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« En matière de gestion de l'eau en agriculture, chacun doit faire une partie du chemin » Martin Gutton

17/09/2024

« En matière de gestion de l'eau en agriculture, chacun doit faire une partie du chemin » Martin Gutton

Martin Gutton - Délégué interministériel chargé de la gestion de l'eau en agriculture

Cet été, Martin Gutton, alors directeur général de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, a été nommé délégué interministériel chargé de la gestion de l'eau en agriculture. Parmi ses missions : accélérer l'adaptation du secteur au changement climatique.

Actu-Environnement : Pourquoi cette nouvelle délégation interministérielle à la gestion de l'eau en agriculture a-t-elle été créée ? Les attributions s'inscrivent-elles dans la continuité de celles du délégué interministériel de suivi du Varenne agricole de l'eau ?

Martin Gutton : L'ouverture de cette délégation à la gestion de l'eau en agriculture est une manière d'affirmer que ce sujet reste une priorité pour le Gouvernement. L'agriculture constitue un consommateur important de l'eau, notamment pendant la période durant laquelle la ressource s'avère la plus faible. Le changement climatique renforce l'importance du sujet.

Il faut arriver à sortir des conflits que nous pouvons rencontrer sur les territoires. Dans cet exercice d'intermininistérialité, chacun doit faire une partie du chemin. Ce ne sera pas un long fleuve tranquille et c'est ce qui justifie le poste de délégué interministériel. Grâce notamment aux neuf ans et demi passés à l'agence de l'eau Loire-Bretagne et de mon activité antérieure au sein de ministère de l'Agriculture, j'ai l'expérience du dialogue et de la construction partagée.

Un des enjeux de la discussion sera d'arriver à bâtir des positions interministérielles suffisamment ambitieuses : que nous avancions d'un bon pas face à cette accélération du changement climatique et arrivions à répondre aux attentes de solutions rapides pour les agriculteurs sur la gestion de l'eau. Le stockage de l'eau compte parmi les solutions – et il faut savoir l'affirmer -, mais ce n'est pas la seule. Par exemple, la teneur en matière organique des sols favorise le stockage naturel de l'eau ; nous pouvons nous inspirer du fonctionnement naturel du milieu pour ralentir le cycle de l'eau, favoriser son infiltration, nous appuyer sur l'inventaire des bonnes pratiques et solutions techniques pour améliorer la gestion de l'eau, inventaire réalisé dans le cadre de l'axe 2 du Varenne agricole. Je souhaite remettre en avant ce panel de solutions. Frédéric Veau a réalisé un important travail de mise en place et de suivi du Varenne agricole de l'eau. Nous sommes désormais sur une nouvelle feuille de route élargie d'actions interministérielles avec le Plan eau gouvernemental.

Je reste également convaincu qu'un des outils pour éviter les conflits demain est le projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). C'est la maille essentielle pour amener les acteurs du territoire, et au premier rang, les collectivités, à travailler ensemble sur une ressource commune et partagée.

Un des reproches exprimés par plusieurs acteurs est que l'incitation à la sobriété ne pèse pas de façon équitable pour tous les usagers. Ainsi, l'augmentation des redevances prévues pour l'agriculture, notamment sur les prélèvements, a été annulée dans la dernière loi de finances. La fiscalité de l'eau va-t-elle encore évoluer ?

MG : Des évolutions structurelles doivent être menées, dont évidemment celles de la fiscalité de l'eau. Elles représentent un des leviers de sobriété… Mais il ne faut pas oublier le contexte économique. Ces augmentations de fiscalité devaient se concrétiser alors que se déclarait une crise agricole… L'augmentation de 475 millions des ressources des agences de l'eau sur une année constitue une grande marche, difficile à gravir pour certains acteurs économiques. Pour qu'ils puissent s'adapter, il faut leur donner de la visibilité. Les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique travaillent à une trajectoire pluriannuelle.

Des ressources naturelles - comme l'eau - qui vont être plus rares l'été doivent effectivement devenir plus chères. Par ailleurs, stocker de l'eau des barrages ou des retenues s'avère aussi plus coûteux pour l'irriguant que de prélever dans une nappe phréatique ou dans un cours d'eau. Au-delà de l'agriculture, il faut que les entreprises de collecte, de transformation agroalimentaire fassent également évoluer leur système. Ce travail a été aussi lancé lors du Varenne agricole de l'eau.

Une partie de ma mission sera consacrée à cette question : comment le monde agricole va participer financièrement au Plan eau gouvernemental. Les négociations doivent continuer.

Dans le dispositif des agences de l'eau, les différents usagers contribuent au pot commun et ce dernier est utilisé en fonction des priorités des territoires. Il faut que tout le monde participe à l'effort. Dans le Plan eau, un certain nombre d'actions (des mesures agroenvironnementales et climatiques, la conversion à l'agriculture biologique, la poursuite des paiements pour services environnementaux) se mettent en place avec les financements des agences de l'eau et donc il faudra aussi une contribution plus forte du monde agricole. Avec la visibilité nécessaire pour qu'il s'y prépare. Ce sont des acteurs très importants de la gestion de l'eau et de sa qualité.

Vos missions vont-elles être affinées avec la nomination d'un nouveau gouvernement ?

MG : À la suite de ma nomination le 1er août, j'ai rencontré des membres du gouvernement démissionnaire, Marc Fesneau [alors ministre de l'Agriculture] et son cabinet, ainsi que celui de Christophe Béchu [alors ministre de la Transition écologique], Frédéric Veau, et je me suis entretenu avec les administrations des ministères concernés.

Évidemment, j'aurai besoin de connaitre les orientations des nouveaux ministres chargés de l'Agriculture et de l'Écologie lorsqu'ils seront nommés. Le sujet est essentiel pour l'avenir de nos territoires. Même si c'est loin d'être facile : il faut réussir à accompagner des transitions en quelques années.

Le changement climatique constitue un sujet absolument majeur. Le politique a la responsabilité de relever le défi à la fois de l'atténuation, mais aussi de façon plus urgente encore de l'adaptation. L'eau est un des indicateurs le plus marquant du changement climatique. Les effets se mesurent très directement, très rapidement sur le cycle de l'eau. J'ai accepté de prendre ce poste pour aider à répondre à cette priorité.

Dorothée Laperche / actu-environnement


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