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Gwilen valorise les sédiments marins en un matériau de construction bas carbone

19/11/2024

Gwilen valorise les sédiments marins en un matériau de construction bas carbone

Yann Santerre et Mathieu Cabannes (X04), associés et cofondateurs de Gwilen, nous présentent leur matériau marin et bas carbone aux multiples applications au service du monde de la construction. Ils nous en disent plus sur les propriétés de ce matériau, ses applications et reviennent également sur les prochaines étapes de leur développement alors que la start-up prépare une levée de fonds.

Quelle a été la genèse de Gwilen ?

Yann Santerre : Gwilen est un clin d’œil à mon enfance. En effet, Gwilen est l’appellation en breton de la Vilaine, le plus long fleuve breton, au bord duquel j’ai passé toute mon enfance.

Plus concrètement, depuis les années 70, l’estuaire de la Vilaine s’envase suite à la construction d’un barrage qui a entraîné une modification majeure du régime sédimentaire de tout l’estuaire. Dans les années 90, de nombreuses associations écologistes ont régulièrement organisé des traversées à pied lors des grandes marées afin de démontrer l’impact de cette infrastructure sur le cycle naturel de l’estuaire qui est, d’ailleurs, situé dans une zone classée Natura 2000.

Ingénieur diplômé des Ponts & Chaussées, j’ai eu la volonté d’appréhender cette problématique comme une opportunité. J’ai exploré de nombreuses pistes, dont la valorisation de cette ressource qui encombre l’estuaire, et plus largement les ports, en un matériau pour la construction. J’ai lancé les premiers tests fin 2017. En 2019, j’ai été rejoint par Mathieu. En 2020, nous avons créé la société à Brest, au cœur d’une région qui connaît bien le sujet, et au cœur d’une ville à la fois portuaire mais aussi reconstruite, symbole fort d’un héritage architectural. Nous bénéficions, par ailleurs, du soutien du Technopole, de la région et de Brest Métropole. 

Aujourd’hui, nous sommes trois associés et une dizaine de personnes. Nous avons commercialisé nos premiers produits en 2022, une gamme de carreaux muraux, et depuis nous étoffons nos gammes et leurs applications. 

Concrètement, Gwilen transforme les sédiments marins en matériau pour le monde de la construction. Dites-nous en plus sur ce nouveau matériau et sur son mode de production.

Mathieu Cabannes : En effet ! L’ambition de Gwilen est de proposer au secteur de la construction de nouvelles solutions pour leur permettre d’appréhender deux problématiques majeures, les émissions de carbone et la préservation des ressources, alors que chaque année en France, plus de 35 millions de mètres cubes de sédiments sont extraits en France. 

Architectes-ingénieurs de formation, notre objectif est véritablement de proposer de nouvelles alternatives pour les matériaux de construction avec un focus sur les qualités architecturales de ces matériaux.

Nous avons ainsi mis au point un procédé spécifique basé sur les propriétés intrinsèques des sédiments marins. Notre procédé s’inspire, en effet, de la diagenèse, le processus naturel de formation des roches sédimentaires.

Au-delà, notre procédé de transformation ne nécessite pas de cuisson à haute température, ce qui permet d’économiser de l’énergie, mais aussi des émissions de CO2 ! Nous n’ajoutons pas de résine, de ciment ou de liant extérieur pour agglomérer la matière. Nous créons plutôt un liant sédimentaire qui permet d’envisager de nombreuses applications pour notre matériau, qui est, par ailleurs, moulable. 

Notre matériau est donc aussi facile à mettre en œuvre que le béton, ce qui permet de réaliser différentes formes. En plus, ses propriétés sont très proches de celles de la terre cuite, notamment sur le plan thermique et mécanique. 

Qu’en est-il des applications ?

Y.S : L’idée de Gwilen est de proposer des alternatives qui vont venir se substituer à des produits existants et qui vont avoir un impact environnemental plus faible. Il s’agit, par exemple, de remplacer des briques en terre cuite utilisées pour des éléments de cloisonnement par des briques en matière sédimentaire, qui répondraient aux mêmes contraintes d’usage, réglementations de mise en œuvre… 

Cette approche vise à faciliter l’adoption de nos produits et leur intégration dans les processus de construction sans que les entreprises n’aient à prévoir d’investissements supplémentaires, l’acquisition de nouveaux équipements ou bien la formation des compagnons sur les chantiers. 

Nous avons fait le choix de commencer par développer les applications les moins contraignantes sur le plan technique avec une première gamme de carreaux pour des applications au mur à l’intérieur. En 2023, nous avons développé des applications pour les sols avec des contraintes d’usure, de résistance au poinçonnement… 

Nous nous inscrivons dans une démarche de développement de produits progressive afin de couvrir toujours plus de produits de construction.

« Nous cherchons actuellement à développer ces partenariats industriels, afin de produire et commercialiser ces produits sédimentaires de substitution. »

À l’échelle d’un bâtiment, nous nous concentrons sur les applications extérieures pour nos carreaux avec, par exemple, des travaux en façade avec nos briquettes en remplacement de plaquettes en béton ou d’éléments en pierre. 

Nous poursuivons, d’ailleurs, la caractérisation de notre matériau afin de proposer des applications complémentaires pour le revêtement et les façades. Sur le plus long terme, nous réfléchissons aussi au développement de produits pour réaliser des éléments de cloisonnement intérieur, de la maçonnerie… 

Dans cette diversification des applications, nous restons néanmoins concentrés sur la maîtrise des process et des propriétés de la pâte sédimentaire. 

À plus long terme, il s’agit aussi de nouer des partenariats avec des industriels spécialisés dans la préfabrication de béton afin d’utiliser notre pâte sédimentaire en substitution du béton pour proposer des produits à plus faible impact dans une logique d’association de leurs compétences en matière de production et de distribution à notre connaissance de ce matériau et de ses propriétés. Nous cherchons actuellement à développer ces partenariats industriels, afin de produire et commercialiser ces produits sédimentaires de substitution.

Vos produits ont-ils déjà été utilisés ? 

M.C : Sur la partie bâtimentaire, nous en sommes encore au stade de Proof of Concepts. Mais nos produits ont déjà été utilisés pour des habillages intérieurs de restaurants, dont le restaurant étoilé Datil à Paris, des bars, des boulangeries, mais aussi des boutiques, des espaces de coworking… 

Nos produits sont aussi utilisés dans des projets de particuliers en substitution de carreaux de ciment ou du zellige marocain. 

Vous lancez aujourd’hui une levée de fonds. Quels sont les enjeux de cette démarche ?

M.C : Aujourd’hui, nous avons plusieurs enjeux : poursuivre la caractérisation de notre matériau, travailler sur l’industrialisation de notre procédé, mais aussi les processus de fabrication pour avoir un pilote industriel qui nous permettra de passer à l’échelle. Nous préparons donc une nouvelle levée de fonds pour accélérer notre développement à tous ces niveaux et renforcer notre équipe en accueillant de nouvelles compétences.

Quelles sont donc les prochaines étapes pour Gwilen ?

Y.S : Le principal objectif est de concevoir et développer un outil industriel afin de passer à l’échelle pour industrialiser et automatiser la production et l’adaptation de la pâte sédimentaire aux nombreuses applications que nous envisageons. 

En parallèle, nous sommes mobilisés sur un programme au pays de Brest qui vise à implanter la première unité industrielle de valorisation des sédiments du territoire afin de coordonner l’accès à la ressource auprès d’une quarantaine de portsFinistériens. 

La question des sédiments et de l’envasement représente aussi un enjeu pour la gestion des ports qui relève de la région, de la CCI et des communes, il y a là un vrai enjeu collectif qui questionne le rapport que nous entretenons avec la nature, au travers de nos infrastructures. L’idée est ainsi de concevoir une solution de valorisation intégrée aux infrastructures existantes, afin d’optimiser leur fonctionnement et organiser une production autarcique, au cœur des infrastructures, et s’appuyant sur les réseaux en place afin de diffuser nos produits. Il s’agit, par exemple, d’envisager le transport de cette ressource en capitalisant sur le transport maritime et ferroviaire, ce qui permet de réduire l’impact carbone global de nos produits tout en redynamisant le tissu économique territorial.

lajauneetlarouge

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