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Changer nos habitudes alimentaires peut vraiment aider à lutter contre le réchauffement climatique
26/01/2025

La scientifique américaine Cynthia Rosenzweig vient de remporter le Prix mondial de l’alimentation, après avoir passé des décennies à étudier les interactions entre le changement climatique et ce que nous mangeons. Elle martèle aujourd’hui ce message : nos choix alimentaires ont un impact majeur sur le réchauffement de la planète. Entretien.
Agronome et climatologue, l’Américaine Cynthia Rosenzweig vient de remporter le Prix mondial de l’alimentation pour ses recherches menée au sein de la Nasa, au célèbre centre spatial Goddard. Ce prix, créé en 1986 par l’agronome américain Norman Borlaug (1914-2009), lauréat du prix Nobel de la paix en 1970, récompense toutes les contributions à l’amélioration de l’alimentation mondiale, quel que soit leur domaine scientifique (agronomie, distribution, économie, etc.). Cynthia Rosenzweig a passé plusieurs décennies à étudier les interactions entre le changement climatique et ce que nous mangeons. Dans un entretien avec l’Agence France-Presse (AFP), elle explique pourquoi il est crucial de transformer notre alimentation, pour lutter contre le réchauffement de notre planète.
Cynthia Rosenzweig, comment le système alimentaire encourage-t-il le changement climatique ?
Le changement climatique ne peut pas être freiné sans porter attention aux émissions de gaz à effet de serre des systèmes alimentaires. Notre travail, parmi d’autres, montre que ces émissions représentent environ un tiers des émissions humaines totales. Dans le même temps, la sécurité alimentaire pour tous est dépendante du climat qui change… Alors que nous sommes dans une décennie cruciale pour l’action climatique, la nourriture doit être mise sur la table.
La climatologue et agronome Cynthia Rosenzweig, ici dans un champ en Inde. (Photo : Sharif Linson / World Food Prize Foundation / AFP)
Quels sont les impacts du réchauffement sur l’alimentation ?
Les températures élevées en général sont néfastes aux cultures, parce qu’elles accélèrent leur croissance, alors elles ont moins de temps pour produire des grains. Cela fait grandement baisser les rendements. Et puis il y a les événements extrêmes qui se produisent lors de moment critiques, par exemple une canicule pendant la pollinisation du maïs. Ils augmentent en fréquence et en intensité dans de nombreuses régions agricoles.
Et bien sûr il y a l’eau, critique pour la production alimentaire. Le réchauffement change le cycle de l’eau dans beaucoup de régions agricoles, avec plus de sécheresses et plus de précipitations importantes, parce qu’un air plus chaud peut contenir plus d’eau. […] Avec les derniers scénarios climatiques, l’équipe de modélisation des cultures de l’AgMIP [programme de simulation des cultures lancé par Cynthia Rosenzweig, NdlR] a découvert que l’impact sur certaines régions agricoles à travers le monde devrait se faire sentir bien plus tôt, même au début des années 2030. C’est vraiment bientôt.
Certaines de ces zones clés où ces impacts précoces se feront sentir se trouvent dans le centre des États-Unis, en Afrique de l’Ouest et en Asie de l’Est. En Afrique de l’Ouest, la production agricole pourrait chuter de 20 à 40 %, voire plus.
Quelles solutions pour faire changer les choses ?
Accroître le stockage de carbone peut aider à lutter contre le réchauffement. Nous devons augmenter l’efficacité de la production agricole et réduire le gaspillage alimentaire : c’est un chiffre approximatif, mais environ un tiers de la nourriture produite est perdue ou gâchée. Si nous ne gaspillions pas autant de nourriture, nous n’aurions pas à en produire autant, et donc nous réduirions les émissions de la production agricole.
Dans les pays développés, il y a également la place pour des choix de régimes alimentaires qui peuvent faire une différence, parce que les émissions liées à l’élevage, principalement pour la viande de bœuf et le lait, sont importantes.
Les émissions liées à l’élevage, principalement pour la viande de bœuf et le lait, sont importantes. (Photo d’illustration : Franck Dubray / archives Ouest-France)
Mais si nous parlons consommation, nous devons reconnaître que les solutions sont différentes selon les contextes et prendre en compte les questions d’équité. De nombreuses personnes dans le monde n’ont pas le choix en matière d’alimentation. […] Il y a sans aucun doute un mouvement en faveur de la transformation du système alimentaire.
La nourriture est le secteur clé en matière climatique et connecte tous les habitants de la planète au réchauffement. Nous devons transformer notre système alimentaire pour assurer la sécurité alimentaire pour tous et une planète en bonne santé.