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Électrifier les flottes de véhicules d’entreprises, une volonté de l'Europe difficile à concrétiser

14/03/2025

Électrifier les flottes de véhicules d’entreprises, une volonté de l'Europe difficile à concrétiser

   Si Bruxelles veut doper le verdissement des flottes, c’est parce que cela aiderait l’ensemble du marché et des acteurs à effectuer la transition… sans nécessairement coûter de l’argent public    .© REUTERS/Luke MacGregor

La Commission européenne va proposer d’ici à la fin 2025 un paquet législatif pour pousser l’électrification des flottes sur les marchés nationaux. Régulièrement débattu en France, le mécanisme reste imparfait pour assurer une vraie transition du parc thermique des entreprises.

C’est presque devenu un marronnier pour le secteur automobile. Le sujet de l’électrification des flottes d’entreprises revient constamment sur le bureau des législateurs français. Mais, et c’est une première, c’est sur celui de la Commission européenne qu’il se trouve en ce début du mois de mars. Dans le cadre de son plan d’action pour soutenir les acteurs de la filière, l’exécutif supranational va plancher dans les prochains mois sur une proposition législative afin de réglementer l’électrification des véhicules de société. Le périmètre reste incertain. Il n'existe actuellement aucune définition dans la législation européenne de ce qu'est une flotte d'entreprise. En la matière, chaque État réglemente comme bon lui semble.

Stimuler la demande

Si le législateur européen juge opportun d’intervenir, c’est parce qu’il estime que les mesures pour doper l’offre de véhicules électriques doivent «maintenant être complétées par une stimulation appropriée de la demande de véhicules à émissions nulles, l'aide aux véhicules d'entreprise jouant un rôle clé», c'est-à-dire les véhicules achetés par des personnes morales, estime la Commission européenne. Pour cause : ces voitures composent environ 60% des immatriculations dans l’Union européenne, en additionnant les voitures de société, les leasings longue durée aux professionnels, les locations courte durée et les ventes tactiques des constructeurs (véhicules de démonstration et de personnel).

Si Bruxelles veut doper le verdissement des flottes, c’est parce que cela aidera l’ensemble du marché et des acteurs à effectuer la transition… sans nécessairement coûter de l’argent public. D’abord, obliger les entreprises à acheter de l’électrique permet de gonfler le carnet de commandes des constructeurs, comme l’a rappelé Stéphane Séjourné, le vice-président de la Commission européenne, dans une interview à L’Usine Nouvelle. Les groupes automobiles ont massivement investi dans leur outil de production pour produire des véhicules à batterie et craignent de crouler sous les invendus, les véhicules électriques restant plus chers à l’achat que leurs équivalents à combustion interne.

Baisser les prix des véhicules sur le marché de l'occasion

Le verdissement permet aussi «d’accélérer la transition des véhicules neufs et donc du marché, commente Léo Larivière, responsable des relations parlementaires pour l’Ong Transport et Environment. Par effet boomerang, les véhicules neufs vont ensuite alimenter le marché des véhicules d’occasion, qui vont être moins chers. Or, 85% des Français achètent leur véhicule d’occasion, donc c’est une vraie courroie de transmission», poursuit notre interlocuteur, avec un sens certain de la formule.

La Commission européenne le sait, réguler l’ensemble du marché européen sera un exercice d’équilibriste. Sans trop peser sur les finances des PME, «toute mesure devra tenir compte [...] des dimensions et défis territoriaux dans les régions moins développées et dans les zones (sous-)urbaines, rurales ou éloignées, y compris les lacunes dans l'infrastructure (de recharge)». La Norvège et la Belgique ne sont pas l'Italie ou l'Espagne, pays où l’adoption du véhicule électrique est plus poussive.

En France, la question du régime fiscal opportun pour doper les ventes de véhicules électriques est brûlante. Plusieurs mécanismes visent à orienter le parc automobile vers la mobilité propre, comme les taxes sur l'affectation des véhicules à des fins économiques (ex-taxe sur les véhicules de société) et le régime fiscal sur les avantages en nature des véhicules de fonction, fraîchement réformé. En outre, depuis le 1er mars, une taxe annuelle incitative introduite par le projet de loi de finances 2025 est en vigueur. Elle viendra sanctionner en fin d’année les grandes entreprises détenant une flotte de plus de 100 véhicules (Engie, Eiffage, Vinci, EDF…) n’ayant pas respecté les objectifs d’électrification de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019. Les sanctions sont sévères : 2000€ par véhicule manquant en 2025, 4000€ en 2026, 5000€ dès 2027.

Les gestionnaires de flottes défavorables à la sanction

Toutes ces dispositions, si elles visent les sociétés, ne concernent cependant pas les taxis VTC et les loueurs (courte et longue durée). Ces acteurs sont réticents à ce qu’on leur impose des quotas de voitures électriques, jugeant que ce sont les conducteurs qui doivent avoir le dernier mot. Leur inquiétude est apparue au grand jour en avril 2024, suite à une proposition de loi avortée du désormais ex-député Renaissance Damien Adam (1ère circonscription de Seine-Maritime), qui militait en faveur d’un durcissement de la loi LOM.

Si les grands gestionnaires de flottes n’étaient clairement pas ravis, les loueurs courte durée avaient publiquement grincé des dents. «On renouvelle notre parc à un rythme six fois supérieur à une entreprise lambda, qui change de véhicule tous les trois ans !», s’était à l’époque insurgé Jean-Philippe Doyen. Le président de Sixt France avait assuré que chez les loueurs courte durée comme le sien, «le taux d’utilisation moyen d’un véhicule électrique est de de 47%, contre 74% pour un véhicule thermique. En moyenne, une entreprise qui achète un véhicule électrique le laisse au garage 16 jours sur 30».

«Il faut peut-être agir sous la contrainte, mais aussi avec pédagogie», exhorte aujourd’hui Etienne Royol, directeur dénéral de CA Auto Bank, un financeur en marque blanche. «Le sujet des flottes, c’est aussi le sujet des utilisateurs finaux. À la fin des fins, c’est le client qui décide. Tout ne doit pas reposer sur les épaules du loueur». «Le discours des loueurs qui consiste à dire qu’ils sont de simples intermédiaires financiers, c’est un peu court. Ils ont une responsabilité et une influence majeure» sur l’adoption du véhicule électrique, estime pour sa part Léo Larivière. «Tout l’enjeu, c’est d’éviter d’avoir des acteurs importants du marché qui parient sur l’échec de la transition.»

usinenouvelle

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