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Mobilités propres : une stratégie très riche, mais sans engagements

13/03/2025

Mobilités propres : une stratégie très riche, mais sans engagements

Les déplacements domicile-travail représentent à eux seuls 13 % des émissions de gaz à effet de serre des transports.    © ifeelstock - stock.adobe.com

En complément de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, le Gouvernement consulte sur une stratégie pour les mobilités propres. Un vaste catalogue des axes à développer pour décarboner les transports, mais sans véritables engagements nouveaux.

Secteur toujours critique en termes de décarbonation, à la source du tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays, les transports font l'objet d'une planification spéciale en France : la Stratégie de développement (1) des mobilités propres (SDMP), dont la troisième version a été mise en consultation publique vendredi 7 mars. Ce document de référence, déclinaison opérationnelle de la Stratégie nationale bas carbone, définit les objectifs des pouvoirs publics dans le domaine des transports pour contribuer à l'atténuation du changement climatique et à la réduction de la consommation énergétique, ainsi que les mesures opérationnelles à mettre en œuvre.

À l'horizon 2030, le texte fixe au pays un budget carbone de 90 millions de tonnes de CO2eq pour la mobilité, soit 31 % de moins qu'en 2022 (131,2 millions de tonnes CO2e, 1,92 tonne par habitant). La consommation énergétique de cette activité devra elle-même passer de 501 TWh en 2019 à 396 TWh ce même horizon. La tâche ne sera pas aisée pour ce secteur caractérisé par des hausses constantes de ses émissions depuis 2019, à quelques rares exceptions près, l'amélioration de la performance environnementale des véhicules peinant à compenser l'augmentation de la circulation. En 2030, le nombre de voyageurs-kilomètre (transport d'une personne sur un kilomètre) devrait d'ailleurs atteindre 1007 milliards, contre 985 milliards en 2019.

Horaires et imaginaires : une approche décalée

Les pouvoirs publics prévoient donc d'agir conjointement sur cinq leviers : favoriser la sobriété de la demande, orienter la demande et l'offre vers le report modal, augmenter les taux d'occupation, de chargement et d'utilisation des transports, améliorer l'efficacité énergétique des véhicules, réduire l'intensité carbone des technologies utilisées. Les effets des mesures de sobriété nécessitant du temps pour se faire sentir, la stratégie vise surtout à amorcer des changements en la matière.

- 31 %C'est la baisse du budget carbone assignée à la mobilité à l'horizon 2030, par rapport à 2022.

Elle envisage ainsi de réduire la programmation de nouveaux projets routiers, « en les limitant aux projets d'accessibilité des territoires », mais aussi de mettre en œuvre un urbanisme plus favorable à la mobilité durable par une meilleure répartition des services, par la desserte des points d'attractivité par les transports en commun ou par le regroupement des logements autour des gares, par exemple. Le texte vise aussi le développement de l'autopartage, au sein des flottes d'entreprises ou de collectivités notamment. Un groupe de travail sur cette pratique devrait être lancé.

Autre levier : le lissage des pics de demande en transport via une autre organisation du travail dans les métropoles, un assouplissant des horaires des établissements publics, les péages urbains positifs (ou inversés) plus généreux en horaires décalés. Plus original, le texte mentionne un « travail sur les imaginaires » trop orientés dans les publicités vers le « plus vite », « plus loin »…

Report modal : des incitations à faire mieux

La question du report modal, bien plus complexe, relève de multiples enjeux : infrastructures, disponibilité et fréquence des offres, coordination entre les offres, information… Mais elle peut jouer un grand rôle dans l'allègement de l'empreinte carbone nationale puisque les déplacements domicile-travail représentent à eux seuls 13 % des émissions de gaz à effet de serre des transports et plus de 25 % des émissions des voitures particulières. Les pouvoirs publics comptent donc faire évoluer la fiscalité des véhicules de fonction et des indemnités kilométriques domicile-travail, pour orienter les choix vers des voitures plus propres et plus petites, les transports en commun et le vélo. Ils misent aussi sur un renforcement de la mise en place des plans de mobilité employeur.

En parallèle, il est nécessaire de faire évoluer l'accès des villes aux mobilités actives et leurs infrastructures : réaménagements des voiries pour un partage équitable entre les différents modes et types de véhicules, mise en place de ZFE et stationnements payants... Un groupe de travail national sera créé sur la place des véhicules intermédiaires dans l'espace public. En matière d'incitations, il pourrait être envisagé d'étendre les primes à la conversion mises en place par les collectivités à un crédit multimodal. Enfin, malgré les coupes budgétaires, la poursuite de la stratégie nationale sur les mobilités actives et le développement des infrastructures cyclables sont affirmés. Objectif : 100 000 km de pistes cyclables en 2030, 150 000 km en 2035. Dans ce but, le Gouvernement souhaite notamment développer les schémas directeurs des aménagements cyclables (Sdac) des départements et intercommunalités, mais aussi la planification par les collectivités locales de l'accessibilité à vélo et à pied des établissements scolaires, renforcer son soutien technique et méthodologique aux collectivités et développer l'emport des vélos dans les trains et les cars.

Pas de révolution pour le fer

Des investissements sont prévus, mais pas encore finalisés pour la régénération (1 Md€/an) et la modernisation (500 M€/an) du réseau ferroviaire : déploiement de la commande centralisée du réseau (CCR) pour les 1 500 postes d'aiguillage et la régulation des circulations ainsi que du système européen de gestion du trafic ferroviaire, la régénération des voies, caténaires et autres ouvrages d'art… Afin de concurrencer la voiture, la circulation des trains de nuit devrait être privilégiée, avec l'ouverture de lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) en particulier et les expérimentations de navettes légères ferroviaires seront renforcées.

Plus généralement, la stratégie encourage les territoires à se fixer des objectifs en termes d'offre de transports alternatifs à la voiture à partir d'indicateurs nationaux « permettant de qualifier l'offre en tous points du territoire. » Une étude est conduite par l'État pour estimer sur le territoire métropolitain, hors Île-de-France, le potentiel de massification des mobilités par des réseaux de cars express et de covoiturage. Le texte confirme également la place des Services express régionaux métropolitains (SERM) dans la feuille de route nationale : au moins 10 dans les dix ans à venir. Il détaille longuement l'organisation et les orientations attendues. En ce qui concerne leur financement, en revanche, seule la possibilité d'un emprunt est mentionnée « adossé à un panier de recettes fiscales dédiées, sur le modèle du financement du Grand-Paris Express. »

La conférence de financement attendue aura bien lieu, mais le calendrier n'est pas précisé. Une simplification de la billettique est par ailleurs annoncée, « élément essentiel de l'accès aux transports collectifs pour les usagers », avec des contrats types pour ses acteurs. Une expérimentation sera menée en 2025 dans plusieurs territoires. La stratégie insiste aussi sur le nécessaire développement des pôles d'échanges multimodaux « pour en faire des espaces fonctionnels, attrayants et sécurisés » et des parkings relais.

Voitures individuelles : des poids et des mesures

D'autres pistes variées sont explorées pour décarboner les mobilités, comme le développement de nouveaux véhicules de taille intermédiaire entre le vélo et la voiture. Un groupe de travail national sur ce sujet sera créé, afin d'évaluer les freins à leur usage. Le texte s'intéresse aussi au développement des schémas directeurs des aires de covoiturage et à la mise en place de voies réservées à cet effet et à celui du transport fluvial de passagers lorsqu'il est pertinent.

La réduction du poids des voitures particulières, régulièrement réclamée par les ONG environnementales, n'est pas oublié. Le renforcement du malus se poursuivra. Il en est de même pour le déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques. Les pouvoirs publics promettent la mise en place d'un schéma directeur le long du réseau routier national, lui aussi très attendu, des incitations pour l'installation des bornes auprès des particuliers, des copropriétés ou des bailleurs sociaux et une amélioration de la lisibilité des tarifs des opérateurs.

Pour accélérer l'achat de véhicules électriques par les particuliers, hormis le « bon niveau des dispositifs de soutien à l'achat ou la location » promis et les soutiens à la filière, une proposition nouvelle : la modulation des péages autoroutiers en fonction de la motorisation. Dans ce catalogue de bonnes intentions, peu de financements prévus, peu d'objectifs chiffrés, encore moins de calendrier ou d'engagements formels, mais beaucoup d'orientations. À suivre, donc.

1. Consulter le texte

Nadia Gorbatko / actu-environnement


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