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Industrie verte : la réforme de l'autorisation environnementale entre en vigueur
05/11/2024
La réforme vise, entre autres, à améliorer la participation du public à la décision.© Robert Kneschke
La réforme visant à accélérer les délais d'implantation des projets industriels et à améliorer la participation du public est entrée en vigueur le 22 octobre. Le premier volet suscite plus de critiques que le second qui paraît plus consensuel.
« Cette réforme permettra de réduire les délais d'instruction des projets, avec le même niveau d'ambition environnementale et tout en améliorant la participation du public à la décision », assure la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans un communiqué du 22 octobre. Cette date marque l'entrée en vigueur des dispositions du principal décret d'application de la loi relative à l'industrie verte, publié le 7 juillet dernier, portant sur la réforme de la procédure d'autorisation environnementale.
Inspiré du rapport de Laurent Guillot, ex-cadre dirigeant du groupe Saint-Gobain, remis en janvier 2022 aux ministres concernés, cette réforme affiche la double ambition d'accélérer les délais d'instruction des autorisations environnementales et de moderniser les procédures de participation du public, avec l'objectif de renforcer l'attractivité du territoire français pour les investisseurs et de favoriser la réindustrialisation du pays.
« La mise en œuvre de cette réforme (…) contribuera notamment à l'accélération du déploiement des énergies renouvelables [ENR] sur le territoire national », se félicite Mme Pannier-Runacher. Mais elle est loin de ne concerner que les projets liés aux ENR. Comme le rappellent ses services, elle s'applique aussi à l'ensemble des dossiers de demande d'autorisation environnementale, c'est-à-dire à toutes les installations classées (ICPE) et tous les projets d'installations, ouvrages, travaux, activités (Iota) soumis à autorisation, qu'ils soient ou non soumis à évaluation environnementale.
Cette réforme, portée par le gouvernement de Gabriel Attal, ne fait pas consensus, soit qu'elle suscite l'opposition de ceux qui y voient une régression du droit de l'environnement, comme les associations Notre Affaire à tous et Zero Waste France qui ont attaqué le décret en justice, soit qu'elle soulève des questions de mise en œuvre.
Réduire de trois mois la durée de la procédure d'autorisation
“ La nouvelle procédure permet au public de participer pendant trois mois, sous l'égide d'un commissaire enquêteur, dès le début de la procédure ”
Ministère de la Transition écologique
Avec cette réforme, l'exécutif compte réduire de trois mois la durée de la procédure d'autorisation, en vue d'atteindre une durée de six mois et demi, grâce à la parallélisation de l'instruction des dossiers de demande par les services de l'État, des consultations des instances compétentes et des collectivités locales, et de la participation du public. Certaines de ces phases étaient jusque-là menées successivement.
Mais, en amont, le Gouvernement compte également sur « un effort d'anticipation » des bureaux d'études et des porteurs de projet en vue d'améliorer la qualité des dossiers présentés aux services de l'État. « Dans une logique d'accompagnement, les services de l'État (et les entités associées) peuvent être amenés à échanger avec le porteur de projet sur les principaux enjeux environnementaux afin de s'assurer que ces derniers sont correctement pris en compte. Le porteur de projet peut ainsi améliorer le fond de son projet, ainsi que le contenu et la qualité de son dossier », explique le ministère de la Transition écologique dans une plaquette (1) d'information consacrée à la réforme.
© Ministère de la Transition écologique
Si le certificat de projet a été abrogé par la loi Aper du 10 mars 2023, le porteur de projet peut en revanche demander un cadrage préalable aux services de l'État sur le champ et le degré de précision à fournir dans l'étude d'impact. « Cette étape facultative, si elle est bien menée et en coordination entre l'Administration et le porteur de projet, permet ainsi de maîtriser les délais d'instruction en évitant des éventuelles demandes de compléments chronophages », explique le ministère.
Participation du public de trois mois
Pour ce qui concerne la participation du public, la réforme met en place une procédure de participation annoncée comme « hybride » par le Gouvernement. Elle mêle en effet une consultation par voie électronique s'inspirant de la procédure de participation du public par voie électronique (PPVE) et l'intervention d'un commissaire enquêteur, empruntant à la procédure d'enquête publique. « Les modalités de cette consultation sont, sauf cas particuliers, applicables à toutes les demandes d'autorisation environnementale, qu'elles comportent ou non une étude d'impact », précise le ministère de la Transition écologique.
« La nouvelle procédure permet au public de participer pendant trois mois, sous l'égide d'un commissaire enquêteur, dès le début de la procédure, alors qu'il n'était auparavant consulté que pendant trente jours, en fin de procédure, après les retours des services de l'État ou des collectivités », vantent les services d'Agnès Pannier-Runacher.
Le commissaire enquêteur doit rendre public, tout au long de la consultation électronique, les avis des instances et collectivités consultées dès qu'ils sont émis, les observations du public, les informations complémentaires et réponses du porteur de projet. Si la procédure est majoritairement dématérialisée, elle prévoit toutefois deux réunions publiques obligatoires et des permanences facultatives du commissaire enquêteur. « Contrairement à l'enquête publique, les conclusions motivées rendues dans le cadre de la consultation parallélisée ne comprennent pas d'avis formel (favorable ou défavorable) », précise le ministère.
Mais de la théorie à la pratique, il y a une marge. Et, selon nos informations, les commissaire enquêteurs se plaignent auprès des services du ministère de la Transition écologique de ne pas encore disposer de lignes directrices pour la mise en œuvre pratique de ce nouveau mode de consultation du public, alors que la nouvelle procédure s'applique à toutes les demandes d'autorisation déposées depuis le 22 octobre. Une instruction, annoncée par le ministère et détaillant le déroulement de la nouvelle procédure d'autorisation, reste également attendue.
« Avec ce système où le dossier est très vite mis au vu et au su de tous, il est débattu en public et il n'y a pas de suspension de délai, tout va très vite. On a donc un système qui permet d'aller vite sur les "bons dossiers" : le "bon dossier" entrera dans le système, il aura sa phase d'examen et de consultation de trois mois, et il aura, assez vite ensuite, une autorisation préfectorale », commentent l'avocat David Deharbe et le docteur en droit public Frank Zerdoumi dans une analyse de la réforme (2) . « Mais demeure cette question : le ministère ne prend-il pas le risque de remplacer la valse à quatre temps par un véritable pogo où la parole profane prendrait le pas sur l'écopouvoir des ingénieurs d'État de la DGPR ? » interrogent les juristes. « Rien n'est moins sûr, tempèrent-ils toutefois : plus le public intervient tôt dans la procédure, mieux l'administration pourra identifier ses forces pour l'affaiblir en la canalisant. »
2. Consulter l'analyse de la réforme par David Deharbe et Frank Zerdoumi
Laurent Radisson / actu-environnement