Le salon des Solutions
environnementales & énergétique du Grand Ouest

Les Actualités

Safran dégaine le premier moteur d’avion électrique certifié, bientôt produit en série

12/02/2025

Safran dégaine le premier moteur d’avion électrique certifié, bientôt produit en série

Dès 2026, Safran prévoit de produire chaque année quelque 1000 exemplaires de son moteur électrique ENGINEuS.

Safran a décroché la certification du premier moteur électrique dédié au transport aérien, un jalon historique pour le secteur. Il contribuera à réduire l’impact carbone des petits aéronefs et, à terme, des navettes régionales voire des avions de plus grande envergure. Dès la fin 2026, sa production en série sera assurée dans une usine ultra automatisée basée à Niort (Deux-Sèvres).

Annonce électrisante pour le transport aérien et la filière aéronautique tricolore. Safran a célébré, lundi 3 février, la certification du premier moteur d’avion électrique, l’Engineus 100. Le précieux sésame ouvrant la voie à sa commercialisation, fruit de neuf années d’efforts dont quatre dédiées à la seule certification, a été fourni par l’Agence de l'Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA). «Une première mondiale», s’est félicité Olivier Andriès, le directeur général de Safran, se tenant à l’occasion de cette cérémonie au côté du moteur, avec pour écrin l’imposante fresque de Raoul Dufy, «La Fée Électricité», au cœur du musée d’Art Moderne de Paris.

Pour décrocher cette certification, Safran aura dû défricher une terre encore largement inexplorée. «Il a fallu mettre au point une technologie de rupture, démontrer sa fiabilité et établir un nouveau référentiel de certification», a résumé Bruno Bellanger, président de Safran Electrical & Power, la branche du groupe spécialisée dans les équipements électriques. Un parcours semé d’obstacles, terminé avec environ un an de retard sur le calendrier initial.

Un moteur soumis à rude épreuve

«Nous avons par exemple réalisé des essais d’arcs électriques pour montrer que le moteur était sûr ainsi que des tests extensifs de durabilité», a détaillé Rachel Daeschler, directrice de la certification au sein de l’AESA. Des discussions ont été entamées avec l’autorité américaine de l’aviation civile (FAA), mais elles devraient aboutir à plus longue échéance. Les standards internationaux en la matière restent encore à mettre au point.

Le développement du moteur Engineus achevé, les essais de certification ont démarré en novembre 2023. En interne, on les a surnommé les «Douze travaux d’Engineus» : pluie, vents de sable, chocs, perturbations électromagnétiques… Une dizaine de moteurs ont été malmenés, cumulant 1500 heures d’essais de certification et plus d’une centaine d’heures de vol en conditions réelles.

Un moteur dédié aux petits aéronefs électriques

A l’AESA, on se félicite de l’initiative de Safran, qui ouvre la voie à une démocratisation de l’électrification du transport aérien. Certes, le biplace électrique Velis Electro du slovène Pipistrel vole depuis 2020, mais il entre dans la catégorie de l’aviation légère sportive, bien moins exigeante d’un point de vue réglementaire. En outre, c’est l’engin qui a été certifié et non précisément le moteur.

L’Engineus 100 désormais apte à voler, reste à assurer son succès commercial. Capable de délivrer une puissance maximale de 125 kW, ce moteur peut s’attaquer au marché des nouvelles mobilités : soit électrifier à 100% des engins de deux à quatre passagers sur une distance d’une centaine de kilomètres, soit contribuer à l’hybridation de petits appareils régionaux de 19 places maximum.


L'appareil régional ERA d'Aura Aero sera équipé des moteurs Engineus de Safran. (Photo : Aura Aero)

C’est le choix du français Aura Aero, qui a opté pour ce moteur pour son Integral E, censé être certifié fin 2026. «Au vu des excellents retours de ce moteur, ce calendrier est jouable», a assuré Jeremy Caussade, le patron de la start-up toulousaine. Son appareil régional ERA de 19 places, qui sera certifié en 2028, embarquera lui aussi l'Engineus. Egalement sur la liste des premiers clients : le français VoltAero, l’autrichien Diamond Aircrfat, le canadien CAE, les américains Bye Aerospace et Electra, ou bien encore le chinois TCab Tech.

Un marché difficile à évaluer

Pour autant, Safran se refuse à fournir des données sur la taille du marché visé et les parts que Safran pourrait s’arroger. «Le marché va être créé par la capacité des avionneurs à certifier leurs appareils», a précisé Bruno Bellanger. L’industriel compte aussi dégainer un successeur à l’Engineus 100 : l’Engineus XL, dont la puissance devrait avoisiner les 750 kW, déjà été testé au sol mais dont le calendrier industriel n’est pas encore établi. Une version de ce moteur pourrait servir à hybrider le démonstrateur CFM Rise, destiné à équiper le successeur de l’A320, qui devrait entrer en service vers 2035.

Afin de se donner le maximum de chances de son côté, Safran va mettre en place des lignes de production ultra automatisées, permettant de réduire les coûts de production. Pour l’heure, quelque 200 exemplaires ont été assemblées sur deux sites : un basé à Pitstone (Royaume-Uni), chargé du montage des rotors et des stators, et un autre, basé à Niort (Deux-Sèvres), dédié à l’électronique de puissance et à l’assemblage final du moteur. Dès la fin d’année 2026, chacun sera doté de deux lignes entièrement automatisées.

Des usines ultra automatisées

Des usines dont les procédés, très inspirés de l’automobile, devront garantir la compétitivité prix des moteurs. Alors que 1000 exemplaires d’Engineus devraient être produits dès 2026, des extensions pourraient voir le jour et quadrupler à terme les capacités de production. Au vu du haut niveau d’automatisation, les besoins d’embauches promettent d’être mineurs. Quant au montant de l’investissement pour ces usines, Safran n’a pas souhaité fournir de précisions.


Safran ouvrira en 2026 pas moins de quatre lignes de production automatisés dédiées à l'Engineus. (Photo : Adrien Daste - Safran)

L’obtention de cette certification conforte les ambitions de Safran : l’entreprise entend jouer un rôle de premier plan dans l’électrification du transport aérien. Rachat des activités électriques de l’américain Goodrich en 2012, de l’irlandais Eaton Aerospace en 2014, du français Zodiac en 2017… Ajouté à cela des investissements en interne, l’équipementier maîtrise aujourd’hui la quasi-totalité de la chaîne électrique à bord, de la distribution à la motorisation, en passant par la conversion électrique.

Un savoir-faire d'autant plus précieux que les phénomènes physiques liés à l'utilisation de hautes tensions (800 volts) en altitude n'est pas sans poser plusieurs enjeux de sécurité. «Pour les batteries, qui sont un élément essentiel, nous n'avons pas vocation à faire des cellules, a confié Bruno Bellanger. Mais nous pourrions faire alliance avec un acteur de la chimie pour les solutions de nouvelle génération, en particulier lithium-métal.»

Des concurrents en embuscade

Si Safran assure avoir un coup d’avance, des concurrents se trouvent en embuscade. Outre les acteurs traditionnels, à l’instar de GE Aerospace et de Pratt & Whitney, des francs-tireurs comme l’américain magniX, voire des porteurs de projets d’aéronefs eux-mêmes tels que Joby et Archer, sont déjà à l’offensive. Des acteurs asiatiques pourraient aussi émerger. De quoi promettre une farouche concurrence dans les prochaines années.

Olivier Andriès n’a d’ailleurs pas manqué de profiter de l’occasion pour souligner la nécessité d’un soutien politique au secteur auprès du ministre des Transport présent à l’événement, Philippe Tabarot. «Cette certification, c’est la preuve que la France, à travers ces acteurs industriels, joue toujours un rôle de nation pionnière dans le domaine de l’aéronautique, a insisté le dirigeant. La France peut avoir un rôle mondial dans la décarbonation de l’aéronautique. Pour cela, le soutien durable de l’Etat est plus que jamais nécessaire.» Le message est passé.

usinenouvelle


Annonce Publicitaire