d'obligation, la loi a été amendée par le gouvernement, à la demande des industriels.
Paolo Falcioni est le directeur général de l'Applia, l'association européenne des fabricants de produit électroménagers : "Il est en fait très compliqué d'évaluer ce qui sort des lave-linge. Les filtres fonctionnent, mais pour comprendre leur réelle efficacité, et comparer les différents systèmes, il nous faut une méthode d'analyse standardisée. Et pour l'instant, nous ne l'avons pas."
Certains fabricants proposent des lave-linge déjà équipés, ou bien des filtres à installer soi-même. Mais comme ces tutoriels vidéo l'indiquent, ces dispositifs nécessitent un certain suivi : "Toutes les semaines, vous devez retirer toutes les particules qui se retrouvent dedans. Ce filtre doit être remplacé tous les six mois." Il est donc difficile d'inciter les consommateurs à s'équiper.
D'après Muriel Papin, d'autres solutions pourraient être mises en place, avant même la vente des vêtements : "Souvent, les micro ou nanoplastiques partent beaucoup lors des premiers lavages, indique-t-elle.
"Avoir un prélavage organisé par les industriels permettrait, de manière industrielle, de récupérer une partie de ces microplastiques." Muriel Papin à franceinfo
D'autres moyens sont présentés comme plus faciles à mettre en œuvre : des sacs de captation ou des balles absorbantes, à utiliser pendant les cycles de lavages.
La Méditerranée, la mer la plus polluée au monde par ces particules
Mais en attendant, les microfibres continuent à se déverser dans les océans, notamment dans la Méditerranée. C'est la mer la plus polluée au monde par les nano, micro et macroplastiques."On a à peu près 200 déchets par kilomètre carré, explique Olivia Gérigny, chercheuse à l'Ifremer, en Atlantique, on va plutôt être sur du 90-100 déchets par km2. Ça s'explique par la pression entropique que la mer Méditerranée supporte par rapport à l'Atlantique, et puis on est sur le cas d'une mer semi-fermée : c'est compliqué de faire sortir tout ce qui y rentre."
Dans son laboratoire, avec vue sur la rade de Toulon, elle conserve justement des échantillons de ces nombreuses missions en mer. "Là, vous voyez, on a un filament, une fibre, mais on a aussi du film plastique, décrit-elle. Le film plastique, en microplastique, ça vient de la dégradation des sacs plastique, des sacs-poubelle, des bâches, c'est assez variable."
Olivia Gérigny, chercheuse à l'Ifremer, montrant le fond du canyon de Monaco. (BORIS HALLIER / RADIO FRANCE)
Et ces déchets se retrouvent dans les grands fonds, comme en témoignent les images tournées par les robots sous-marins. "Là, par exemple, on est dans le canyon de Monaco, à peu près à 2 000 mètres de profondeur, très au large de Monaco, montre-t-elle. Et à un moment, ô surprise, on tombe sur cette zone, déplore-t-elle, une décharge sauvage qui n'est pas à ciel ouvert mais à 2 000 mètres de fond : des emballages alimentaires, pots de yaourts, gobelets en plastique..."
De cette pollution résultent des écosystèmes bouleversés. Et l'échec récent des négociations pour un traité mondial contre la pollution plastique ne laisse pas présager une amélioration rapide.