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« La géothermie est un réel atout pour les collectivités »

07/08/2024

« La géothermie est un réel atout pour les collectivités »

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Noémie Meritus et Vincent Espinasse, chargés de mission pour ACTEE, programme de rénovation énergétique des bâtiments publics, qui vient de publier un guide sur la géothermie à destination des collectivités (disponible en ligne, sur ce lien), pour évoquer avec eux le potentiel de développement de cette technologie.

Quelle est la place de la géothermie dans la production de chaleur en France, et quel est son potentiel ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —Les solutions géothermiques sont très peu mobilisées dans l’hexagone. Le potentiel est pourtant immense. 99 % du territoire national est propice à la géothermie de surface, qui exploite la chaleur en proche sous-sol grâce à des pompes à chaleur (PAC) géothermiques.

Côté géothermie profonde, qui valorise la chaleur géothermale jusqu’à 2 500 mètres de profondeur, la majorité des aquifères profonds en France demeurent inexploités, bien qu’ils puissent fournir suffisamment de chaleur pour des millions de logements.

La géothermie représente ainsi seulement 3,9 % de la production de chaleur renouvelable en France… soit à peine 1 % de la production de chaleur, toutes sources confondues. La géothermie de surface représente 4,6 TWh en 2022 selon le SER, quand la géothermie profonde mobilise 2,1 TWh.

Quels sont les avantages de chaque solution ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —La géothermie offre une grande variété de choix technologiques, en fonction des caractéristiques des bâtiments (espace disponible, besoins de chaud/froid…) et de ressources du sous-sol.

La géothermie “profonde” ou “de moyenne et haute énergie” exploite des eaux souterraines dont la température peut grimper classiquement jusqu’à environ 150 °C. La technique permet une exploitation directe de la chaleur extraite sans besoin de réchauffage par le biais d’une pompe à chaleur, mais se limite à des secteurs bien définis sur le territoire. C’est une solution traditionnellement adaptée au déploiement des réseaux de chaleur.

La géothermie de surface, aisée à mettre en œuvre, permet à la fois la production de chaud (chauffage, eau chaude sanitaire) et de froid, grâce à l’utilisation de pompes à chaleur. Elle peut être déployée sur l’ensemble du territoire national, à des profondeurs de 0 à 10 m et de 10 à 200 m. La production de froid en mode climatisation sollicitera la mise en fonctionnement de la pompe à chaleur, mais ce n’est pas le cas du mode rafraîchissement (géocooling), permettant un rafraichissement à très bas coût.

Pourquoi l’utilisation de la géothermie est particulièrement adaptée aux bâtiments publics ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —Très peu émettrice de dioxyde de carbone et faiblement consommatrice d’électricité, la géothermie est un réel atout pour les collectivités qui font ce choix, sur une vision à moyen et long terme. Exploiter cette énergie locale et renouvelable rend les territoires davantage résilients, sur le plan de l’approvisionnement énergétique et sur le plan financier.

Les bâtiments publics de plus de 1 000 m² sont soumis au décret tertiaire et visés par l’objectif de 60 % de gain énergétique d’ici 2050. Associée à la rénovation énergétique, la géothermie est une solution particulièrement prometteuse pour atteindre cet objectif, d’autant qu’elle permet la production de froid et limite les besoins de climatisation.

Il est indispensable cependant de l’associer à une démarche de rénovation globale, combinant une amélioration énergétique de l’enveloppe du bâtiment et du système de renouvellement d’air, afin de dimensionner au mieux la production de chaleur du bâtiment, et de s’assurer de dépenses très faibles.

Comment relier un bâtiment à un nouveau réseau de chaleur géothermique dans le cadre d’une rénovation ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —La première étape sera de réaliser un audit énergétique et une étude de préfaisabilité, permettant de confirmer l’opportunité de la mise en place d’un système de géothermie. Cet audit pourra être financé par le programme ACTEE avec le soutien d’un économe de flux (EF) ou un conseiller en énergie partagé (CEP).

En parallèle, il conviendra de se rapprocher de la collectivité territoriale, qui détient la compétence pour déployer les réseaux de chaleur, pour évaluer la faisabilité technique et les coûts de raccordement.

Des travaux ponctuels pour la rénovation du système de chauffage seront indispensables a minima, lorsque le système de chauffage est fonctionnel depuis moins de 10 ans, et le budget est limité. Une rénovation globale est recommandée. On optera alors pour un bouquet de travaux, dans lequel sera embarquée l’installation d’une solution géothermique.

Les études pourront être soutenues par le Fonds Chaleur de l’Ademe. Un économe de flux pourra être associé au projet, de l’ingénierie au suivi du chantier, en passant par le dossier de demande de subvention.

La France dispose-t-elle des compétences pour valoriser son potentiel géothermique, en particulier pour les bâtiments publics ? Comment assurer une montée en compétence, le cas échéant ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —De la formation et de la communication sont encore nécessaires, pour une montée en compétence, mais également pour valoriser les professions de cette filière et recruter davantage de professionnels (foreurs, installateurs et bureaux d’études notamment).

Les étapes de conception, d’exploitation et de maintenance doivent donc être rigoureusement prises en charge, afin de profiter pleinement des nombreux avantages de cette solution, notamment sa très grande longévité. L’entretien des installations existantes est primordial pour le bon fonctionnement de cette technologie.

Du côté d’ACTEE, nous travaillons à sensibiliser les élus, mais aussi à former les économes de flux, les conseillers en énergie partagée (CEP) et les animateurs régionaux et départementaux de projet de chaleur renouvelable. Ce sont des acteurs clés dont les compétences sont à intégrer en conseil interne ou externe aux équipes municipales pour accompagner et renforcer l’ingénierie territoriale.

Quels sont les principaux freins au déploiement de la géothermie par les établissements publics ? Comme les lever ?

Noémie Meritus et Vincent Espinasse —La mobilisation de la géothermie mobilise parfois un fort investissement financier, et des compétences encore rares dans les administrations. Il existe aujourd’hui un éventail de financements et de ressources, capables d’accompagner les projets de la phase d’études à la maintenance, en passant par le montage des dossiers de subventions.

Il y a encore un déficit de communication sur la technologie. Nous incitons les collectivités qui utilisent déjà de la géothermie à communiquer sur leurs réalisations et leur modèle économique, afin de faire connaître et sensibiliser leurs pairs à cette technologie.

lemondedelenergie

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