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Bassin d’Arcachon : Avec le rejet des eaux usées dans la nature, vers un risque de « droit à polluer » ?
29/01/2025

Les bassins de sécurité du bassin d'Arcachon, qui servent à stocker temporairement les eaux usées, avaient débordé lors de l'hiver 2023-2024. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes
La réglementation du système d’assainissement du bassin d’Arcachon pourrait bientôt évoluer, intégrant un rejet exceptionnel des eaux usées dans la nature en cas de forte pluviométrie. Ce qui fait bondir les associations environnementales
L'essentiel
Lors de l’hiver 2023-2024, la saturation du réseau d’assainissement du bassin d’Arcachon avait entraîné un débordement des eaux usées stockées dans les bassins de sécurité, jusque dans les parcs ostréicoles.
Pour y remédier, le Siba, syndicat qui gère les eaux pluviales et les eaux usées, propose la création de déversoirs d’orage qui permettront d’organiser ces débordements, en les acheminant dans des zones éloignées des habitations.
Pour la Coordination environnement bassin d’Arcachon (Ceba), ce projet n’est « pas la bonne réponse » et le risque est qu’il se transforme en un « droit à polluer » inattaquable devant les tribunaux.
Le rejet d’eau usée dans la nature va-t-il être bientôt autorisé et encadré dans le bassin d’Arcachon ? C’est tout l’enjeu d’un projet d’évolution de la réglementation, à la demande du Siba (Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon), qui gère le réseau d’eau pluviale et l’assainissement du bassin, et qui fait bondir plusieurs associations environnementales.
La préfecture de Nouvelle-Aquitaine entend aller dans le sens de la demande du Siba, puisqu’elle a annoncé il y a quelques jours envisager de modifier ses arrêtés pour permettre ces rejets dans la nature, assurant que « les déversements exceptionnels opérés feront l’objet d’un contrôle attentif ». La préfecture doit toutefois encore recueillir l’avis du parc naturel marin du bassin d’Arcachon.
Eviter les inondations
Mais pourquoi vouloir encadrer, même exceptionnellement, le rejet des eaux usées dans la nature ? Cette solution proposée par le Siba doit répondre au problème de saturation du réseau d’assainissement, notamment dans le nord du bassin, lors d’événements pluvieux exceptionnels en période hivernale. Cette saturation avait provoqué lors de l’hiver 2023-2024 un débordement des bassins de sécurité, et une inondation des parcs ostréicoles par les eaux usées polluées au norovirus, avec pour conséquence une contamination de milliers de consommateurs d’huîtres, et une interdiction de commercialisation des coquillages durant un mois.
Les eaux usées du bassin d’Arcachon sont acheminées vers des stations d’épuration grâce à un réseau de plus de 1.200 km de tuyaux qui ceinturent le bassin, le rejet des eaux traitées se faisant dans l’océan au niveau du wharf de la Salie, au sud du bassin. Des bassins de sécurité servent à stocker temporairement, en cas de pluies ou de travaux, les eaux usées. En temps normal, les effluents stockés dans ces bassins sont renvoyés dans le réseau pour être traités en station d’épuration. Mais l’hiver dernier, des déversements à partir de ces bassins de sécurité avaient été rendus nécessaires en raison des intempéries exceptionnelles. Cela avait déjà été le cas lors de l’hiver 2021.
Pour remédier au problème, et à la demande de la justice, le Siba a proposé la réalisation de déversoirs d’orage, c’est-à-dire la possibilité d’organiser les débordements, en les acheminant dans le milieu naturel, dans des zones éloignées (généralement en forêt), l’objectif étant d’éviter les inondations des habitants, et des parcs ostréicoles.
« Dans le cadre réglementaire », estime la préfecture
Contacté par 20 Minutes, Jacques Storelli, président de la Coordination environnement bassin d’Arcachon (Ceba), rappelle que les textes fondateurs du Siba prévoient pourtant « zéro déversement dans la nature ». Mais, « la demande du Siba vise à encadrer ces déversements comme exigé par le juge, estime la préfecture. Elle s’inscrit dans le cadre réglementaire en vigueur, qui inclut différents mécanismes permettant de tenir compte d’évènements climatiques hors normes, et donc ponctuels, qui conduisent de facto au débordement de systèmes d’évacuation ».
Les projets des nouveaux arrêtés préfectoraux « encadreront les conditions d’exploitation de ces bassins et instaureront un dispositif d’alerte lorsque les bassins de sécurité seront remplis à hauteur de 70 % », complète la préfecture.
« On prend le dossier par le bas »
Pour Jacques Storelli, ce projet de déversoir n’est cependant « pas la bonne réponse ». « On ne dit pas que l’Etat et le Siba sont inactifs, mais que l’on prend le dossier par le bas, c’est-à-dire par l’hypothèse du débordement, qui laisse entendre que nous sommes soumis à la météo », se désole-t-il.
« Un débordement, qu’il soit naturel ou qu’il soit encadré par un déversoir d’orage, cela reste à peu près la même chose, puisque cela aboutit dans la nature, estime le Ceba. Nous avons demandé de notre côté la création de systèmes de pompage, refoulement et traitement, en cas de risque de débordement. Ce sont des moyens lourds concernant des volumes très importants. Là, on ne se place pas du tout dans cette hypothèse. »
Pire, Jacques Storelli considère que cette autorisation exceptionnelle de rejet dans la nature, « est un système de protection judiciaire et juridique du Siba, pour l’autoriser à polluer dans un certain nombre de cas, dans des circonstances exceptionnelles qu’il reste encore à définir ». Ce qui empêcherait de facto « les parties civiles, les privés, les associations, d’aller devant les tribunaux ». L’association dit toutefois rester « vigilante » et ne s’interdit pas d’attaquer les arrêtés préfectoraux « une fois que nous les aurons vus et qu’ils seront publiés, s’il s’avère qu’ils reviennent effectivement à un droit à polluer ».
Le Siba avait annoncé en octobre dernier toute une série de mesures, pour un montant total de 120 millions d’euros, notamment la construction d’une nouvelle station d’épuration, pour « préserver le bassin, éviter que les 140.000 habitants ne soient inondés, et que les professionnels de la pêche et de l’ostréiculture puissent exercer leurs activités » avait assuré Yves Foulon, président du syndicat et maire d’Arcachon.