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Assurabilité des collectivités : le Gouvernement lance les grandes manœuvres

16/04/2025

Assurabilité des collectivités : le Gouvernement lance les grandes manœuvres

L'État, les assureurs et les élus ont signé une charte les engageant à venir en aide aux collectivités en difficulté.  © yorgen67

Exacerbée par le dérèglement climatique, entre autres, la question de l'assurabilité est devenue cruciale pour les collectivités. Le Gouvernement a réuni l'ensemble des parties prenantes pour les inciter à élaborer un plan d'actions.

Combien de collectivités échouent-elles aujourd'hui à contracter une assurance, en raison de primes jugées excessives, de franchises inacceptables ou de risques trop importants ? Selon Greenpeace, elles seraient déjà un millier, mais le chiffre de 1 500 circule également. En 2024, la commission des finances du Sénat évaluait, pour sa part, à 24 % la proportion de celles qui n'avaient pas reçu de réponse après avoir lancé un appel d'offres auprès des assureurs depuis le 1er janvier 2023.

Au sein du cabinet du ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, on se veut prudent. « Personne ne sait exactement objectiver la problématique, soulignent ses conseillers. Le Premier ministre a envoyé un courrier à 35 000 maires, il y a quelques semaines. Sur les 200 retours reçus, les collectivités qui ne disposeraient vraiment d'aucun contrat se comptent quasiment sur les doigts d'une main. Il s'agit souvent de communes qui font face à des sinistralités très particulières ou qui ont connu des catastrophes naturelles de très grande ampleur. »

Quoi qu'il en soit, la situation est devenue suffisamment préoccupante pour inciter le Gouvernement à rassembler les professionnels de l'assurance et les représentants des collectivités territoriales autour de cette question. Ces derniers ont donc été conviés à une demi-journée d'échanges, lundi 14 avril, en présence de François Rebsamen, mais aussi du ministre de l'Économie, Éric Lombard, et du Premier ministre, François Bayrou.

Du constat à l'objectif

Objectif de ce « Roquelaure de l'assurabilité » : mobiliser toutes ces parties prenantes pour les inciter à dresser un constat commun, à formaliser des engagements, puis à les décliner en plan d'actions immédiates ou à moyen terme. À l'origine des difficultés rencontrées par les collectivités pour faire aboutir de nouveaux contrats ou pour renouveler les leurs, des conditions de réassurance plus difficiles à l'échelle internationale et de nombreux risques sur le plan national : juridiques, cybers et sociaux, mais surtout climatiques.


L'idée est qu'il ne reste pas de territoires particulièrement soumis aux changements ou aux aléas climatiques sans assurance

Les conseillers du Gouvernement

Selon une étude publiée le 26 mars dernier par la fédération France Assureurs, les événements naturels auraient coûté à ses membres 5 milliards d'euros en 2024. Sur la décennie 2010-2020, Éric Lombard rapporte une majoration de 38 %. Quant à la Caisse centrale de réassurance (CCR), elle estime que la sinistralité liée aux périls couverts par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (Cat-Nat) augmentera de 40 % environ d'ici à 2050 sous l'effet du changement climatique. Là aussi, il faut être très prudent, tempèrent les conseillers du Gouvernement. « Ce qui est sûr, c'est que cette augmentation sera tendancielle. L'idée est qu'il ne reste pas de territoires particulièrement soumis aux changements ou aux aléas climatiques sans assurance. Le principe même de l'assurance, c'est la mutualisation. »

De l'objectif au plan d'actions

À l'issue de cette rencontre, l'État, les assureurs et les élus ont donc signé une charte les engageant à venir en aide aux collectivités en difficulté, à mieux adapter l'offre assurantielle, à faciliter la mobilisation de la solidarité nationale, à mieux maîtriser la sinistralité et à mobiliser un réseau national et local autour de ces ambitions. Des intentions traduites dans un plan d'actions en cinq grands volets.

Le premier concerne l'accompagnement et l'orientation des collectivités. À cette fin, une cellule appelée « Collective assure » sera mise en place avant l'été, sous l'autorité du Médiateur de l'assurance, Arnaud Chneiweiss, agissant comme un tiers de confiance. Les collectivités en difficulté pourront lui envoyer une alerte qui fera l'objet d'un diagnostic : s'agit-il d'une absence de contrat, d'une franchise ou d'une prime trop élevée ou encore d'un refus d'assurance centré sur un point en particulier ? Cette cellule pourra ensuite envoyer les élus vers le Bureau central de tarification (BCT), organisme en capacité d'imposer aux assureurs de proposer un contrat, ou les diriger vers un pool d'intermédiaires implantés localement – courtiers, auditeurs, agents généraux, experts… –, susceptibles d'apporter un éclairage utile et concret pour une passation de marché.

« Ce sont eux qui pourront examiner le patrimoine de la commune, vérifier si le gymnase est bien protégé contre les incendies ou les tempêtes, calibrer le besoin et aider à rendre le risque attractif pour l'assureur », explique-t-on au ministère de l'Aménagement du territoire.

Une nouvelle culture de la négociation

Changeant d'approche en matière de commande publique, le Gouvernement préconise désormais une « procédure négociée » plutôt qu'un appel d'offres standard pour le choix des contrats d'assurance lorsque les seuils le permettent. Objectif : aboutir à une offre assurancielle mieux adaptée, deuxième section de cette feuille de route. Dans les prochaines semaines devrait ainsi sortir un nouveau guide pour les acheteurs publics. Engagés à réinvestir le marché, les assureurs devraient en parallèle proposer des produits plus ciblés pour les collectivités.

Un premier décret plafonnera le mécanisme de modulation à la hausse des franchises « Cat-Nat ». Ainsi, pour les biens situés dans des communes dotées de plans de prévention des risques naturels (PPRN), le mécanisme sera plafonné par le nombre de reconnaissances au cours des cinq dernières années. Un second décret corrigera la disposition du code des assurances sur le montant de la franchise catastrophe naturelle. Elle ne sera plus nécessairement supérieure au montant de franchise le plus élevé figurant au contrat pour les mêmes biens.

En parallèle, pour les risques de très grande ampleur, les catastrophes dépassant le cadre de l'assurance privée, l'État envisage de mieux mobiliser la solidarité nationale, troisième point de ce plan. Dotée d'une enveloppe de 40 millions d'euros par an, souvent dépassée, la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSEC) devrait ainsi être clarifiée, modernisée et simplifiée d'ici à la fin de l'année. Ce fonds destiné notamment à indemniser les biens non assurables des collectivités, comme les routes, pourra ainsi intervenir plus rapidement, plus efficacement, sans nécessiter systématiquement une étude sur mesure.

La prévention avant tout

Le quatrième volet, consacré à la prévention et à la culture du risque encourage les élus à travailler sur la sinistralité de leur collectivité. Ceci implique une meilleure connaissance de leur patrimoine et des outils destinés à les prémunir contre les catastrophes. « Les obligations existent déjà. Les communes doivent avoir un plan de sauvegarde, par exemple. Les intercommunalités sont chargées de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi), détaillent les conseillers. À elles de les mettre en place ou, si ce n'est pas le cas, au préfet d'intervenir. »

Celui-ci devra ainsi accompagner les collectivités un peu en retard sur le sujet et les soutenir par le biais d'exercices avec les sapeurs-pompiers, les services de gestion de crise ou la direction générale de la Sécurité civile. « La prévention, ce sont des dommages en moins. Un euro investi en la matière, ce sont huit euros qui ne devront pas être déboursés en remboursement des dégâts », rappelle le ministère.

Enfin, ce collectif noué à Roquelaure devrait aussi se décliner à l‘échelle locale, là encore sous la houlette des préfets, afin d'établir des diagnostics territoriaux et de favoriser le dialogue entre tous les acteurs concernés. « Demain, l'élu ne sera plus seul. Il aura autour de lui une collectivité d'élus, d'assurance qui vont l'accompagner et trouver le contrat qui convient, se réjouit François Rebsamen. Je vais demander la semaine prochaine aux préfets de réunir dans chaque département français cette collectivité des assurances et des élus pour trouver des solutions à ceux qui n'en ont pas. »

Un cadre réglementaire souple

L'ensemble de ces mesures devrait pouvoir être développé sans recourir à la loi, estime le Gouvernement, en se limitant au niveau réglementaire, même si certains points, comme le DSEC, devront s'intégrer au prochain projet de loi de finances. Une approche prudente dans le contexte politique actuel. « C'est tout l'enjeu de cette rencontre, indiquent les conseillers, faire rencontrer les gens de bonne volonté, que chacun fasse un pas en avant. » À la fin de cette année, les impacts du plan seront évalués pour s'assurer que le service a bien été rendu, annonce François Rebsamen. « Si tel n'était pas le cas, la loi s'appliquerait. »

Nadia Gorbatko / actu-environnement

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