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Décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 : un bilan à améliorer, selon le Réseau Action Climat
27/08/2024
Un peu plus d'un an après que les 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 ont remis leur feuille de route de décarbonation au gouvernement, le Réseau Action Climat France dresse avec France Nature Environnement un premier bilan des actions mises en place. Dans leur rapport publié ce 16 juillet, les ONG environnementales pointent une hausse des émissions sur certains sites et s'inquiètent du recours aux technologies de captage du carbone au détriment de celles visant la baisse des rejets de CO2.
Alors que l'industrie continue de représenter 17,5% des émissions nationales de gaz à effet de serre, le Réseau Action Climat (RAC) France a publié ce 16 juillet avec France Nature Environnement (FNE) un premier bilan(Lien sortant, nouvelle fenêtre) des actions des 50 sites industriels les plus émetteurs de France qui s'étaient engagés sur une trajectoire de décarbonation, dans des feuilles de route remises fin juin 2023 à Élisabeth Borne, alors Première ministre.
"Limites" des technologies de captage du carbone
"Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer les efforts entrepris par les industriels de ces 50 sites dans le cadre des feuilles de route, il est toutefois préoccupant de constater que certains sites ont augmenté leurs émissions de gaz à effet de serre en 2023", prévient le RAC. C’est notamment le cas, en Seine-Maritime, de l’usine pétrochimique TotalÉnergies de Gonfreville (+9,8%) et de LAT Nitrogen à Grand-Quevilly (+42%), mais aussi d'Aluminium Dunkerque (+5,3%), dans le Nord, et de Lyondell Chimie France à Fos-sur-Mer (+3,8%), dans les Bouches-du-Rhône, détaille l'ONG.
Elle juge de plus "inquiétant de constater que de nombreux industriels prévoient de capter une partie de leurs émissions alors que ces technologies de captage de carbone présentent de nombreuses limites". Selon elle, le recours à ces technologies "doit être justifié" – et faire l'objet d'un débat public - et "ne doit pas détourner les industriels de la nécessaire transformation de leurs activités". Le RAC recommande par conséquent le fléchage des aides publiques vers les autres solutions de décarbonation, "au potentiel plus important pour un moindre coût".
"Écoconditionnalité" du soutien public
Reprenant les chiffres de l'Institut Rousseau, qui a évalué en 2023 le coût de la décarbonation de l’industrie en France à 48 milliards d’euros, soit 27 milliards de plus que les investissements actuellement prévus, et recommandé que 20 milliards d’euros soient pris en charge par l’État sous forme de subventions à l’"investissement vert industriel", le RAC estime que ce soutien public "ne doit pas être de l’argent gratuit". "Il doit être assorti d’écoconditionnalités, permettant une maximisation de son efficacité et un suivi des dépenses", insiste-t-il.
L'ONG estime en outre que cet effort d’investissement doit être réalisé "en parallèle d’une diminution de la consommation, permettant une baisse de certaines productions". Elle rappelle que "la sobriété et l’économie circulaire sont les deux piliers de la décarbonation de l’industrie", "alors qu’ils sont pour le moment sous-investis par les industriels qui préfèrent se concentrer sur les solutions technologiques.
Le RAC épingle tout particulièrement dans le rapport Arcelor-Mittal, qu'il qualifie de "hors-la-loi environnemental". "En janvier dernier, une aide d’Etat d’un montant exceptionnel de 850 millions d’euros destinée à la décarbonation du site ArcelorMittal à Dunkerque a été confirmée par le gouvernement, rappelle-t-il. Un enjeu majeur puisque en 2023, 2,8% des émissions nationales de gaz à effet de serre tous secteurs confondus proviennent des sites ArcelorMittal de Fos-sur-Mer, Dunkerque et Florange et que la filiale française a déjà perçu 392 millions d’euros d’aide publique française et européenne depuis 2013 et dégagé plusieurs milliards d’euros de la spéculation de crédits carbone gratuits." Or, souligne l'ONG, "ArcelorMittal laisse toujours planer le doute sur la stratégie de décarbonation de ses sites en Europe et multiplie les infractions environnementales". Pour ces raisons, l’État a selon elle "la responsabilité de conditionner l’aide exceptionnelle de 850 millions d’euros promise à ArcelorMittal au respect d’objectifs climatiques, sociaux et environnementaux".
Une réglementation environnementale difficilement respectée
Le rapport estime aussi que le respect de la réglementation environnementale est "la grande oubliée des politiques de décarbonation". "Pollution de l’air, des sols, de l’eau, artificialisation et contribution au changement climatique : les activités industrielles ont de nombreux impacts délétères sur l’environnement et les riverains', rappelle-t-il. 500.000 sites industriels sur le territoire métropolitain sont ainsi classés comme susceptibles de créer des risques, des nuisances et des atteintes à l’environnement et les activités industrielles sont strictement encadrées afin de limiter au maximum leurs nuisances.
"Pourtant, dans les faits, de nombreux industriels ne respectent pas cette réglementation, ce qui a des conséquences directes sur la biodiversité et la santé humaine", note le RAC qui souligne qu'en 2021, la pollution industrielle a coûté 15,5 milliards d’euros de dommages sur la santé et les écosystèmes à la société française. L'ONG attribue cette situation à "un manque de contrôles de ces installations", avec en 2022, moins de 23.000 inspections réalisées pour les 500.000 installations françaises. "Ce manque de contrôles et les sanctions financières peu dissuasives sont autant de facteurs qui permettent à de grands industriels tels que Yara, Naphtachimie ou encore ArcelorMittal d’émettre des polluants au-delà des limites légales", affirme-t-elle.