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« La PPE est avant tout nécessaire pour planifier le temps long »

21/11/2024

« La PPE est avant tout nécessaire pour planifier le temps long »

Olga Givernet - Ministre déléguée chargée de l'Énergie

Moins d'une semaine après la présentation de la vision énergétique de son Gouvernement, la ministre de l'Énergie, Olga Givernet, revient sur tous les dossiers sur sa table : du nouveau nucléaire à l'hydrogène ou encore à la chaleur renouvelable.

Actu-Environnement : Le 4 novembre, votre ministère a soumis à la consultation publique les projets de Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Leur contenu est très proche des orientations esquissées en novembre 2023, bien que la situation budgétaire de l'État change actuellement la donne. Les documents finaux risquent-ils donc de s'en voir modifiés ?

Olga Givernet : Je tiens d'abord à rappeler l'objectif principal de notre politique : décarboner notre mix énergétique pour faire baisser la facture énergétique des Français et de l'État. Certains Français ont déjà bénéficié de la baisse des prix sur le marché de l'électricité. Et au mois de février prochain, les 80 % restants bénéficieront d'une diminution allant jusqu'à 9 %. Pour que les prix restent compétitifs, il reste important pour nous de maintenir notre ambition en matière de production. Et garder notre maîtrise sur la consommation, en usant d'efficacité et de sobriété, doit également permettre aux prix de l'énergie de continuer leur baisse. La PPE donne une trajectoire non seulement pour y arriver, mais aussi pour ne pas s'écarter de la neutralité carbone en 2050. Notre modèle économique reste très largement carboné, à hauteur de 60 % de notre consommation énergétique. Une tendance qu'il nous faut inverser d'ici à 2030. Dans cette optique, il fallait impérativement donner de la visibilité aux entreprises du secteur de l'énergie pour rendre cette transition la plus fiable possible.

Ensuite, il est vrai que notre budget sera particulièrement contraint cette année. Aussi, il va nous falloir cibler les aides publiques sur les dispositifs les plus performants, les plus efficaces ou les plus sobres. La PPE, elle, est avant tout nécessaire pour planifier le temps long, pour garantir le déploiement de nouvelles infrastructures et assurer l'avenir de nos enfants et petits-enfants.

AE : À propos de programmation énergétique, vous avez participé à l'adoption d'une proposition de loi portée par des sénateurs Les Républicains. Conformément à la loi Énergie-climat de 2019, le Gouvernement doit encore promulguer sa propre loi en la matière. Celui-ci compte-t-il soutenir le passage de la proposition de loi à l'Assemblée nationale ou mise-t-il sur d'autres options ?

OG : Cette proposition de loi a effectivement été adoptée au Sénat, grâce à un important travail de co-construction avec les rapporteurs qui ont permis d'aboutir à un texte qui est davantage en phase avec nos objectifs sur le nucléaire et les renouvelables. Elle doit désormais poursuivre son chemin parlementaire. Quoi qu'il en soit, notre objectif demeure d'avoir une législation cohérente avec notre prochaine PPE. Car c'est ce texte qui demeure le plus important : il donne des objectifs concrets et des moyens techniques sur dix ans en vue d'atteindre notre objectif de neutralité carbone en 2050.

AE : La proposition de loi du Sénat, comme la PPE, mise sur le développement d'une énergie « décarbonée », mixant nucléaire et renouvelables. Pourtant, nos objectifs européens – qui demeurent à transposer dans le droit français – tablent toujours strictement sur les renouvelables. Le Gouvernement entend-il changer cette donne sur le plan européen ?

OG : Dans un premier temps, nous menons un travail de longue date à ce niveau pour que l'énergie nucléaire soit acceptée comme technologie compatible avec les prochains objectifs de réduction des gaz à effet de serre [pour 2040, ndlr]. Il nous reste par ailleurs encore du travail pour réformer le marché européen de l'électricité, de sorte qu'il puisse s'appuyer sur une production d'électricité fiable et moins chère – comme le permet le nucléaire. C'est aussi pour cela que nous préférons parler d'énergie « décarbonée ».

AE : Au sujet du nucléaire, vous étiez le 8 novembre à la centrale de Nogent-sur-Seine pour évoquer la question de la prolongation de la durée de vie des réacteurs. Où en sont les discussions, lancée en 2023, à ce sujet et quels sont les dossiers prioritaires du Gouvernement sur le nucléaire ?

OG : Ce sujet me tient à cœur, notamment du fait que j'avais présenté un amendement, lors de l'examen de la loi d'accélération du nucléaire en mars 2023, pour produire un rapport sur la prolongation des réacteurs au-delà de soixante ans et ainsi donner plus de visibilité à la filière.

La nouvelle PPE demande justement à EDF de conduire des études sur la faisabilité de cette proposition. La décision appartiendra ensuite à la future ASNR de la mener ou non à bien. À titre personnel, je me réjouis des perspectives de la relance du nucléaire : si nous avions suivi la précédente marche à suivre, la centrale du Bugey, dans mon département de l'Ain, aurait été la prochaine à fermer après celle de Fessenheim. Le fait d'y accueillir bientôt une paire d'EPR2 garantira la continuité des compétences locales sur ce site et même leur développement.

En outre, nous sommes en discussion avec EDF sur le modèle de financement des nouveaux réacteurs. Ces négociations devraient aboutir d'ici à la fin de l'année. Nous ne nous prononcerons cependant pas sur la volonté de la proposition de loi du Sénat de graver dans le marbre la construction de quatre paires d'EPR2 de plus que ce qui est envisagé par le Gouvernement. Nous amorçons notre planification énergétique pas à pas en fixant d'abord nos ambitions, puis en cadrant la question des financements nécessaires à court et à moyen terme pour maintenir le calendrier d'installation des premiers nouveaux réacteurs au-delà de l'horizon de la nouvelle PPE.

AE : Sur le front des énergies renouvelables, vous avez présenté, le 18 octobre, la cartographie des futurs parcs éoliens en mer et promis de lancer un prochain appel d'offres (AO10) l'an prochain. Qu'en est-il des autres filières renouvelables ? Leurs propres procédures pourraient-elles être modifiées au sortir de la loi de finances pour 2025 ?

OG : L'annonce de cet AO10 et la sécurisation de 8 à 10 gigawatts (GW) de nouvelles éoliennes en mer a été ma première action concrète pour donner la visibilité nécessaire à la filière afin de se structurer. D'autres appels d'offres demeurent par ailleurs en cours pour respecter les objectifs inscrits dans la PPE. Nous venons par exemple de sélectionner 48 projets pour un équivalent d'un peu plus de 700 mégawatts (MW) en éolien terrestre, soit un peu moins que les 900 MW appelés, et 120 lauréats pour des centrales solaires photovoltaïques au sol cumulant plus de 900 mégawatts (MW).

S'agissant des procédures en elles-mêmes, notre dynamique n'est pas encore d'y inclure les contrats de gré à gré (ou « corporte PPA »). Il reste de la responsabilité des opérateurs de proposer les modèles économiques les plus viables et équilibrés pour être soutenus, que ce soit vis-à-vis du coût que de leur bilan carbone. Autrement, les zones d'accélération des énergies renouvelables (ZAER), dont les périmètres ont été étudiés par le Cerema avec les élus locaux, viendront renforcer la territorialisation et l'acceptabilité des projets futurs. Les premiers retours sont très bons, mais il reste à boucler cette boucle avec les comités régionaux de l'énergie.

Quant aux autres énergies renouvelables, maintenant que la PPE a été dévoilée, nous comptons présenter une nouvelle stratégie de développement de l'hydrogène dans les semaines et mois à venir. Nous portons une attention particulière au développement des réseaux de chaleur, notamment sur la question de la chaleur fatale récupérée dans les nouveaux centres de données. Nous souhaitons également nous pencher sur la durabilité de nos approvisionnements en carburants et en combustibles. Tous ces nouveaux ajustements découleront des discussions autour de la consultation sur la PPE. Celle-ci ne représente que le début de la mise en place concrète de notre politique énergétique.

AE : Vous l'avez évoqué, notre mix énergétique reste très dépendant des énergies fossiles. La PPE acterait l'arrêt des centrales à charbon en 2027. Mais les projets de reconversion de ces centrales patinent. Et qu'en est-il du pétrole et du gaz naturel ?

OG : J'aimerais d'abord souligner que le secteur de la production d'électricité – et les centrales à charbon en font encore partie – reste un secteur industriel vecteur d'emplois dans nos territoires. Mais plus nous le décarbonons, plus nous devenons indépendants énergétiquement. Le pétrole et le gaz que nous consommons restent, à l'inverse, très majoritairement importés. Cette dépendance dans nos besoins finaux met en déficit notre balance commerciale. Nos transferts d'usage vers l'électricité, dans le transport et l'industrie, en proposant des énergies alternatives, doivent justement permettre notre décarbonation et renforcer notre indépendance. Alors oui, en 2027, nous ne brûlerons plus de charbon, mais il nous faudra encore utiliser un temps le gaz, pour le chauffage ou la production d'électricité d'appoint.

Certes, cet hiver, notre approvisionnement en énergie est assuré. Nos réserves de gaz sont pleines. Mais une planification au sens large reste nécessaire pour produire une énergie la plus décarbonée possible en fonction de nos besoins. En 2022, le phénomène de corrosion sous contrainte avait diminué de moitié la capacité de notre parc nucléaire. Mon déplacement à Nogent-sur-Seine et nos discussions sur la faisabilité d'une prolongation de nos réacteurs participent de nos efforts pour éviter ce genre d'impairs. De plus, nous évoluons dans un contexte où les incertitudes géopolitiques sont nombreuses et il faut nous en prémunir. La France et l'Europe doivent être prêtes à être aussi indépendantes et résilientes que possibles pour faire face à tous ces aléas.

AE : Pour finir, lors de la présentation de la PPE et de la SNBC, vous n'avez pas manqué d'évoquer le retour de la mission « Énergie » de Bercy à Roquelaure. En quoi cela était-il important pour vous de le mentionner et que retenez-vous des actions du précédent gouvernement ?

OG : Lorsque l'actuelle ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, était ministre de la Transition énergétique et siégeait à Roquelaure, j'avais mené un groupe de travail sur la sobriété dans le cadre de la concertation sur la Stratégie française énergie-climat (Sfec). C'est pourquoi j'ai regretté de ne pas voir cette PPE aboutir avant. Plus que la faute du précédent gouvernement, je blâme surtout le flottement politique apparu avec un gouvernement resté démissionnaire pendant une durée inédite [après les élections législatives anticipées, ndlr] et qui n'a plus été en mesure de présenter de nouvelles politiques publiques. Aussi, pour reprendre les dossiers le plus rapidement possible et parce ceux-ci ont été largement coconstruits avec les parties prenantes, seuls quelques ajustements ont été effectués.

Quant à ma mission spécifique, notre Gouvernement a à cœur de rattacher l'ensemble des secteurs dont la transition est nécessaire – de l'énergie aux transports, en passant par l'industrie ou le bâtiment tertiaire – sous un même ministère. Cela représente, pour nous, un signal fort que la transition écologique reste une priorité.

Félix Gouty / actu-environnement


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