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« Un miracle » … Dans les Pyrénées-Orientales, le retour de la pluie met la sécheresse à distance pour un temps
06/04/2025

En mars, il a plu plus de 15 jours dans les Pyrénées Orientales, ce qui n'était arrivé que deux fois en 80 ans. De quoi recroire en un avenir meilleur grâce à la pluie, après des années marquées par une sécheresse infinie. - Canva & Getty Image
Enfin ! Après une sécheresse record entre mi-2022 et 2024, les Pyrénées-Orientales, le département le plus sec de France, ont connu en mars une pluviométrie supérieure aux moyennes de saison
L'essentiel
Après deux ans et demi d’une terrible sécheresse, les Pyrénées-Orientales ont connu en mars une pluviométrie record, marquée à Perpignan par plus d’un jour sur deux avec de la pluie.
Un « miracle » aux yeux des habitants, qui finissaient par croire que les sols ne seraient plus jamais humides. La pluie, enfin de retour, continue de provoquer des sourires plus d’une semaine après la dernière goutte.
Un bonheur qui s’arrête vite devant la réalité du département : les problèmes liés à la sécheresse sont loin d’être résolus.
Les voies du seigneur sont définitivement impénétrables. En mars 2023, le diocèse des Pyrénées-Orientales avait ressorti des placards une procession vieille de 150 ans pour prier le retour de la pluie. Rebelote en 2024. Malgré ces efforts, pas une goutte ou presque à se mettre sous la dent au milieu de cette terrible sécheresse pour le département.
Les prières n’ont toutefois pas été vaines, puisque lundi de la semaine dernière, Perpignan a fêté son quinzième jour de pluie de mars 2025. Depuis que Météo-France prend les mesures dans la ville, une telle statistique n’était arrivée que pour deux mois en quatre-vingts ans, dont zéro au XXIe siècle. Alors loin de ces « botchs » de Parisiens (sorte de « fada » local) qui se ruent en terrasse au premier coin de ciel bleu, le sudiste a lui fêté la pluie, enfin de retour. Qu’importe si c’est ou non l’œuvre de Dieu, « ce qui est sûr, c’est que c’est un miracle. A force, on n’y croyait plus. J’avais peur que la région se transforme en désert du Sahara et qu’il faille partir », en pleurerait presque Théo, habitant de Cabestany, l’un des villages de la région.
« Entre - 60 et - 70 % de production de vin »
En parlant de miracle divin, des décors qu’on craignait disparus pour toujours ont ressuscité. Le Canigou, montagne et fierté des lieux, est enfin blanc, les lacs ne ressemblent plus à des flaques. Et dans la rue, Théo s’est même permis de laver sa voiture à la vue de tous. Ce qui, il y a encore un an, aurait entraîné une pendaison sur la place publique (ou presque). Le trentenaire l’avoue non sans un zeste de honte : la voiture avait été lavée en 2024, mais dans son garage.
Bastien, 33 ans et infirmier libéral, parle de la pluie comme d’autres évoquent un amour perdu : « On passe la plupart du temps à l’attendre, à l’espérer. Dans les tournées, on ne parlait que de ça. Ca peut paraître un peu ridicule, mais quand les premières gouttes arrivent, c’est un peu l’effervescence. »
Rivières plus vides que le bac à légumes du frigo d’un étudiant, herbe jaunie, arbres dénudés, piscines vidées, restrictions d’eau potable dans certains villages isolés… La région se souviendra longtemps des stigmates des dernières années. Entre 60 % et 70 % de baisse de rendement pour Frédérique Vaquer, du domaine vignoble éponyme, dans le village de Tressere. Baignée dans l’huile de coude depuis sa jeunesse, elle concède une inhabituelle fuite en avant au moment de faire les comptes : « Je n’ai pas osé calculer mes pertes financières, j’ai préféré ne pas savoir ». Prévenante, la vigneronne avait fait des réserves de vins pour les saisons plus difficiles. Mais déjà, la cave sonne un peu vide : « Je suis quasiment en rupture sur les blancs et les rosés. »
La pluie, promesse d’un été 2025 réussie ?
Dans la région, en plus d’un ciel avare en pluie, il existe un autre ennemi : la presse. « Lorsqu’on rabâche sans cesse qu’il y a une sécheresse historique, ça ne donne pas envie de venir », plaide Brigitte Aragon, patronne du Goustous, un restaurant de Perpignan. « Certains touristes craignaient pour la piscine des campings ou de ne pas avoir de quoi prendre un bain en location. Un bain ! Ce genre de restriction n’a jamais existé ». Même si elle l’avoue, au-delà des reportages télé, il est vrai que pour le touriste, l’herbe brûlée, les rivières à sec et les arbres dégarnis n’avaient pas de quoi enthousiasmer le touriste.
Conséquence de la sécheresse ou de son traitement médiatique, « les années précédentes ont été moins bonnes », reconnaît Brice Sannac, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie des Pyrénées-Orientales. Après plus de 32 millions de nuitées en 2019, le département n’en comptait plus que 29,1 millions en 2024. Depuis 2022 et l’après Covid, la baisse continue. - 4 % entre 2022 et 2023, - 1,8 % entre 2023 et 2024. Lui aussi évoque certains paysages bien malheureux pendant la sécheresse, « malgré le spectacle toujours plaisant de voir la montagne se jeter dans la mer. » La fierté catalane, toujours : « Maintenant que la sécheresse est écartée, on espère une meilleure publicité pour le département et plus de touristes en 2025 ».
Peut-être également moins de mesures, de quoi éviter quelques nœuds au cerveau des locaux : « Les discours s’opposent. On entend d’un côté des projets d’aménagements du territoire, de bassines, de construction de golf et d’un autre des restrictions drastiques, interdictions des piscines, lavages des voitures… », siffle Bastien.
« On ne va pas jeter l’eau par les fenêtres »
Ecartée la sécheresse, vraiment ? Le département reste le plus sec de France, les nappes phréatiques sonnent certes moins creuses mais restent à des niveaux insuffisants, et la préfecture des Pyrénées-Orientales a annoncé la prolongation des restrictions d’usages de l’eau. L’arrêté, qui devait se terminer le 31 mars, est maintenu jusqu’au 30 avril, voire plus. Techniquement, Théo a toujours interdiction de laver sa voiture - le préfet Thierry Bonnier a d’ailleurs regretté un certain « relâchement » suite aux pluies. Théo l’assure, sa piscine, elle, est bien vide, comme le veulent les consignes.
Brice Sannac, de l’Umih, veut croire que la raison primera : « On ne va jeter des litres d’eau par les fenêtres sous prétexte que ça va un peu mieux. Le département, et notamment le secteur touristique, doivent se montrer résilients et consommer toujours moins d’eau ». Dans l’un de ses hôtels, à Collioure, par exemple, l’eau des toilettes vient des douches.
Bastien lui aussi plaide non-coupable : « J’essaie depuis toujours de faire attention à l’utilisation de l’eau au quotidien. J’enseigne à mes garçons les gestes simples d’économie. Même si la pluie est tombée, je pense qu’il faut rester vigilant et alerte. Les plus alarmistes pensent même un jour être obligés de quitter cette belle région. Pour ma part, j’espère bien rester ! »
« On s’adapte à ce que le ciel nous donne »
Pour la vigneronne Frédérique Vaquer, « il faudrait plus de deux fois plus d’eau dans les nappes phréatiques », même si un bon mois de pluie « reste déjà un soulagement ». Le domaine ne marchant pas à l’arrosage artificiel, tout dépend de la météo : « C’est un métier résilient, on courbe le dos et on s’adapte à ce que le ciel nous donne », dit-elle en haussant les épaules.
Le Canigou enneigé, des fleurs et un vignoble producteur, trois choses encore impensables il y a un an dans la région. - JLD/20 Minutes
Dans les Pyrénées-Orientales, on le sait, le problème est loin d’être réglé. Stéphane, gérant d’un club de plage de Canet-en-Roussillon, ne voit pas « comment la situation s’améliorera dans les prochaines années ». La sécheresse, le réchauffement climatique, mais aussi « le vent local, la tramontane, qui souffle de plus en plus fort fréquemment, la précarisation de la classe moyenne et le pouvoir d’achat… », se creuse-t-il la tête.
Reste une part de faiblesse humaine. « Trois semaines de pluie, ça commençait à faire long… Il faut qu’il fasse du printemps aussi », sourit Brigitte Aragon. Avec l’arrivée « des beaux jours, des ponts et des touristes, il faudrait qu’il pleuve la nuit et fasse soleil le jour ». Un scénario qui va demander encore quelques prières.