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Le projet d’usine de bûches densifiées de Cimaj fait débat
18/01/2025

Les opposants au projet d’usine de bûches densifiées porté par la PME toulousaine Cimaj à Estadens, lors d’un rassemblement le 26 novembre dernier. Crédit : collectif Cagire sans usine.
Porté par la société toulousaine Cimaj, un projet d’usine de bûches densifiées à Estadens, dans le Comminges, fait débat. Ses opposants, réunis au sein du collectif Cagire sans usine, dénoncent un manque de concertation et redoutent une « dégradation » de l’environnement et de leur qualité de vie. Les élus locaux, quant à eux, saluent l’arrivée d’une « entreprise vertueuse engagée dans la transition énergétique ».
La nouvelle s’est vraiment répandue début novembre. D’Estadens à Aspet, d’Arbas à Rouède en passant par Mane, Salies-du-Salat et Figarol, le projet d’implantation d’une usine de bûches densifiées a fait le tour des villages et des hameaux du Comminges dominés par le pic du Cagire, au sud de la Haute-Garonne. Il est porté par la société toulousaine Cimaj, qui commercialise, sous la marque Bricafeu, des bûches de bois densifié issues du recyclage de sciures et copeaux provenant de l’industrie du bois. En 2023, l’entreprise a acquis 1,2 hectare de terrain dans la Zac du Cap d’Arbon, à Estadens, pour y installer un site de production dimensionné pour fabriquer 12.500 tonnes de briquettes par an. Avec cette seconde usine, dans laquelle elle va investir 5,7 millions d’euros, Cimaj prévoit de multiplier par six sa production actuelle de 2500 tonnes assurée par son unité de Lalande, à Toulouse.
Mais dans le piémont pyrénéen, l’arrivée de Cimaj, née en 1987, qui se présente comme « un pionnier de l’économie verte en France », actif dans le papier recyclé, le bois densifié et les énergies renouvelables, n’est pas saluée par tous. Réunis dans le collectif Cagire sans usine, les opposants au projet dénoncent ses « impacts négatifs » sur leur qualité de vie et sur leur territoire rural « préservé ». Ils alertent sur « la mort programmée du tourisme local » compromis selon eux par l’implantation de l’usine et de ses cheminées de 11 mètres de haut, véritable « verrue dans le paysage ».
Le collectif pointe également les nuisances et les problèmes de sécurité liés au trafic des camions 38 tonnes – dix par jour selon les opposants, trois selon Cimaj – pour acheminer la matière première depuis des scieries d’Ariège ou depuis l’usine de cellulose Fibre Excellence de Saint-Gaudens.
« Menace » pour le tourisme
Dans une pétition signée par quelque 2800 personnes, les opposants demandent « l’arrêt du projet » et la réalisation d’une étude d’impact environnemental « approfondie ». Ils s’indignent aussi du « manque de concertation et d’information » de la part des élus de la communauté de communes Cagire Garonne Salat depuis le 19 janvier 2023, date à laquelle le conseil communautaire a voté à l’unanimité pour l’installation de Cimaj à Estadens. Il n’en a ensuite été question qu’au printemps 2023, dans un encart du magazine intercommunal qui n’a pas été distribué à tous les habitants, regrettent les opposants.
Vue de la future usine de Cimaj à Estadens, près d’Aspet, dans le Comminges, au sud de la Haute-Garonne. Crédit : Cimaj
Le projet est revenu sur le devant de la scène en mai 2024 avec la demande de permis de construire de Cimaj, purgé en août. Mais, pour de nombreux habitants, il n’est devenu réalité que le 5 novembre dernier, quand la communauté de communes a informé ses administrés d’une consultation publique entre le 19 novembre et le 17 décembre, sur la demande d’enregistrement de Cimaj au titre des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Après avoir manifesté leurs craintes lors d’une réunion publique le 21 novembre à Estadens, les opposants sont très vite passés à l’action. Depuis le 26 novembre, quatre rassemblements, dont le dernier ce samedi à Aspet, ont eu lieu à l’appel du collectif Cagire sans usine. Polémique, le dossier Cimaj est devenu politique avec la démission début décembre de Stéphane Duron, président de l’office de tourisme Cagire Salat Garonne, pour qui l’installation de l’usine Cimaj est « en contradiction avec les politiques menées depuis une décennie » autour du tourisme vert.
Incendie sur le chantier
Au pied du Cagire, la tension est montée d’un cran dans la nuit du 10 au 11 décembre avec l’incendie d’un engin de chantier sur le site de la future usine. Du côté de Cimaj, qui a porté plainte, c’est « l’incompréhension ». « Quand nous avons déposé le permis, nous n’avons eu aucun retour de la part des habitants. On était plutôt confiants mais on a assisté à une levée de boucliers lors de la consultation publique. Nous faisons face à la désinformation d’une minorité revendicative extrêmement virulente. Notre usine, qui reçoit des aides de l’Ademe, de l’Europe, du Fonds vert et de la Région, est pourtant vertueuse : notre activité consiste à valoriser des déchets industriels du bois pour en faire des bûches sans adjuvant ni additif », explique Jean-Baptiste Geneste, associé-gérant de Cimaj. L’entreprise se dit aussi inquiète pour sa « pérennité ». « Nous sommes une PME toulousaine engagée depuis 30 ans dans les énergies renouvelables et qui essaie de faire son bonhomme de chemin. Nous avons levé des fonds et pris des risques pour nous développer. »
De son côté, la communauté de communes Cagire Garonne Salat déplore une « mauvaise compréhension du projet » parmi les opposants qui, selon son président François Arcangeli, comparent l’unité de fabrication de Cimaj aux sites industriels de Fibre Excellence ou de Lafarge à Martres-Tolosane. « Ce projet n’a pas été mené dans la précipitation. La Zac du Cap d’Arbon a été lancée en 2005, créée en 2015 et viabilisée en 2017. Il est assez logique que des bâtiments sortent de terre. Nous avons même été plutôt lents finalement et nous sommes très fiers que cette entreprise vertueuse, qui s’inscrit dans notre stratégie de transition énergétique, s’installe dans notre territoire », assure l’élu local, qui admet un « défaut de communication ». « On peut améliorer les choses mais nous ne pouvons pas compenser l’absence d’intérêt d’une partie de la population qui ne s’informe pas sur la vie locale et se réveille tout d’un coup », estime François Arcangeli.
Après une interruption du chantier de plus d’un mois, les travaux de terrassement démarrés fin novembre devraient reprendre cette semaine. Le calendrier de Cimaj prévoit une livraison des bâtiments en juin pour une mise en production en juillet-août 2025, après le recrutement d’une équipe de six personnes. Dans le planning des opposants, toujours mobilisés, le prochain rendez-vous fixé est une assemblée générale, le 18 janvier, pour déterminer « les actions » futures à mener contre le projet.
Johanna Decorse / touleco