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Inondations dans le Nord-Pas-de-Calais : le défaut de curage des cours d'eau mis hors de cause

30/07/2024

Inondations dans le Nord-Pas-de-Calais : le défaut de curage des cours d'eau mis hors de cause

Le délai d'une déclaration de curage ponctuel des cours d'eau est désormais de deux mois.    © Vitalii

Sous la pression des organisations agricoles, le Gouvernement a signé, fin janvier, un décret pour faciliter le curage des cours d'eau. Un rapport de mission met hors de cause leur défaut d'entretien dans la survenance des inondations.

Les inondations d'ampleur survenues à l'automne 2023 et en janvier 2024 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais s'étaient ajoutées à la liste des griefs à l'origine de la fronde du monde agricole du début d'année. Dès le mois de novembre, la FNSEA, tout comme des élus locaux, avait appelé le Gouvernement à « tirer les enseignements de cette catastrophe » en facilitant le curage des cours d'eau qui serait soumis à des procédures administratives trop lourdes.

Répondant avec empressement aux revendications des syndicats agricoles qui dénonçaient l'excès de normes, alors que la crise était davantage due à la détresse économique des agriculteurs, le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, avait accédé à la plupart des demandes visant à alléger les contraintes destinées à protéger l'environnement. Parmi celles-ci, il signait, dès le 31 janvier, un décret permettant de soumettre à la procédure de déclaration, plutôt qu'à celle de l'autorisation plus lourde, le curage ponctuel des cours d'eau. « Concrètement, une fois le dossier déposé, une instruction d'autorisation dure environ neuf à douze mois, alors que le délai d'une déclaration est de deux mois », vante ainsi le ministère de l'Agriculture sur sa page destinée au suivi des mesures en faveur des agriculteurs.

« Tous les travaux d'entretien courant des cours d'eau ne sont pas soumis à autorisation et ce n'est pas en curant les cours d'eau que l'on règle les problèmes d'inondation, réagissait Antoine Gatet auprès d'Actu-Environnement le jour même de la publication du décret. On fait comme si ce qui est applicable à la FNSEA ou à la Coordination rurale, qui ne connaissent que le modèle industriel, était applicable à l'ensemble du monde agricole. Ce n'est pas le cas. »

Mission lancée après le décret

Ce n'est que le lendemain de la signature du décret que le Gouvernement semble s'être interrogé sur le bien-fondé de la mesure qu'il venait de prendre. Les directeurs de cabinet des ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique ont en effet adressé, le 1er février, une lettre de mission à leur inspection respective afin qu'elles identifient « les évolutions législatives et réglementaires susceptibles de permettre une simplification notable des procédures administratives nécessaires aux différentes interventions d'entretien des canaux, cours d'eau, fossés et autres sections de wateringues ». Remis aux commanditaires en avril, le rapport (1) a été mis en ligne mardi 16 juillet.

Le facteur déclenchant [des inondations] en est l'ampleur des précipitations, causant des crues dépassant très largement les niveaux centennaux ” - Rapport de mission

Il montre que l'hypothèse de départ ayant motivé la mission était erronée. « Le manque d'entretien des réseaux hydrauliques permettant l'évacuation des eaux vers la mer n'a pas été la cause des inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais, indiquent les auteurs dans le résumé de leur rapport. Le facteur déclenchant en est, en effet, l'ampleur des précipitations, avec des cumuls atteignant près de 800 mm sur les deux derniers mois de l'année 2023, causant des crues dépassant très largement les niveaux centennaux. Ces cumuls ont très largement excédé les capacités des ouvrages de protection contre les crues, même quand ils sont parfaitement entretenus, ceux-ci étant le plus souvent, et logiquement, dimensionnés pour des épisodes d'occurrence inférieure à une crue cinquantennale. »

Il reste à espérer que l'ensemble des mesures de simplification décidées par Gabriel Attal n'aient pas été prises sans fondement objectif. Ce dont on peut légitimement douter concernant les mesures d'assouplissement du droit de l'environnement, tant elles semblent avoir répondu aux seules demandes de l'agriculture intensive au détriment de la protection de la nature.

Réglementation complexe

Il n'en demeure pas moins que la réglementation est complexe, admet la mission qui a étudié le régime juridique de l'entretien des cours d'eau non domaniaux. « Le cadre juridique pour engager des travaux d'entretien des cours d'eau repose sur trois piliers : le respect de la loi sur l'eau ; le respect du principe de préservation des espèces protégées ; l'accès aux parcelles », relèvent les hauts fonctionnaires. Ceux-ci recommandent que « chacune de ces contraintes fasse l'objet de simplification ou de clarification, et que le recours à des dispositifs juridiques liés à l'urgence soit facilité ».

Parmi les recommandations de la mission, deux sortent du lot : compléter l'article L. 241-3 du code de l'environnement  (2) pour exempter d'autorisation ou de déclaration les travaux destinés à remédier à des inondations d'ampleur inédite ou à en prévenir la réitération à court terme ; exempter les opérations d'entretien courant des cours d'eau de la dérogation Espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement (3) et y substituer, comme cela se fait dans le cadre des obligations légales de débroussaillement, « une compétence des préfets de département pour fixer des prescriptions aux travaux d'entretien des cours d'eau ». Des mesures de nature législative que le Gouvernement Attal, démissionnaire, n'est en tout état de cause plus en mesure de faire adopter.

1. Télécharger le rapport de mission Igedd/CGAAER

2. Consulter l'article L. 214-3 du code de l'environnement

3. Consulter l'article L. 411-2 du code de l'environnement

Laurent Radisson / actu-environnement


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