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Les investisseurs misent sur les entreprises responsables

05/01/2021

Les investisseurs misent sur les entreprises responsables

Schneider Electric communique chaque trimestre à la fois sur ses ratios financiers et sur la performance. Et ça plait aux investisseurs ! © Pascal Guittet - L'Usine Nouvelle

L’urgence de la crise doit-elle enterrer les enjeux de soutenabilité à long terme ? Non, estiment de nombreux investisseurs, qui conseillent au contraire d’accélérer pour conserver un bon accès au capital.

Le 17 juin, Euronext, qui gère le CAC 40, a lancé un nouvel indice, l’ESG Large 80 (ESG pour environnementaux, sociaux et de gouvernance). Il regroupe 80 grandes entreprises européennes engagées dans la transition bas carbone et dotées de solides performances sociales et en matière de gouvernance. Il est composé notamment d’entreprises françaises comme Air liquide, BioMérieux, Carrefour, Legrand, Michelin, Valeo, Ingenico…

C’est le 40e indice ESG de la Bourse européenne. Derrière cette multiplication à travers le monde d’indices "responsables", se développe une multitude de fonds dits "indiciels", qui répliquent leurs performances pour répondre à la demande des grands gestionnaires de fonds pour des portefeuilles plus verts et plus responsables. Demande qui n’a pas faibli avec la crise du Covid-19.

Les critères ESG ont la cote

C’est même l’inverse. Au premier trimestre 2020, alors que les fonds indiciels classiques subissaient un désinvestissement, une partie des flux se sont reportés sur les fonds ESG. Les fonds durables ouverts ont collecté 40 milliards de dollars au premier trimestre dans le monde, soit une augmentation de 41 % par rapport à l’année précédente. Sans déception pour les investisseurs, puisque l’entreprise américaine de gestion d’actifs Morningstar a identifié 51 de ses 57 indices ESG ayant mieux performé que les indices "classiques" auxquels ils sont associés. Le leader mondial de la gestion d’actifs BlackRock propose désormais 100 fonds communs, indiciels ou ETF (pour exchange traded fund, fonds indiciels qui peuvent s’échanger à tout moment) durables, contre 28 il y a deux ans. "Ce qui est apprécié, c’est leur plus faible volatilité et leur qualité, c’est-à-dire la stabilité des performances, affirme Carole Crozat, la responsable de la recherche investissement durable de BlackRock. Les investisseurs estiment que les actifs concernés ont une meilleure résilience."

Certains inversent même la perspective. Pour Thomas Fried­berger, le directeur général de Tikehau Investment Management, "la meilleure mesure ESG d’un portefeuille, sur le long terme, c’est probablement la performance financière. Car on ne peut plus dissocier le financier de l’extrafinancier. Chez Tikehau, nous réalisons nos propres évaluations car les indicateurs ESG entrent dans toutes nos décisions d’investissement. De mauvaises performances ESG impliquent dans l’avenir un accès à des pools d’investissement restreints, donc le coût du capital de ces entreprises sera plus élevé". Le groupe Schneider Electric, abonné aux meilleures notes des grandes agences de notation ESG, comme MSCI et Vigeo Eiris, ne démentira pas cette vision. En juin, sa dernière obligation de 500 millions à trois ans (rémunérée à 0,08 %) a été souscrite huit fois plus, celle du 9 avril sur sept ans (rémunérée à 1 %) quinze fois plus !

La logique, pour toutes les sociétés engagées sur le chemin de la soutenabilité, est de poursuivre sur leur lancée. Mais la crise est là, parfois sévère. Les directeurs financiers ne vont-ils pas reprendre la main pour "cornériser" les directeurs du développement durable ? "Cela ne risque pas d’arriver ici, s’amuse Alexandra Palt, la directrice générale responsabilité environnementale et sociétale de L’Oréal. D’abord parce que le directeur financier du groupe est aussi engagé que moi, ensuite parce que cette transformation vers un modèle plus durable, entamée il y a dix ans chez L’Oréal, est désormais au cœur de la stratégie et portée par l’ensemble des collaborateurs. En 2013, nous voulions réduire nos émissions de 60 % par rapport à 2005. Fin 2019, nous en sommes à près de 80 %, avec une croissance de 37 % sur la période. Et d’ici à la fin de l’année, environ 95 % de nos produits mis sur le marché auront une performance environnementale ou sociale améliorée".

Ne pas oublier le dérèglement climatique

Le court terme de la finance s’oppose-t-il au long terme ? Pour éduquer ses investisseurs, Schneider Electric communique chaque trimestre à la fois sur ses ratios financiers et sur la performance de ses 21 objectifs de soutenabilité (part d’électricité renouvelable utilisée, nombre de personnes défavorisées formées à la gestion de l’énergie, nombre d’incidents médicaux par millions d’heures travaillées…). "Énormément d’agences de notation analysent nos performances ESG, mais ce qui fait la différence, c’est l’attention constante de notre management sur les 21 critères. Et si ces résultats ont été légèrement affectés au premier trimestre, nous restons mobilisés pour atteindre les objectifs de notre plan triennal à la fin 2020, tout en travaillant à relever nos exigences pour la prochaine période", explique Amit Bhalla, le responsable relations investisseurs de Schneider Electric.

Plus qu’un revirement, le Covid-19 joue un rôle d’un signal d’alerte face au péril bien plus grand du dérèglement climatique. La crise de 2008 a été souvent qualifiée de "cygne noir", un événement imprévisible, de faible probabilité, aux conséquences considérables, selon la théorie du professeur d’ingénierie du risque Nassim Nicholas Taleb. Le dérèglement climatique lui change de bestiaire. Pour Carole Crozat, c’est un" rhinocéros gris". C’est-à-dire un événement hautement probable, dont on ne connaît pas exactement le moment. Car les rhinocéros finissent par charger et font de gros dégâts, moins coûteux à prévenir qu’à réparer. Thomas Friedberger lance un avertissement à toutes les entreprises : "Dans un monde à 11 milliards d’habitants en 2100, on ne peut pas continuer sur la même trajectoire. Nous n’avons pas le choix, soit on s’expose à des ajustements très violents, avec une chute brutale de la croissance et des impacts sociaux extrêmes, soit on se prépare de manière raisonnée et durable."

www.usinenouvelle.com

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