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Pour être efficaces, les politiques climatiques doivent se combiner

03/09/2024

Pour être efficaces, les politiques climatiques doivent se combiner

© Dee karen

Une étude statistique montre que ce n'est pas tant la nature des politiques publiques mais leur combinaison et leur séquençage qui permettent de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre. Une stratégie insuffisamment appliquée.

Quelles sont les politiques publiques qui, statistiquement, réduisent le plus les émissions de gaz à effet de serre ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre des chercheurs de l'Institut de Postdam sur le climat et de l'université d'Oxford, dans une étude (1) publiée, le 22 août, dans la revue Science.

Une efficacité très limitée

Pour cela, les statisticiens se sont appuyés sur une base de données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), compilant l'ensemble des actions climatiques (par secteurs) prises entre 1998 et 2022 par ses 38 pays membres (dont la France) et ses trois « partenaires » (la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud). Ces 41 nations représentaient 81 % de l'empreinte carbone planétaire en 2019. Les chercheurs ont appliqué à cette base de données un programme intégrant l'évolution des émissions nationales de gaz à effet de serre et évaluant l'effet de chaque action menée, en fonction des émissions observées par la suite.

1 500C'est le nombre de politiques publiques liées au climat que l'OCDE a recensé depuis 1998 chez ses 41 pays membres ou partenaires.

Parmi les quelque 1 500 politiques publiques (2) étudiées, la majorité concerne des réformes réglementaires, comme de nouvelles normes d'émissions ou des plans de sobriété, dans les secteurs de l'industrie ou du bâtiment ; ou bien de nouvelles règles de marché, principalement des subventions ou taxations dans les transports par exemple. Sur la totalité de ces actions, seules 69 ont entraîné ce que les chercheurs qualifient de « rupture structurelle » avec les émissions tendancielles des pays concernées – dont 63 dans un laps de temps de deux ans ou moins. Chacune de ces actions s'est en effet associée d'une baisse moyenne de 19,4 % des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit, en France par exemple, de l'introduction de la « taxe carbone » (la composante carbone ou contribution climat-énergie, CCE) en 2014. Et prises ensemble, elles ont entraîné une réduction de 0,6 à 1,8 gigatonne d'équivalent dioxyde de carbone (GtCO2e).

Combiner les actions et les introduire au bon moment

La taxation carbone reste l'exception la plus notable, le seul instrument qui peut à lui seul réduire les émissions d'un secteur ” - Stechemesser et al., Science, 2024

Quelle est alors la bonne formule ? Et comment expliquer que si peu de toutes ses politiques climatiques aient eu un véritable impact ? D'abord, dans 70 % des cas, de telles ruptures structurelles se sont produites grâce à la combinaison d'au moins deux réformes différentes. « Certaines actions n'ont eu d'effet sur les émissions de gaz à effet de serre qu'une fois associées à d'autres, comme la réduction des subventions aux énergies fossiles d'un côté et la labélisation d'énergies ou combustibles propres de l'autre, expliquent les chercheurs. D'autres actions, parfois employées seules avec succès, n'ont eu un impact significatif que dans le cas où elles étaient accompagnées d'autres réformes, comme de nouvelles subventions. En revanche, la taxation carbone reste l'exception la plus notable, le seul instrument qui peut à lui seul réduire les émissions d'un secteur. »

L'autre facteur du succès de certaines actions vient également justifier, en partie, l'inefficacité de la majorité des politiques mises en œuvre. L'étude montre que toutes les réformes (ou associations de réformes) ne se valent pas en soi. Leur efficacité dépend également du contexte économique du pays qui les applique. Ainsi, subventionner de nouveaux produits ou technologies moins polluantes demeure la meilleure action possible dans la plupart des pays dits en développement (comme la Chine, le Brésil, l'Inde ou l'Afrique du Sud). Les taxes restant, à l'inverse, le meilleur outil pour les pays développés. « Cela s'inscrit dans la théorie du séquençage, qui suggère d'introduire certaines politiques plus incitatives, comme les subventions réduisant le coût des énergies renouvelables, avant d'autres plus contraignantes et structurelles, comme les taxes sur les énergies fossiles », soulignent les auteurs de l'étude.

L'effort reste considérable

Forts de ce diagnostic, les États pourront-ils réorienter leur stratégie pour remplir leurs objectifs climatiques ? Les chercheurs n'en sont pas convaincus. « Même si tous les pays de notre échantillon arrivaient à répéter toutes les actions efficaces identifiées, il leur faudrait en introduire au moins quatre fois plus pour espérer réduire l'écart. » Sachant que seulement quatre à huit nouvelles actions ont été enregistrées en 2022, en moyenne par pays, dans la base de données de l'OCDE. L'écart en question correspond à celui qu'il reste à combler pour respecter l'objectif de l'Accord de Paris (une augmentation de la température planétaire limitée à 1,5 °C en 2100), en comparaison des promesses faites par les États dans leurs contributions nationales déterminées (NDC). Cet écart s'élève à 23 GtCO2e à économiser de plus chaque année d'ici à 2030, selon un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue).

1. Consulter l'étude dans Science

2. Consulter la plateforme de l'OCDE

actu-environnement / Félix Gouty



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