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Cargos à voile, bateaux hybrides, manœuvres vertueuses... Ces solutions pour décarboner le transport maritime

25/03/2025

Cargos à voile, bateaux hybrides, manœuvres vertueuses... Ces solutions pour décarboner le transport maritime

Dans le cadre du "Projet Océan", franceinfo est allé à la rencontre de ceux qui, en France, essaient de décarboner la marine marchande. Un secteur qui pourrait représenter 20% des émissions de CO2 d'ici 2050, si des mesures fortes ne sont pas mises en place.

Et si la solution d'avenir pour décarboner le transport maritime, l'un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre au monde, était de revenir aux origines de la navigation : le vent et la force éolienne ?

Dans le port du Havre se trouve le plus grand cargo à voile au monde, Artémis. Guillaume Le Grand, le cofondateur de l'entreprise de voiliers cargos Towt(Nouvelle fenêtre), nous présente le majestueux deux-mâts : "Quand on arrive, c'est tout à fait imposant et impressionnant, montre l'armateur. Il est à plusieurs mètres au-dessus du quai et il culmine à près de 65 mètres. Ce sont les deux plus grands mâts en carbone qui existent, avec ceux de son 'sister ship', le navire-jumeau Anemos. Et les voiles sont les plus grandes au monde, la voile avant fait plus de 700 mètres carrés." Avec 3 000 mètres carrés de voile au total, le cargo peut transporter jusqu'à 1 000 tonnes de marchandises entreposées dans les cales du cargo.

Des traversées de l'océan Atlantique à la force du vent

C'est là, tout au fond du navire, que sont stockées les palettes d'alcools, de confitures, de textiles, de pièces de moteur, à destination de New-York, pour une traversée de l'Atlantique effectuée à la force du vent. "Ici, sur Artemis qui rentre du Brésil, raconte Guillaume Le Grand, 95% de la distance ont été parcourus sans une seule goutte de pétrole, toutes machines éteintes." Le cargo est donc presque totalement neutre en carbone donc. Il utilise un moteur thermique pour les manœuvres dans les ports.

Certes ce cargo à voile peut emporter beaucoup moins de marchandise qu'un porte-conteneurs classique, environ 100 fois moins. Artémis est également moins rapide sur l'eau. Il lui faut trois semaines pour rejoindre New-York depuis Le Havre, contre huit jours pour un cargo classique. Par contre, le voilier évite les embouteillages dans les immenses ports où les conteneurs sont stockés pendant plusieurs jours. Résultat, le temps de livraison est globalement plus court à la voile qu'au fioul.


Cargos à voile de l'entreprise TOWT, illustration. (BORIS LOUMAGNE / RADIO FRANCE)

La question centrale reste le prix pour les clients : "On est un peu plus cher de façon globale mais on parle d’un ou deux centimes par kilo, expose Guillaume Le Grand. Et l'avantage de ce prix légèrement plus élevé est qu'il est stable et non indexé sur les cours du pétrole. "Si vous avez des contrats chez nous, ça ne va pas bouger", assure l'armateur. 

"On est dans une émancipation de cette dépendance, in fine, non seulement physique mais également économique au prix du pétrole."

Guillaume Le Grand, cofondateur de Towt, entreprise de voiliers-cargos à franceinfo

Cette stabilité des prix, doublée d'un marketing autour d'un transport de marchandise propre, fonctionne bien. L'entreprise est d'ailleurs en train de construire six nouveaux cargos à voile. Un bémol tout de même : il y a quelques jours, Towt a décidé d'abandonner son pavillon français(Nouvelle fenêtre) pour protester contre une mesure du budget 2025. Le gouvernement a en effet décidé de retirer au secteur du transport à voile son exonération de charges sociales.

La CMA-CGM montre l'exemple

D'autres solutions sont envisagées pour les porte-conteneurs actuels, ces géants des mers très pollueurs, pour répondre aux défis climatiques. Avec un objectif de neutralité carbone fixée par l'Organisation maritime internationale à horizon 2050, les armateurs sont obligés de trouver des solutions. Ils misent principalement sur le gaz naturel liquéfié, qui, certes, pollue moins que le fioul lors de la combustion, mais dont l'extraction et le transport sont très polluants.

Autre solution encore, sur laquelle mise notamment le numéro deux du secteur, l'armateur français CMA-CGM : des bateaux hybrides qui fonctionnent au fioul et au biocarburant. Grâce à cela, CMA-CGM a réduit de moitié ses émissions de CO2 ces dix dernières années.

Les armateurs travaillent également sur une technologie en vogue ces dernières années : les moteurs à hydrogène. Ils ont beaucoup misé ce secteur, qui peine toutefois à concurrencer le fioul. Au Havre, chez l'entreprise Sogestran, Ahmed Khalil et ses équipes viennent de mettre à l'eau une péniche nouvelle génération. Son moteur fonctionne grâce à l'électricité produite sur le bateau par l'hydrogène. Un hydrogène vert, décarboné, mais qui coûte cher, jusqu'à trois fois plus cher que le diesel. Et ce n'est pas la seule contrainte, explique Ahmed Khalil : "Il faut tenir compte du coût général de l'exploitation d'un bateau comme ça, parce qu'on est sur des équipements qui demandent beaucoup de maintenance, qui sont cher à la maintenance. Les formations d'un équipage pour travailler sur un bateau comme ça, c'est un coût aussi, donc il y a plusieurs coûts qui s'additionnent." L'hydrogène a donc du mal à être compétitif aujourd'hui. D'ailleurs Sogestran n'a toujours pas de clients pour sa nouvelle péniche.

Autres solutions liées à la logistique

La nature des carburants utilisés n'est pas le seul moyen utilisé par les cargos pour réduire leur empreinte carbone, assure César Ducruet, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la décarbonation des transports : "Depuis une quinzaine d'années, il y a tout un éventail de techniques", explique-t-il, qui permettent de réduire la pollution."

"Les navires polluent le plus quand ils approchent des côtes, quand ils freinent et redémarrent. Donc certaines compagnies, en coordination avec les ports, ont mis en place une réduction de la vitesse des navires."

César Ducruet, directeur de recherche au CNRS à franceinfo

L'autre technique est appelée "arrivée virtuelle". Cela consiste, selon le chercheur, "à améliorer la prévision de l'arrivée des navires". "Cela permet aux cargos de trouver rapidement une place dans le port et d'éviter la congestion que l'on observe habituellement, avec des navires qui patientent et qui polluent aux abords des côtes", dit-il. César Ducruet remarque d'ailleurs, ces dernières années,"une prise conscience des armateurs qui doivent aujourd'hui se plier aux exigences environnementales mises en place par l'Organisation maritime internationale".

francetvinfo.fr

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