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Climat, baisse de la consommation, les vins du Sud-Ouest s’adaptent

30/10/2023

Climat, baisse de la consommation, les vins du Sud-Ouest s’adaptent

Les vins du Sud-Ouest représentent 8 261 exploitations, 28 caves coopératives et plus de 13 000 emplois (©Michel Carossio).

Viticulture. À quelques jours de la tenue à Toulouse du premier sommet européen du vin, Paul Fabre, directeur de l’Interprofession des vins du Sud-Ouest qui représente 8 261 exploitations, 28 caves coopératives, plus de 13 000 emplois et 1 Md€ de chiffre d’affaires, revient sur les grands enjeux du secteur.

Comment peut-on qualifier les vendanges 2023 ?

Paul Fabre : Le millésime 2023 est très compliqué parce qu’il fait suite à deux ou trois petites récoltes. Les années précédentes, nous avons en effet eu à déplorer des épisodes de grêle, de gel, de sécheresse. Cette année, nous avons subi une attaque de mildiou assez forte qui a conduit à une baisse de la récolte dans la plupart des vignobles du Sud-Ouest. Cette problématique n’est pas propre à notre région.

Si on se place à une échelle plus globale, d’autres vignobles ont subi des baisses de récoltes importantes : en Australie, en Argentine, mais aussi en Europe, en Italie et en Espagne. Or, dans ce contexte de baisse mondiale liée aux aléas climatiques, la production dans l’Hexagone progresse de 3 % (par rapport à la moyenne des cinq dernières années, 2018-2022, NDLR). La France redevient ainsi le premier producteur mondial.

Le Sud-Ouest, en revanche, connaît une situation plus difficile puisque si on regarde la moyenne quinquennale, la baisse de récolte se situe entre -30 et -50 %. Avec des variations selon les vignobles : à Cahors, Gaillac et Fronton, on est à plus de 50 %, dans le Gers, on est plutôt sur une baisse de 30 à 40 %.

Cette petite récolte signifie pour nous une problématique d’approvisionnement des marchés. Or, comme elle fait suite à plusieurs petites récoltes, les stocks ont déjà été utilisés pour partie. Ce qui veut dire qu’on est dans une situation extrêmement tendue sur ce plan-là.

S’il y a moins de vins du Sud-Ouest sur le marché, ne craignez-vous pas que les clients s’en détournent ?

Paul Fabre : C’est un risque, effectivement. Dès lors, nous priorisons le marché français et nous délaissons des marchés moins valorisés par exemple les Pays-Bas et l’Allemagne où les prix pratiqués sont plus bas. Sur le marché français, les vins du Sud-Ouest sont en effet mieux valorisés parce que nous répondons clairement aux nouvelles tendances de consommation, avec des vins à plus faibles degrés (alors que les régions méditerranéennes connaissent des degrés beaucoup plus élevés), ainsi que des vins marqués par plus de fraîcheur, de vivacité, de légèreté.

C’est ce qui fait que nous avons malgré tout des résultats positifs sur le marché français. Cependant, le contexte est particulièrement difficile du fait de l’inflation. Le vin n’étant pas un produit de consommation courante, les consommateurs font des arbitrages. Ce qui affecte clairement la vente de vins.

Vins bio, naturels, no/low

On parle aussi plus globalement d’une baisse de la consommation. Vous confirmez cette tendance ?

Paul Fabre : Les changements de mode de consommation affectent effectivement l’ensemble des vins français. Les buveurs quotidiens sont vieillissants. Cette génération boit beaucoup moins, voire plus. Ensuite, on a une jeune génération qui se tourne plus volontiers vers la bière, les spiritueux, les cocktails, les softs. Le vin a perdu sa « sacralité » même s’il conserve une dimension culturelle. Nous œuvrons pour faire connaître le vin aux jeunes consommateurs mais nous sommes clairement concurrencés par d’autres produits.

On ne consomme pas non plus les mêmes vins qu’hier…

Paul Fabre : Les consommateurs recherchent en effet des vins qui sortent de l’ordinaire avec des cépages particuliers, des vignerons qui ont une histoire à raconter. On parle de consommateurs zappeurs, qui ont soif de découvertes.

C’est là qu’on peut introduire les vins bio, naturels, les différents cépages. Et dans ce domaine, nous avons un avantage, à savoir une très grande variété de vins qui, d’ailleurs, peut aussi être un problème lorsque l’on souhaite communiquer sur les vins du Sud-Ouest. La région va en effet de l’Aveyron au Pays Basque et remonte jusqu’à la Dordogne. Il y a des blancs, des rouges, des rosés, des vins doux, liquoreux, des effervescents, etc. Le tout avec des noms de cépages qui peuvent surprendre : le loin de l’œil, le petit courbu, le gros manseng, etc. Ce n’est pas simple, mais cela offre une diversité d’histoires à raconter.

Autre atout : les vignerons du Sud-Ouest sont de plus en plus nombreux à s’engager dans le bio. Nous sommes ainsi la première région viticole enherbée de France avec des paysages en bosquets. Il y a une vraie diversité. On a, du reste, reçu en octobre 2022 le prix Paolo Benvenuti pour nos efforts en faveur de la préservation de la biodiversité de nos cépages (NDLR : il est attribué dans le cadre des Iter Vitis Awards qui, chaque année, distinguent des initiatives permettant de protéger et de valoriser le patrimoine viticole).

Nous sommes en effet en train de remettre au goût du jour des cépages disparus ou qui n’étaient plus utilisés. On préserve même les lambrusques, des vignes originelles. Enfin, une autre tendance émerge, celle des vins No/Low, c’est-à-dire des vins sans alcool ou à faible degré. Certaines exploitations travaillent déjà à faire baisser le degré d’alcool, notamment dans le Gers. Elles ont lancé des cuvés à 9°. Une réflexion est donc en cours.

Photo du travail au chai

Les vignobles du Sud-Ouest abritent 16 appellations d’origine protégée (AOP) et 12 indications géographiques protégées (IGP), réparties entre les Pyrénées, le Pays basque, l’océan Atlantique et le Massif central (©IVSO).

Comment se portent les exploitations ? Un plan de restructuration du vignoble est en cours, où en est-on ?

Paul Fabre : A la différence du vignoble de Bordeaux qui s’est engagé dans l’arrachage primé (NDLR : une convention signée entre l’État, la Région Nouvelle-Aquitaine et le CIVB prévoit l’attribution d’une prime d’arrachage 6 000 €/ha, motivée par des problèmes de surproduction et de mévente), les vignobles du Sud-Ouest ne se sont pas engagés dans une telle démarche.

Dans d’autres régions, on pratique aussi la distillation, mais dans le Sud-Ouest, après trois années de petites récoltes, on n’est pas non plus allé dans cette voie. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de difficultés économiques. Certaines exploitations sont en souffrance.

En parallèle, nous avons engagé un plan de restructuration du vignoble. Cela veut dire qu’on arrache pour replanter. Cela concerne 10 à 15 % du vignoble chaque année. Il y a donc des exploitants qui croient en l’avenir. Cette restructuration se fait, du reste, autour des cépages autochtones que j’évoquais précédemment, de cépages tardifs ou résistants. On a donc une jeune génération de vignerons bien présente.

Pour autant, on note depuis quelque temps un ralentissement des installations, parce que le métier n’est pas facile. Les problématiques de changement climatique, de maladies, conduisent en outre à une certaine prudence. Certaines exploitations tardent aujourd’hui à trouver des repreneurs. Plus globalement, on sait que, dans les années à venir, des exploitations vont disparaître en France. Le Sud-Ouest, lui, a commencé à se restructurer depuis quelques années. Il y a déjà eu des réductions des surfaces exploitées. Nous sommes, de ce fait, peut-être un peu mieux adaptés à ces situations.

60 restaurateurs ambassadeurs

Vous avez lancé il y a deux ans la marque Sud-Ouest Cœur pour relancer la consommation sur le bassin toulousain. Quel bilan en tirez-vous ?

Paul Fabre : Nous avons multiplié les actions auprès des restaurateurs et des consommateurs. Cela a permis de faire découvrir ou redécouvrir aux Toulousains les vins du Sud-Ouest. On avait effectivement un peu délaissé ce marché, pensant à tort qu’il était acquis.

On constitue petit à petit un réseau de restaurants ambassadeurs qui souhaitent promouvoir les vins du Sud-Ouest sur leur carte. Ça passe par des animations, des découvertes. Il y a un an nous en avions 31, objectif symbolique, et là on va atteindre les 60.

On ne veut pas aller trop vite, sachant que des restaurateurs d’autres départements nous ont sollicités pour entrer dans cette dynamique de réseau, notamment dans le Tarn-et-Garonne et le Gers. Les choses se font lentement mais le bilan est plutôt positif.

Vous organisez à Toulouse, le 27 octobre, la Journée européenne du vin, intitulée « le vin : l’âme de l’Europe ». Dans quel but ?

Paul Fabre : En fait, nous organisons, avec l’Arev (Assemblée des régions viticoles européennes), le think tank Farm Europe et les Vignerons Coopérateurs de France, le premier sommet européen du vin. Pour rappel, en juin 2022, le vignoble du Sud-Ouest a été le premier bassin viticole inscrit au titre de la Route Culturelle Européenne de la vigne et du vin « Iter Vitis – Les Chemins de la Vigne » par le Conseil de l’Europe.

Plus récemment, en janvier, Toulouse a été élue capitale européenne du vin pour l’année 2023, à la fois parce qu’elle a une longue histoire avec le vin et parce qu’elle possède un tissu universitaire très dense lié aux métiers du vin.

Forts de ces reconnaissances, nous avons beaucoup échangé avec nos homologues. Nous nous sommes alors aperçus que toutes les problématiques que nous venons d’évoquer, le climat, le marché, les modes de consommation, la compétition internationale accrue avec les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, étaient communes à l’échelle européenne. Et qu’il serait peut-être bien d’en discuter ensemble entre Portugais, Italiens, Espagnols, Français, etc. Et tout naturellement, Toulouse est devenue le lieu de ralliement de ces vignobles européens.

Cette journée sera marquée par plusieurs temps forts : une rencontre des villes du vin à la mairie, une série de tables rondes à la Région, sur ces différentes problématiques, et une remise de prix à la préfecture, au cours de laquelle plusieurs vignobles seront récompensés, sachant que certains sont soumis à rude épreuve. On pense à l’Ukraine, à Israël, au Liban, dont des représentants seront également là. Le lendemain, la CCI de Toulouse accueillera l’assemblée générale des régions viticoles européennes. On attend 300 professionnels venus d’Europe entière. Seront aussi présents des membres de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et des parlementaires européens.

C’est étonnant que cette journée se déroule ici et pas à Bordeaux par exemple, mieux identifiée sur la carte des villes de vin ?

Paul Fabre : Effectivement, c’est extraordinaire que cela parte de Toulouse ! L’idée est que ce sommet puisse se reproduire ailleurs en Europe. Pour nous, c’est surtout une façon de montrer que nous ne restons pas sans rien faire : il y a des choses qui se font, des solutions, il faut qu’on en parle, qu’on les partage. Le vignoble du Sud-Ouest est par exemple pilote dans le cadre d’un projet européen autour de l’enherbement, de la préservation des bosquets, de l’agroforesterie. On travaille aussi sur la robotisation et la numérisation, sur ces cépages plus résistants, des cépages non pas génétiquement modifiés mais obtenus par croisement, etc. L’idée est de montrer tout ça, d’échanger, bref de prendre de la hauteur parce que nous avons des points de convergence avec nos voisins européens. C’est ce message que nous voulons faire passer.

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