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"L'eau était parfaitement noire" : dans le Loiret, ces habitants sont confrontés depuis des années à un système de distribution pollué

06/04/2025

"L'eau était parfaitement noire" : dans le Loiret, ces habitants sont confrontés depuis des années à un système de distribution pollué

L'eau du robinet à Sury-aux-Bois, Châtenoy et Combreux (Loiret) est chargée en manganèse et en chlorure de vinyle monomère (CVM). (CATHERINE FALLS COMMERCIAL / MOMENT RF / GETTY IMAGES VIA AFP)

Alors que le distributeur d'eau assure avoir pris en charge la situation depuis 2017, les travaux n'ont commencé qu'en 2025. Un délai insoutenable pour les habitants de Sury-aux-Bois, Châtenoy et Combreux qui ont découvert que leur eau, déjà polluée au manganèse, était également polluée par un gaz hautement cancérogène.

Voilà six ans que l'eau qui coule de leur robinet est marron, polluée et non potable. Une galère qui n'a que trop duré pour ces habitants de trois petits villages du Loiret, Sury-aux-Bois, Châtenoy et Combreux, qui ont décidé d'attaquer en justice le gestionnaire du réseau d'eau pour demander réparation. Alors que l'audience doit avoir lieu mercredi 2 avril, les habitants se disent déterminés.

À Châtenoy, à l'est d'Orléans, l'une des trois communes concernées, l'eau est chargée en manganèse, un métal qui, fortement concentré, est hautement toxique. C'est notamment le cas dans cette petite commune du Loiret puisque les concentrations atteignent parfois 20 fois la réglementation. "C'est parfaitement imbuvable, on dirait plus du café que de l'eau, déplore Michel Maufras, retraité habitant la commune depuis des années. L'an dernier, on a eu une période où l'eau était parfaitement noire, et ça, c'est lié au manganèse".

Depuis, Michel Maufras a fondé un collectif pour se plaindre de la situation, alors que la plupart des habitants ont été obligés de se reporter sur l'eau en bouteille, n'ayant plus confiance. Une inquiétude redoublée par le fait que le manganèse attaque le système nerveux, et se montre particulièrement nocif pour les enfants.

"On a encore plus d'inquiétude pour nos enfants et nos petits-enfants qui y ont été exposés alors que beaucoup plus vulnérables que nous. Quelles vont être les conséquences pour eux sur dix ou vingt ans après avoir consommé cette eau-là ?" - Michel Maufras, habitant de Châtenoy

Une inquiétude et une charge mentale au quotidien, auxquelles s'ajoute une charge financière devenue insoutenable pour beaucoup d'habitants. Pascale, patronne du Relais de Châtenoy, petit hôtel-restaurant en bord de départementale, se dit épuisée par la situation. "C'est un foutage de gueule, oui ! On a des filtres qu'on change régulièrement tous les quinze jours, et chaque appareil - lave-vaisselle, machine à café ou encore machine à laver - a une cartouche qui coûte environ 200 euros ; sans ça on perd les appareils", confie la patronne, excédée, qui s'indigne de recevoir chaque mois, sans faute, les factures d'eau et d'assainissement.

Un calvaire sans fin

La situation était déjà bien pénible avant que les habitants ne découvrent, il y a peu, une autre pollution dans l'eau : un polluant peu connu, le chlorure de vinyle monomère (CVM), un gaz inodore, incolore, et dégagé par les tuyaux du réseau installé dans les années 1970. À cause d'un plastique de moins bonne qualité qu'aujourd'hui, ce CVM classé cancérogène certain peut causer des cancers du foie. Comble du scandale, selon un document de l'Agence régionale de santé (ARS), il avait été détecté ponctuellement dès 2014 dans l'eau, mais le premier courrier d'alerte n'est arrivé qu'en 2023. Or, cette pollution concernerait plusieurs dizaines de foyers, au moins.

La goutte de trop pour dix habitants de ces communes du Loiret qui les a poussés à attaquer en justice le syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable (Siaep) de Sury-aux-Bois, Châtenoy et Combreux. Leur avocate, Gabrièle Gien, plaide mercredi devant le tribunal d'Orléans pour faire reconnaître la responsabilité du distributeur d'eau "qui n'a pas assuré la potabilité de l'eau", explique-t-elle.

"Je ne sais pas s'il y a eu une volonté de dissimulation, mais il y a eu négligence sur de nombreuses années. Beaucoup de personnes ont continué à boire cette eau et l'ont donnée à leurs enfants, sans savoir qu'elle était cancérigène." - Gabrièle Gien, avocate d'habitants de Sury-aux-Bois, Châtenoy et Combreux

De son côté, le syndicat gestionnaire assure qu'il fait "tout ce qu'il peut pour remédier à la situation". Une première étude de réseau avait été commandée dès 2017. Une commande à laquelle ont suivi demande de subventions, analyses multiples et appels d'offres en tout genre, qui ont toujours plus prolongé les délais.

Toutefois, les travaux ont enfin commencé et devraient régler les deux pollutions. Des travaux qui commencent "au moment où le syndicat se retrouve coincé, c'est-à-dire assigné en justice devant le tribunal judiciaire", dénonce toutefois l'avocate. Si les travaux doivent prendre fin cette année, il faudra encore du temps pour constater l'absence totale de polluants : le manganèse peut s'accumuler dans les canalisations, prolongeant, de fait, la pollution.

francetvinfo.fr

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